Volume 1/Book 7/Chapter 2

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Les Misérables, Volume 1: Fantine, Book seventh: The Champmathieu Affair, Chapter 2: The Perspicacity of Master Scaufflaire
(Tome 1: Fantine, Livre septième: L'affaire Champmathieu, Chapitre 1: Perspicacité de maître Scaufflaire)

General notes on this chapter[edit]

French text[edit]

De la mairie il se rendit au bout de la ville chez un Flamand, maître Scaufflaër, francisé Scaufflaire, qui louait des chevaux et des «cabriolets à volonté».

Pour aller chez ce Scaufflaire, le plus court était de prendre une rue peu fréquentée où était le presbytère de la paroisse que M. Madeleine habitait. Le curé était, disait-on, un homme digne et respectable, et de bon conseil. À l'instant où M. Madeleine arriva devant le presbytère, il n'y avait dans la rue qu'un passant, et ce passant remarqua ceci: M. le maire, après avoir dépassé la maison curiale, s'arrêta, demeura immobile, puis revint sur ses pas et rebroussa chemin jusqu'à la porte du presbytère, qui était une porte bâtarde avec marteau de fer. Il mit vivement la main au marteau, et le souleva; puis il s'arrêta de nouveau, et resta court, et comme pensif, et, après quelques secondes, au lieu de laisser bruyamment retomber le marteau, il le reposa doucement et reprit son chemin avec une sorte de hâte qu'il n'avait pas auparavant.

M. Madeleine trouva maître Scaufflaire chez lui occupé à repiquer un harnais.

—Maître Scaufflaire, demanda-t-il, avez-vous un bon cheval?

—Monsieur le maire, dit le Flamand, tous mes chevaux sont bons. Qu'entendez-vous par un bon cheval?

—J'entends un cheval qui puisse faire vingt lieues en un jour.

—Diable! fit le Flamand, vingt lieues!

—Oui.

—Attelé à un cabriolet?

—Oui.

—Et combien de temps se reposera-t-il après la course?

—Il faut qu'il puisse au besoin repartir le lendemain.

—Pour refaire le même trajet?

—Oui.

—Diable! diable! et c'est vingt lieues? M. Madeleine tira de sa poche le papier où il avait crayonné des chiffres. Il les montra au Flamand. C'étaient les chiffres 5, 6, 8-1/2.

—Vous voyez, dit-il. Total, dix-neuf et demi, autant dire vingt lieues.

—Monsieur le maire, reprit le Flamand, j'ai votre affaire. Mon petit cheval blanc. Vous avez dû le voir passer quelquefois. C'est une petite bête du bas Boulonnais. C'est plein de feu. On a voulu d'abord en faire un cheval de selle. Bah! il ruait, il flanquait tout le monde par terre. On le croyait vicieux, on ne savait qu'en faire. Je l'ai acheté. Je l'ai mis au cabriolet. Monsieur, c'est cela qu'il voulait; il est doux comme une fille, il va le vent. Ah! par exemple, il ne faudrait pas lui monter sur le dos. Ce n'est pas son idée d'être cheval de selle. Chacun a son ambition. Tirer, oui, porter, non; il faut croire qu'il s'est dit ça.

—Et il fera la course?

—Vos vingt lieues. Toujours au grand trot, et en moins de huit heures. Mais voici à quelles conditions.

—Dites.

—Premièrement, vous le ferez souffler une heure à moitié chemin; il mangera, et on sera là pendant qu'il mangera pour empêcher le garçon de l'auberge de lui voler son avoine; car j'ai remarqué que dans les auberges l'avoine est plus souvent bue par les garçons d'écurie que mangée par les chevaux.

—On sera là.

—Deuxièmement.... Est-ce pour monsieur le maire le cabriolet?

—Oui.

—Monsieur le maire sait conduire?

—Oui.

—Eh bien, monsieur le maire voyagera seul et sans bagage afin de ne point charger le cheval.

—Convenu.

—Mais monsieur le maire, n'ayant personne avec lui, sera obligé de prendre la peine de surveiller lui-même l'avoine.

—C'est dit.

—Il me faudra trente francs par jour. Les jours de repos payés. Pas un liard de moins, et la nourriture de la bête à la charge de monsieur le maire.

M. Madeleine tira trois napoléons de sa bourse et les mit sur la table.

—Voilà deux jours d'avance.

—Quatrièmement, pour une course pareille sur cabriolet serait trop lourd et fatiguerait le cheval. Il faudrait que monsieur le maire consentît à voyager dans un petit tilbury que j'ai.

