Volume 1/Book 5/Chapter 11
Les Misérables, Volume 1: Fantine, Book Fifth: The Descent, Chapter 11: Christus nos Liberavit
(Tome 1: Fantine, Livre cinquième: La descente, Chapitre 11: Christus nos Liberavit)
Contents
General notes on this chapter[edit]
French text[edit]
Qu'est-ce que c'est que cette histoire de Fantine? C'est la société achetant une esclave.
À qui? À la misère.
À la faim, au froid, à l'isolement, à l'abandon, au dénûment. Marché
douloureux. Une âme pour un morceau de pain. La misère offre, la société
accepte.
La sainte loi de Jésus-Christ gouverne notre civilisation, mais elle ne
la pénètre pas encore. On dit que l'esclavage a disparu de la
civilisation européenne. C'est une erreur. Il existe toujours, mais il
ne pèse plus que sur la femme, et il s'appelle prostitution.
Il pèse sur la femme, c'est-à-dire sur la grâce, sur la faiblesse, sur
la beauté, sur la maternité. Ceci n'est pas une des moindres hontes de
l'homme.
Au point de ce douloureux drame où nous sommes arrivés, il ne reste plus
rien à Fantine de ce qu'elle a été autrefois. Elle est devenue marbre en
devenant boue. Qui la touche a froid. Elle passe, elle vous subit et
elle vous ignore; elle est la figure déshonorée et sévère. La vie et
l'ordre social lui ont dit leur dernier mot. Il lui est arrivé tout ce
qui lui arrivera. Elle a tout ressenti, tout supporté, tout éprouvé,
tout souffert, tout perdu, tout pleuré. Elle est résignée de cette
résignation qui ressemble à l'indifférence comme la mort ressemble au
sommeil. Elle n'évite plus rien. Elle ne craint plus rien. Tombe sur
elle toute la nuée et passe sur elle tout l'océan! que lui importe!
c'est une éponge imbibée.
Elle le croit du moins, mais c'est une erreur de s'imaginer qu'on épuise
le sort et qu'on touche le fond de quoi que ce soit.
Hélas! qu'est-ce que toutes ces destinées ainsi poussées pêle-mêle? où
vont-elles? pourquoi sont-elles ainsi?
Celui qui sait cela voit toute l'ombre.
Il est seul. Il s'appelle Dieu.
English text[edit]
What is this history of Fantine? It is society purchasing a slave.
From whom? From misery.
From hunger, cold, isolation, destitution. A dolorous bargain. A soul for
a morsel of bread. Misery offers; society accepts.
The sacred law of Jesus Christ governs our civilization, but it does not,
as yet, permeate it; it is said that slavery has disappeared from European
civilization. This is a mistake. It still exists; but it weighs only upon
the woman, and it is called prostitution.
It weighs upon the woman, that is to say, upon grace, weakness, beauty,
maternity. This is not one of the least of man's disgraces.
At the point in this melancholy drama which we have now reached, nothing
is left to Fantine of that which she had formerly been.
She has become marble in becoming mire. Whoever touches her feels cold.
She passes; she endures you; she ignores you; she is the severe and
dishonored figure. Life and the social order have said their last word for
her. All has happened to her that will happen to her. She has felt
everything, borne everything, experienced everything, suffered everything,
lost everything, mourned everything. She is resigned, with that
resignation which resembles indifference, as death resembles sleep. She no
longer avoids anything. Let all the clouds fall upon her, and all the
ocean sweep over her! What matters it to her? She is a sponge that is
soaked.
At least, she believes it to be so; but it is an error to imagine that
fate can be exhausted, and that one has reached the bottom of anything
whatever.
Alas! What are all these fates, driven on pell-mell? Whither are they
going? Why are they thus?
He who knows that sees the whole of the shadow.
He is alone. His name is God.
Translation notes[edit]
Christus nos liberavit.[edit]
Christ liberated us.