Il est dit que le chanson de Gavroche n’avait d’abord qu’un couplet, qui est celui-ci, d’un ton bien différent:
Un bon bourgeois est un veau
Qui s’enrhume du cerveau
Et beugle, geint, bave et pleure
Sur les rois, fiacres à l’heure
Sur sa caisse, et sur la fin
Du monde où l’on avait du faim.
Il y a, dans Toute la lyre, deux autres Chansons de Gavroche dont l’une est peut-être celle que Victor Hugo lui eût fait d’abord chanter. En voici le texte:
Monsieur Prudhomme est un veau
Qui s’enrhume du cerveau
Au moindre vent frais qui souffle.
Prudhomme c’est la pantoufle
Qu’un roi met sous ses talons
Pour marcher à reculons.
Je fais la chansonette
Faites le rigodon.
Ramponneau, Ramponnette, don!
Ramponneau, Ramponnette.
Ce Prudhomme est un grimand
Qui prend sa pendule au mot
Chaque fois qu’elle retarde.
Il contresigne en bâtarde
Coups d’état, décrets, traités
Et toutes les lâchetés.
Il enseigne à ses marmots
Comment on rit de nos maux,
Pour lui, le peuple et la France,
La liberté, l’espérance,
L’homme et Dieu sont au dessous
D’une pièce de cent sous.
Le Prudhomme a des regrets:
Il pleure sur le progrès,
Sur ses loyers qu’on effleure,
Sur les rois, fiacres à l’heure,
Sur sa caisse et sur la fin
Du monde où l’on avait faim.
Après chaque couplet, le refrain: « Je fais la chansonnette… »
Il y a un précédent à la dernière chanson de Gavroche et Victor Hugo le connaissait sans doute. En 1817 le poète suisse Jean-François Chaponnière composait ces couplets:
Si le diable, adroit et fin,
A notre première mère
Insinua son venin,
C’est la faute de Voltaire.
Si le genre humain dans l’eau,
Pour expirer son offense
Termina son existence,
C’est la faute de Rousseau.
Si Borgia, ce bon humain,
Pour arrondier son affaire,
Fut sacrilège, assassin,
C’est la faute de Voltaire.
Si l’on vit ce Loth nouveau
S’enflammer pour sa famille
Et faire un fils à sa fille,
C’est la faute a Rousseau.
Il y a aussi cette variante à la dernière chanson de Gavroche:
Je n’aime pas l’eau claire,
C’est la faute à Voltaire;
J’aime le curaçao
C’est la faute à Rousseau.
Je n’prends pas un clystère,
C’est la faute à Voltaire;
Quand je mange un morceau
C’est la faute à Rousseau.
Je ne suis pas notaire,
C’est la faute à Voltaire;
Je suis saute-ruisseau,
C’est la faute à Rousseau.
Cassons le ministère,
Car j’en veux un morceau.
On verra le notaire
Cuit dans son panonceau.
Je suis fils de Cythère,
Et du faubourg Marceau.
La république est mère
Du gamin lionceau.
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