—J'y consens.

—C'est léger, mais c'est découvert.

—Cela m'est égal.

—Monsieur le maire a-t-il réfléchi que nous sommes en hiver?...

M. Madeleine ne répondit pas. Le Flamand reprit:

—Qu'il fait très froid?

M. Madeleine garda le silence. Maître Scaufflaire continua:

—Qu'il peut pleuvoir?

M. Madeleine leva la tête et dit:

—Le tilbury et le cheval seront devant ma porte demain à quatre heures et demie du matin.

—C'est entendu, monsieur le maire, répondit Scaufflaire, puis, grattant avec l'ongle de son pouce une tache qui était dans le bois de la table, il reprit de cet air insouciant que les Flamands savent si bien mêler à leur finesse:

—Mais voilà que j'y songe à présent! monsieur le maire ne me dit pas où il va. Où est-ce que va monsieur le maire?

Il ne songeait pas à autre chose depuis le commencement de la conversation, mais il ne savait pourquoi il n'avait pas osé faire cette question.

—Votre cheval a-t-il de bonnes jambes de devant? dit M. Madeleine.

—Oui, monsieur le maire. Vous le soutiendrez un peu dans les descentes. Y a-t-il beaucoup de descentes d'ici où vous allez?

—N'oubliez pas d'être à ma porte à quatre heures et demie du matin, très précises, répondit M. Madeleine; et il sortit.

Le Flamand resta «tout bête», comme il disait lui-même quelque temps après.

Monsieur le maire était sorti depuis deux ou trois minutes, lorsque la porte se rouvrit; c'était M. le maire. Il avait toujours le même air impassible et préoccupé.

—Monsieur Scaufflaire, dit-il, à quelle somme estimez-vous le cheval et le tilbury que vous me louerez, l'un portant l'autre?

—L'un traînant l'autre, monsieur le maire, dit le Flamand avec un gros rire.

—Soit. Eh bien!

—Est-ce que monsieur le maire veut me les acheter?

—Non, mais à tout événement, je veux vous les garantir. À mon retour vous me rendrez la somme. Combien estimez-vous cabriolet et cheval?

—À cinq cents francs, monsieur le maire.

—Les voici.

M. Madeleine posa un billet de banque sur la table, puis sortit et cette fois ne rentra plus.

Maître Scaufflaire regretta affreusement de n'avoir point dit mille francs. Du reste le cheval et le tilbury, en bloc, valaient cent écus.

Le Flamand appela sa femme, et lui conta la chose. Où diable monsieur le maire peut-il aller? Ils tinrent conseil.

—Il va à Paris, dit la femme.

—Je ne crois pas, dit le mari.

M. Madeleine avait oublié sur la cheminée le papier où il avait tracé des chiffres. Le Flamand le prit et l'étudia.

—Cinq, six, huit et demi? cela doit marquer des relais de poste.

Il se tourna vers sa femme.

—J'ai trouvé.

—Comment?

—Il y a cinq lieues d'ici à Hesdin, six de Hesdin à Saint-Pol, huit et demie de Saint-Pol à Arras. Il va à Arras.

Cependant M. Madeleine était rentré chez lui.

Pour revenir de chez maître Scaufflaire, il avait pris le plus long, comme si la porte du presbytère avait été pour lui une tentation, et qu'il eût voulu l'éviter. Il était monté dans sa chambre et s'y était enfermé, ce qui n'avait rien que de simple, car il se couchait volontiers de bonne heure. Pourtant la concierge de la fabrique, qui était en même temps l'unique servante de M. Madeleine, observa que sa lumière s'éteignit à huit heures et demie, et elle le dit au caissier qui rentrait, en ajoutant:

—Est-ce que monsieur le maire est malade? je lui ai trouvé l'air un peu singulier.

Ce caissier habitait une chambre située précisément au-dessous de la chambre de M. Madeleine. Il ne prit point garde aux paroles de la portière, se coucha et s'endormit. Vers minuit, il se réveilla brusquement; il avait entendu à travers son sommeil un bruit au-dessus de sa tête. Il écouta. C'était un pas qui allait et venait, comme si l'on marchait dans la chambre en haut. Il écouta plus attentivement, et reconnut le pas de M. Madeleine. Cela lui parut étrange; habituellement aucun bruit ne se faisait dans la chambre de M. Madeleine avant l'heure de son lever. Un moment après le caissier entendit quelque chose qui ressemblait à une armoire qu'on ouvre et qu'on referme. Puis on dérangea un meuble, il y eut un silence, et le pas recommença. Le caissier se dressa sur son séant, s'éveilla tout à fait, regarda, et à travers les vitres de sa croisée aperçut sur le mur d'en face la réverbération rougeâtre d'une fenêtre éclairée. À la direction des rayons, ce ne pouvait être que la fenêtre de la chambre de M. Madeleine. La réverbération tremblait comme si elle venait plutôt d'un feu allumé que d'une lumière. L'ombre des châssis vitrés ne s'y dessinait pas, ce qui indiquait que la fenêtre était toute grande ouverte. Par le froid qu'il faisait, cette fenêtre ouverte était surprenante. Le caissier se rendormit. Une heure ou deux après, il se réveilla encore. Le même pas, lent et régulier, allait et venait toujours au-dessus de sa tête.

