Quatrième audience (26 Octobre)
On continue l’audition des témoins.
Mme Morage. Dès le mardi soir nous avons eu peur des barricades; ces messieurs, au nombre d’une quarantaine le soir, et à-peu-près trois cents le lendemain 6, se sont emparés de la maison no. 30, et y sont restés. — D. Tiraient-ils? R. Oui; ils ont tiré depuis le matin jusqu’au moment où la maison a été prise.
M. le président. Pourriez-vous reconnaître parmi les accusés ceux que vous auriez vus? R. Oui, je reconnais le premier sur le troisième banc (Dumineray), Métiger, Coiffu, Renouf, Mulette. — D. N’avez vous rien vu d’extraordinaire dans votre chambre? R. Oui, deux hommes sous mon lit, dont un militaire; mais il n’est pas ici. (Après une longue pause): Ah! le voilà là-bas (Vigouroux); je le prenais pour un garde municipal.
Le témoin reconnaît Bouley, mais sans pouvoir l’affirmer; Bouley nie formellement avoir été dans la maison no. 30.
Mlle Nicolas dit avoir vu Dumineray, dans la matinée du 5, parmi les insurgés qui étaient au no. 30.
Mme Ricoire. J’habite le cinquième du no. 48. Ces messieurs sont entrés vers le soir après la fusillade. — D. Comment se sont-ils présentés? R. Ils sont arrivés par les toits. — D. D’où venaient-ils? R. Par la maison d’un voisin. — D. Quelle est cette maison? R. Elle fait angle dans la cour avec notre maison. — D. Voit-on les marques de leur passage? R. Oui; ils sont venus sur le toit; ils voulaient d’abord entrer par ma fenêtre: je leur ai dit qu’ils me feraient du dégât; alors je les ai priés d’aller plus loin; ils sont allés, en effet, plus loin, en courant de grands risques, et par le toit ils sont entrés chez moi. On les poursuivait: ils n’ont pas fait de résistance, et on les a arrêtés. — D. Les reconnaîtriez-vous? R. Non.
M. Delapalme. Ces individus n’ont rien laissé chez vous? R. Non; je crois qu’on n’a trouvé ni armes ni poudre.
Mlle Potin, demeurant au no. 30, est entendue. Ce témoin reconnaît Coiffu, et croit qu’il était vêtu en militaire.
Un assez long débat s’élève sur ce qui s’est passé dans la maison pendant le combat; il en résulte notamment que les accusés, pour éviter que les balles ne brisassent les glaces des appartemens, les avaient garanties avec des matelas. «Ces messieurs, dit le témoin, m’annonçaient que le gouvernement provisoire m’indemniserait.
Jeanne, avec ironie. Ces matelas ont été mis pour économiser les indemnités du gouvernement provisoire.
M. Claris. A cinq heures du matin, je sortis de chez moi en uniforme d’officier de la garde nationale, pour aller rejoindre ma compagnie; en franchissant la barricade, cinquante individus se jetèrent sur moi, me désarmèrent, me firent prisonnier, et me conduisirent chez Mlle Lacouture; on voulut me forcer à prendre un fusil et à faire des cartouches, je refusai. «Je ne suis pas votre esclave, leur répondis-je.» J’ai su qu’on avait délibéré sur la question de savoir si je serais fusillé. Une personne vint obligeamment me prévenir que je ne le serais pas. Mlle Lacouture m’offrit de me rafraîchir; je refusai, et lui demandai un déguisement; cette demoiselle y consentit, elle me prêta une vieille camisole et des vêtemens de femme; mais je n’étais pas déguisé pour tous, et le porte-drapeau me reconnut; enfin je pus m’échapper en mettant mon mouchoir sur mes moustaches, et me sauver jusque chez moi.
— D. Combien de tems êtes-vous resté prisonnier? R. Cinq heures.
— D. Vous a-t-on rendu votre sabre? R. Oui, plus tard je l’ai retrouvé.
Le témoin reconnaît Conilleau; il déclare qu’il est venu dans la maison un instant avant qu’il en sortît lui-même; il croit également reconnaître Vigoureux.
M. le président. Combien étaient-ils dans la maison.
Le témoin. Dans une lettre insérée dans Le Constitutionnel, et qui était signée: Un vrai Français de dix-huit ans, on a prétendu qu’ils n’étaient que quarante. J’ai répondu a cette lettre dans le Journal des Débats, et j’ai affirmé, comme j’affirme encore, qu’ils étaient plus de 300; j’en ai compté 290.
