Pour les hommes de parti il n’y a que des assassins et des victimes. Ils ne comprennent pas qu’eux tous sont victimes et assassins tour à tour. Voir couler le sang est pourtant une horrible chose ! Découvrir sur la Seine au-dessous de la morgue un sillon rouge, voir écarter le foin qui recouvre à peine une lourde charrette, et apercevoir sous ce grossier emballage vingt, trente cadavres, ceux-ci en habit noir, ceux-là en veste de velours, tous déchirés, mutilés, noircis par la poudre, souillés de boue et de sang figé. Entendre les cris des femmes qui reconnaissent là leurs maris, leurs enfants, tout cela est horrible ; mais ce l’est moins encore que de voir achever le fuyard qui se sauve à moitié mort en demandant grâce, que d’entendre râler sous sa fenêtre le blessé qu’il est défendu de secourir et que condamnent trente baïonnettes. Il y a eu des épisodes affreux, féroces de part et d’autre. […] Ma pauvre Solange était sur le balcon, regardant tout cela, écoutant la fusillade et ne comprenant pas.
George Sand, lettre à Laure Decerfz, mercredi 13 juin 1832.
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