La réverbération se dessinait toujours sur le mur, mais elle était maintenant pâle et paisible comme le reflet d'une lampe ou d'une bougie. La fenêtre était toujours ouverte. Voici ce qui se passait dans la chambre de M. Madeleine.

English text[edit]

From the town-hall he betook himself to the extremity of the town, to a Fleming named Master Scaufflaer, French Scaufflaire, who let out "horses and cabriolets as desired."

In order to reach this Scaufflaire, the shortest way was to take the little-frequented street in which was situated the parsonage of the parish in which M. Madeleine resided. The cure was, it was said, a worthy, respectable, and sensible man. At the moment when M. Madeleine arrived in front of the parsonage there was but one passer-by in the street, and this person noticed this: After the mayor had passed the priest's house he halted, stood motionless, then turned about, and retraced his steps to the door of the parsonage, which had an iron knocker. He laid his hand quickly on the knocker and lifted it; then he paused again and stopped short, as though in thought, and after the lapse of a few seconds, instead of allowing the knocker to fall abruptly, he placed it gently, and resumed his way with a sort of haste which had not been apparent previously.

M. Madeleine found Master Scaufflaire at home, engaged in stitching a harness over.

"Master Scaufflaire," he inquired, "have you a good horse?"

"Mr. Mayor," said the Fleming, "all my horses are good. What do you mean by a good horse?"

"I mean a horse which can travel twenty leagues in a day."

"The deuce!" said the Fleming. "Twenty leagues!"

"Yes."

"Hitched to a cabriolet?"

"Yes."

"And how long can he rest at the end of his journey?"

"He must be able to set out again on the next day if necessary."

"To traverse the same road?"

"Yes."

"The deuce! the deuce! And it is twenty leagues?"

M. Madeleine drew from his pocket the paper on which he had pencilled some figures. He showed it to the Fleming. The figures were 5, 6, 8 1/2.

"You see," he said, "total, nineteen and a half; as well say twenty leagues."

"Mr. Mayor," returned the Fleming, "I have just what you want. My little white horse—you may have seen him pass occasionally; he is a small beast from Lower Boulonnais. He is full of fire. They wanted to make a saddle-horse of him at first. Bah! He reared, he kicked, he laid everybody flat on the ground. He was thought to be vicious, and no one knew what to do with him. I bought him. I harnessed him to a carriage. That is what he wanted, sir; he is as gentle as a girl; he goes like the wind. Ah! indeed he must not be mounted. It does not suit his ideas to be a saddle-horse. Every one has his ambition. 'Draw? Yes. Carry? No.' We must suppose that is what he said to himself."

"And he will accomplish the trip?"

"Your twenty leagues all at a full trot, and in less than eight hours. But here are the conditions."

"State them."

"In the first place, you will give him half an hour's breathing spell midway of the road; he will eat; and some one must be by while he is eating to prevent the stable boy of the inn from stealing his oats; for I have noticed that in inns the oats are more often drunk by the stable men than eaten by the horses."

"Some one will be by."

"In the second place—is the cabriolet for Monsieur le Maire?"

"Yes."

"Does Monsieur le Maire know how to drive?"

"Yes."

"Well, Monsieur le Maire will travel alone and without baggage, in order not to overload the horse?"

"Agreed."

"But as Monsieur le Maire will have no one with him, he will be obliged to take the trouble himself of seeing that the oats are not stolen."

"That is understood."

"I am to have thirty francs a day. The days of rest to be paid for also—not a farthing less; and the beast's food to be at Monsieur le Maire's expense."

M. Madeleine drew three napoleons from his purse and laid them on the table.

"Here is the pay for two days in advance."

"Fourthly, for such a journey a cabriolet would be too heavy, and would fatigue the horse. Monsieur le Maire must consent to travel in a little tilbury that I own."