M. Dourlans, commissaire de police du quartier Saint-Avoye. J’ai constaté l’état de la maison no. 30, où je ne suis entré que le 7. Le dessous de la porte était encombré de cadavres, que j’ai fait transporter à la Morgue; je suis monté ensuite chez M. Blanc, où nous avons fait exacte perquisition, ainsi que dans tous les étages; nous avons trouvé quelques armes et des munitions en petite quantité chez Mlle Lacouture. Les meubles étaient abîmés, les murs et les plafonds criblés de balles, les fenêtres également démolies par des boulets. — D. Etes-vous allé dans la maison no. 48? R. Non; mais j’ai su que plusieurs révoltés s’y étaient réfugiés par les toits. — D. Pouvez-vous donner des renseignemens sur l’accusé Grimbert?
Le témoin. Cet individu a parcouru les rues Maubuée, Bar-du-Bec, Saint-Méry, Simon-le-Franc, avec une bande d’individus, afin de désarmer les gens du quartier. — D. Quel jour? R. Le 6, au matin.
Grimbert. Je désire que le commissaire de police s’explique sur ce que les voisins pensent de moi? R. Ils sont indignés de sa conduite.
M. Billet, capitaine au 42e. Le 6 juin, vers trois heures, j’étais de service rue Saint-Méry, d’après les ordres de M. Sébastiani, afin de pénétrer dans la maison et de me saisir des rebelles. Je montai au no. 48; là je trouvai huit ou dix individus tremblans, qui nous priaient de ne pas leur faire du mal; Conilleau y était: il avait une blessure au bras, il me dit qu’il l’avait reçue de la veille. Pendant ce tems-là deux voltigeurs enfonçaient une porte: j’entendis les cris d’un jeune homme, d’un enfant, qui demandait grâce; j’empêchai ces voltigeurs de lui faire mal. Des armes ont été jetées par les fenêtres; on en a trouvé aussi sur les toits. Ce jeune homme; je le reconnais (Fradelle); il m’a dit n’avoir pas tiré: il paraissait très-effrayé.
Fradelle. On voulait me tuer; monsieur m’a sauvé la vie.
M. le président. Il a fait son devoir.
Le témoin. Les soldats étaient très-irrités; ils avaient perdu des camarades; le colonel avait été blessé.
D. Des individus arrêtés ont-ils été fouillés? R. Aucun n’a été fouillé.
M. le président, à Fradelle. D’où venait le fusil trouvé près de vous?
Fradelle. En sortant par les toits de la maison no. 30, nous étions trois: un passe, puis moi, et le troisième me tend son fusil pour qu’il puisse monter plus facilement; ensuite il dit: Je ne vais pas par là, je ne serais pas assez loin du no. 30, et il s’en alla; c’est ce fusil que j’ai emporté, et que j’avais caché dans la couverture du lit sous lequel je m’étais blotti.
M. Delapalme. Quelle était l’attitude de Conilleau?
Le témoin. Il était très tranquille, très calme, et je l’aurais pris pour le locataire de la maison; mais c’était un logement de charbonnier, et M. Conilleau n’avait pas du tout l’air d’un charbonnier.
M. le président, à Sudre, trompette. Quel est votre âge? R. Vingt-cinq ans.— D. Dites tout ce que vous savez.—R. Quand nous sommes arrivés au no. 48, on m’a tiré deux coups de fusil à travers la porte; je suis monté, et nous avons trouvé un particulier dans un cabinet, un autre au 4e, et cinq ou six au 5e.
D. Par où a-t-on tiré? R. Par la porte de l’allée; la balle passa près de moi; l’individu qui a tiré était à l’entrée de l’allée; il a même repoussé la porte sur moi; je n’ai pas pu lui lâcher mon coup de fusil, il s’est sauvé. — D. Qu’avez-vous dit à ceux que vous avez arrêtés?
Le témoin. Je voulais les tuer; le capitaine me dit: «Faites des prisonniers et pas de victimes.» Je lui répondis: «Si on m’avait tué dans la rue, on ne m’aurait pas fait prisonnier.»
M. le président. Pourriez-vous reconnaître ceux que vous avez arrêtés?
Le témoin. Je les reconnaîtrais s’ils n’étaient pas déguisés; ceux que nous avons pris étaient vêtus bien misérablement.