"I consent to that."

"It is light, but it has no cover."

"That makes no difference to me."

"Has Monsieur le Maire reflected that we are in the middle of winter?"

M. Madeleine did not reply. The Fleming resumed:—

"That it is very cold?"

M. Madeleine preserved silence.

Master Scaufflaire continued:—

"That it may rain?"

M. Madeleine raised his head and said:—

"The tilbury and the horse will be in front of my door to-morrow morning at half-past four o'clock."

"Of course, Monsieur le Maire," replied Scaufflaire; then, scratching a speck in the wood of the table with his thumb-nail, he resumed with that careless air which the Flemings understand so well how to mingle with their shrewdness:—

"But this is what I am thinking of now: Monsieur le Maire has not told me where he is going. Where is Monsieur le Maire going?"

He had been thinking of nothing else since the beginning of the conversation, but he did not know why he had not dared to put the question.

"Are your horse's forelegs good?" said M. Madeleine.

"Yes, Monsieur le Maire. You must hold him in a little when going down hill. Are there many descends between here and the place whither you are going?"

"Do not forget to be at my door at precisely half-past four o'clock to-morrow morning," replied M. Madeleine; and he took his departure.

The Fleming remained "utterly stupid," as he himself said some time afterwards.

The mayor had been gone two or three minutes when the door opened again; it was the mayor once more.

He still wore the same impassive and preoccupied air.

"Monsieur Scaufflaire," said he, "at what sum do you estimate the value of the horse and tilbury which you are to let to me,—the one bearing the other?"

"The one dragging the other, Monsieur le Maire," said the Fleming, with a broad smile.

"So be it. Well?"

"Does Monsieur le Maire wish to purchase them or me?"

"No; but I wish to guarantee you in any case. You shall give me back the sum at my return. At what value do you estimate your horse and cabriolet?"

"Five hundred francs, Monsieur le Maire."

"Here it is."

M. Madeleine laid a bank-bill on the table, then left the room; and this time he did not return.

Master Scaufflaire experienced a frightful regret that he had not said a thousand francs. Besides the horse and tilbury together were worth but a hundred crowns.

The Fleming called his wife, and related the affair to her. "Where the devil could Monsieur le Maire be going?" They held counsel together. "He is going to Paris," said the wife. "I don't believe it," said the husband.

M. Madeleine had forgotten the paper with the figures on it, and it lay on the chimney-piece. The Fleming picked it up and studied it. "Five, six, eight and a half? That must designate the posting relays." He turned to his wife:—

"I have found out."

"What?"

"It is five leagues from here to Hesdin, six from Hesdin to Saint-Pol, eight and a half from Saint-Pol to Arras. He is going to Arras."

Meanwhile, M. Madeleine had returned home. He had taken the longest way to return from Master Scaufflaire's, as though the parsonage door had been a temptation for him, and he had wished to avoid it. He ascended to his room, and there he shut himself up, which was a very simple act, since he liked to go to bed early. Nevertheless, the portress of the factory, who was, at the same time, M. Madeleine's only servant, noticed that the latter's light was extinguished at half-past eight, and she mentioned it to the cashier when he came home, adding:—

"Is Monsieur le Maire ill? I thought he had a rather singular air."

This cashier occupied a room situated directly under M. Madeleine's chamber. He paid no heed to the portress's words, but went to bed and to sleep. Towards midnight he woke up with a start; in his sleep he had heard a noise above his head. He listened; it was a footstep pacing back and forth, as though some one were walking in the room above him. He listened more attentively, and recognized M. Madeleine's step. This struck him as strange; usually, there was no noise in M. Madeleine's chamber until he rose in the morning. A moment later the cashier heard a noise which resembled that of a cupboard being opened, and then shut again; then a piece of furniture was disarranged; then a pause ensued; then the step began again. The cashier sat up in bed, quite awake now, and staring; and through his window-panes he saw the reddish gleam of a lighted window reflected on the opposite wall; from the direction of the rays, it could only come from the window of M. Madeleine's chamber. The reflection wavered, as though it came rather from a fire which had been lighted than from a candle. The shadow of the window-frame was not shown, which indicated that the window was wide open. The fact that this window was open in such cold weather was surprising. The cashier fell asleep again. An hour or two later he waked again. The same step was still passing slowly and regularly back and forth overhead.

The reflection was still visible on the wall, but now it was pale and peaceful, like the reflection of a lamp or of a candle. The window was still open.

This is what had taken place in M. Madeleine's room.

Translation notes[edit]

Textual notes[edit]

Citations[edit]