( Le témoin reconnaît Dumineray, Falcy, Fradelle, Conilleau, Métiger. )
D. Dumineray avait-il la bouche et les mains noircies de poudre? R. Oui, les mains. Quand je suis arrivé dans une chambre où ils étaient cinq ou six, une femme me dit: «Ah! vous venez me délivrer.» Un des individus qui étaient là m’a mis son fusil sur la poitrine. J’étais tout seul, mais j’ai croisé la baïonnette, et j’ai dit: «Le premier qui bouge, je renfonce.» —D. Est-ce Falcy qui vous mettait en joue? R. Je ne crois pas.
M. le président. Témoin, vous avez fouillé Métiger?
Le témoin. Il avait de la poudre et du plomb.
Métiger. Je venais d’entrer dans la maison sur les deux heures, parce que la porte de chez moi était fermée; je demeure rue Saint-Méry.
M. Billet est rappelé. J’étais le premier avec le témoin, et je n’ai pas entendu ni vu tirer de coups de fusil; il a pu se tromper, car on tirait des coups de fusil à côté.
Sudre. C’est bien dans la porte de l’allée, car j’ai vu le fusil; même que le particulier ne pouvait pas le retirer des barreaux de la porte.
Castel, sergent au 42e de ligne. Le 6, vers trois heures et demie, nous sommes entrés par la rue du Cloître Saint-Méry; il y avait des hommes armés aux croisées; nous sommes montés au no. 48; là nous avons trouvé des cartouches, des balles, de la poudre, et neuf individus. — D. Tirait-on de cette maison? R. Oui. —D. Sudre vous a-t-il dit que de l’allée on avait tiré sur lui? R. Non.
Le témoin reconnaît Conilleau, et affirme qu’il avait les mains noires.
Conilleau. C’est une erreur, le témoin confond avec un autre accusé.
Un juré. Le sergent a-t-il vu Falcy armé d’un fusil? R. Lorsque je suis rentré Falcy n’avait pas d’arme, mais Sudre était entré avant moi.
Sudre, entendu de nouveau, ne sait pas trop s’il a vu un fusil à Falcy.
Courreau, sergent au 42e de ligne. Le 6 juin, nous passions dans la rue; je vis chez le boucher deux hommes, dont un me mit en joue; je l’ajuste, il jette son fusil et se cache sous le banc; nous avons tiré, et puis nous avons pénétré dans la maison, où nous avons pris vingt-quatre individus; je reconnais Dumineray, Falcy, Métiger et Conilleau. Je nie rappelle fort bien qu’un voltigeur a trouvé dans la poche de Métiger de la poudre et des balles.
D. A-t-on tiré sur vous? R. Non, on m’a ajusté seulement, et l’on n’a pas tiré sur Sudre de l’allée; le fusil était braqué de la boutique du boucher.
M. Mautreti, boucher, interpellé, dépose que sa boutique est assez éloignée de l’allée du no. 48; qu’une boutique de vitrier les sépare.
Me Trinité. Le témoin a-t-il remarqué si Dumineray avait les mains et les lèvres noircies de pondre? R. Non.
Me Sebire. M. le président, nous nous sommes concertés avec mes confrères, et nous renonçons a l’audition de MM. Lafayette, Odilon-Barrot, Mauguin et de Tracy.
M. le président. Cette observation trouvera sa place lors de l’audition des témoins.
Guibal, voltigeur. De la boutique du boucher on a tiré sur nous; nous avons monté au no. 48; il y avait des pistolets derrière la glace, des fusils, des cartouches. Nous avons arrêté beaucoup d’individus. Je reconnais MM. Falcy, Fradelle, Conilleau et Dumineray.
Me Trinité. Je ferai remarquer, pour qu’on apprécie bien ce que c’est qu’une reconnaissance, que devant le conseil de guerre le témoin n’a pas reconnu Dumineray.
M. le président. Reconnaissez-vous Métiger? R. Il était au cinquième. M. Conilleau avait les lèvres noires et les mains.
Aubrié, voltigeur. J’ai arrêté Fradelle, qui a dit n’avoir tiré qu’un coup de fusil.
Fradelle. Je n’ai pas parlé au témoin, mais au sergent, et j’ai dit: Ne me faites pas de mal, je n’ai tiré aucun coup de fusil. Je n’aurais pas été assez bête d’avouer que j’avais tiré, pour me faire tuer par ces messieurs, qui en avaient bien envie.
Sylvestre, voltigeur. En entrant dans une chambre, il y avait une femme qui nous dit: Ce n’est pas la peine de chercher, il n’y a personne. Nous sommes entrés; il y avait un petit qui a dit: Ne me faites pas de mal, je n’ai tiré qu’un coup. Le capitaine nous a empêchés de lui faire du mal.
Une discussion s’engage sur la question de savoir si Fradelle a dit: Je n’ai tiré qu’un ou aucun coup de fusil. Le témoin finit par déclarer qu’il ne peut rien affirmer; mais il croit qu’il avait la bouche et les mains noires.
M. le capitaine Billet. M. le président, ma conscience me fait un devoir de prendre la parole. Le cabinet était obscur; j’ai fait approcher Fradelle de la fenêtre; il n’avait ni les mains ni la bouche noircies par la poudre. Cela s’explique: les voltigeurs, émus, animés, ont pu ne pas conserver des souvenirs bien précis.
Beuzelin, tambour de la garde nationale. Lorsque nous sommes partis le 5 pour rappeler avec le capitaine Martin, en arrivant rue Saint-Méry nous avons été arrêtés par plusieurs individus placés à une barricade: le capitaine s’est avancé, et a parlé avec un chasseur. On a tiré sur nous, et nous nous sommes repliés.
Le 6, on nous a dit que Rojon était aux barricades. Le lendemain, ou m’annonça que, dans un cabaret, il s’était vanté d’avoir tiré sur la garde nationale; j’allais lui donner des coups, on m’a retenu; il a été conduit devant le colonel, et a avoué avoir tiré trois coups sur la garde municipale.
Rojon. C’est faux; Beuzelin m’a injurié, il a tiré son sabre; ils m’ont traîné au poste sans que j’aie rien dit.
Le sieur Lavenant. Le 7, chez un marchand de vin, rue Guérin-Boisseau, un particulier débitait des injures contre la garde nationale; il se vantait d’avoir tiré sur elle; nous lui avons fait des reproches. «Vous êtes donc, nous dit-il, de la garde nationale? — Oui, de la banlieue. — Eh bien! nous dit-il, nous vous avons fait courir hier comme des petits lapins.» Nous l’avons arrêté et conduit au poste, où il a avoué avoir tiré trois coups de fusil sur la garde municipale.
Rojon. J’étais meurtri de coups, je n’ai pu ni rien entendre ni rien répondre.
Le sieur Coustel. M. Rojon s’est vanté d’avoir tiré sur la garde nationale; il a dit qu’il en avait tué, et qu’il en tuerait encore. Je lui fis des reproches, en lui disant que j’étais garde national de la banlieue. «Ah ! bon, dit-il, nous vous avons joliment fait danser hier aux barricades!»
Rojon. J’étais ivre.
Le témoin. Il sentait le vin et l’eau-de-vie, mais il n’était pas ivre a déraisonner.
Le sieur Gabriel Coustel. Rojon se vantait d’avoir tiré sur la garde nationale.
Rojon. C’est faux.
Le témoin. C’est bien vrai; et si je n’avais pas arrêté le sabre de l’autre tambour, vous auriez été drôlement engaîné.
Mme. Roussi, marchande de vins, confirme la déposition des précédens témoins.
Le sieur Chaillou. Rojon m’a dit le 7 qu’il gagnerait plus à tirer des coups de fusil qu’a travailler, et qu il avait fait feu sur la garde nationale; mais il était un peu ivre.
Rojon. Il faudrait être dépourvu de bon sens pour avoir dit ça.
Le sieur Verrier. Dans la barricade de la rue Saint-Méry, j’ai reconnu Rojon; il tirait sur la garde nationale et la troupe de ligne depuis dix heures matin jusqu’à quatre heures du soir; il avait un bonnet de police.
Rojon. Je n’avais pas un bonnet de police.
M. Milleret, marchand de vin, rue Saint-Méry. J’ai vu tirer Rojon le 6 juin, depuis cinq ou six heures jusqu’à onze heures du matin.
Rojon. J’étais à boire avec Cordonnat.
Cordonnat est appelé; il ne se rappelle pas s’il a bu le 5 ou 6 avec Rojon.
Le sieur Dupont affirme aussi avoir vu Rojon faire feu.
Le sieur Legrand, bijoutier, déclare que le 6 juin il s’est promené depuis neuf heures du matin jusqu a deux heures avec Rojon dans le quartier du Palais-Royal, et que le 7 il l’a rencontré dans un état complet d’ivresse.
M. le président. Il y a des témoins qui disent avoir vu Rojon ailleurs.
Le témoin. Je ne l’ai cependant pas quitté.
Le sieur Berny, logeur. Je connais Gentillon, il logeait chez moi: le 6, il est rentré avec un fusil; je lui ai dit que je ne voulais pas qu’il rentrât avec des armes chez moi; il n’a pas fait de résistance, et il est revenu sans fusil, il a couché à la maison. On a trouvé un sabre dans le lit où il couchait avec un commissionnaire. — D. Ce commissionnaire était-il tranquille? R. Oui.
Gentillon. C’est le 5 au soir, en revenant du convoi, que je trouvai un fusil; je l’ai apporté chez mon logeur, et, sur son avis, j’ai été reporter ce fusil ou je l’avais trouvé.
L’audience, suspendue à quatre heures, est reprise à quatre heures et quart.
M. Mathieu, logeur, rue Maubuée.
D. Qu’est-ce que vous savez? R. Pour qui suis-je?
M. le président. Vous n’êtes ici que pour dire la vérité. Avez-vous vu Gentillon? R. Je l’ai vu le 6 avec un fusil à la barricade de la rue Maubuée.
Le sieur Maillard, coiffeur, rue Maubuée. Relativement à la moralité de l’accusé. — D. Quel accusé? R. Ce Monsieur (Gentillon)…. je ne sais rien. Relativement aux journées de juin, je l’ai vu passer le 6 à sept heures du matin, sans armes. Je crois aussi l’avoir vu plus tard à la barricade avec un fusil. — D. Dans la journée du 6, la force publique s’est-elle présentée rue Maubuée? R. Oui, mais on tirait sur elle.
Me Durand de Saint-Arnaud. Dans l’instruction écrite, le témoin a déposé avoir vu Gentillon une partie de la journée, mais sans armes.
M. Polite, bottier, rue Maubuée. Je connais Grimbert: le 6 juin, à trois heures et demie du matin, la fusillade nous a éveillés; sur les sept heures du matin, une cinquantaine de jeunes gens se sont embusqués à ma porte pour avoir mon arme; on m’en avertit, je descendis à ma boutique; Grimbert me dit: Donnez votre fusil. Je ne voulais pas, ma femme m’engagea à le donner; alors Grimbert me suivit et prit mon fusil; on voulait le lui arracher, il dit: Non, non, je le tiens, et je suis des vôtres. Le soir, j’ai vu Grimbert, je lui ai demandé mon fusil, il m’a dit qu’on le lui avait pris. Si je n’avais pas donné mou fusil; ils m’auraient tué; car je chausse les sergens de ville et je passe pour un mouchard, et sans Grimbert ma boutique aurait été pillée.
M. Boulay de la Meurthe, juré. Grimbert faisait-il partie de la bande? R Je n’en sais rien; il est entré par l’allée au même instant que les autres; du reste, Grimbert s’est toujours bien conduit, c’est un bon voisin et un homme très-humain.
M. Mignon, marchand de vin. Le juif polonais (Grimbert) et le garçon du charcutier ont forcé ma porte, et ils ont pris sept tonneaux pour faire une barricade à la tête de la rue Maubuée. — D. Quel jour? R. Le 6, dès le matin.
Grimbert. Je n’ai pas forcé son porte, il était ouverte. — D. Lui avez-vous pris ses tonneaux ?R. Non, je vous ure ma parole d’honneur, je les ai vu prendre, mais pas touchés.
Le témoin. Et quand vous êtes venu chercher mon fusil?
Grimbert. Ah! pour le fusil de monsu, c’est pas vrai; jamais je sis entré dans son maison. Ce monsu a déjà été servi comme faux témoignage, et il a été condamné à 500 francs d’amende.
M. le président. Témoin, est-ce vrai?
Le témoin. A quinze ou vingt francs pour bavardages.
Me Lévesque jeune. Pour diffamation, par exemple.
Jeanne. Je pense que MM les jurés désirent s’en aller; quant à moi, je suis incommodé, j’ai besoin de repos; il me serait impossible de soutenir le débat plus long-temps.
M. le président. L’audience est renvoyée a demain, huit heures et demie du matin.
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