Volume 4/Book 14/Chapter 4

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Les Misérables, Volume 4: The Idyll of the Rue Plumet & The Epic of the Rue Saint-Denis, Book Fourteenth: The Grandeurs of Despair, Chapter 4: The Barrel of Powder
(Tome 4: L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis, Livre quatorzième: Les grandeurs du désespoir, Chapitre 4: Le baril de poudre)

General notes on this chapter[edit]

French text[edit]

Marius, toujours caché dans le coude de la rue Mondétour, avait assisté à la première phase du combat, irrésolu et frissonnant. Cependant il n'avait pu résister longtemps à ce vertige mystérieux et souverain qu'on pourrirait nommer l'appel de l'abîme. Devant l'imminence du péril, devant la mort de M. Mabeuf, cette funèbre énigme, devant Bahorel tué, Courfeyrac criant: à moi! cet enfant menacé, ses amis à secourir ou à venger, toute hésitation s'était évanouie, et il s'était rué dans la mêlée ses deux pistolets à la main. Du premier coup il avait sauvé Gavroche et du second délivré Courfeyrac.

Aux coups de feu, aux cris des gardes frappés, les assaillants avaient gravi le retranchement, sur le sommet duquel on voyait maintenant se dresser plus d'à mi-corps, et en foule, des gardes municipaux, des soldats de la ligne, des gardes nationaux de la banlieue, le fusil au poing. Ils couvraient déjà plus des deux tiers du barrage, mais ils ne sautaient pas dans l'enceinte, comme s'ils balançaient, craignant quelque piège. Ils regardaient dans la barricade obscure comme on regarderait dans une tanière de lions. La lueur de la torche n'éclairait que les bayonnettes, les bonnets à poil et le haut des visages inquiets et irrités.

Marius n'avait plus d'armes, il avait jeté ses pistolets déchargés, mais il avait aperçu le baril de poudre dans la salle basse près de la porte.

Comme il se tournait à demi, regardant de ce côté, un soldat le coucha en joue. Au moment où le soldat ajustait Marius, une main se posa sur le bout du canon du fusil, et le boucha. C'était quelqu'un qui s'était élancé, le jeune ouvrier au pantalon de velours. Le coup partit, traversa la main, et peut-être aussi l'ouvrier, car il tomba, mais la balle n'atteignit pas Marius. Tout cela dans la fumée, plutôt entrevu que vu. Marius, qui entrait dans la salle basse, s'en aperçut à peine. Cependant il avait confusément vu ce canon de fusil dirigé sur lui et cette main qui l'avait bouché, et il avait entendu le coup. Mais dans des minutes comme celle-là, les choses qu'on voit vacillent et se précipitent, et l'on ne s'arrête à rien. On se sent obscurément poussé vers plus d'ombre encore, et tout est nuage.

Les insurgés, surpris, mais non effrayés, s'étaient ralliés. Enjolras avait crié: Attendez! ne tirez pas au hasard! Dans la première confusion en effet ils pouvaient se blesser les uns les autres. La plupart étaient montés à la fenêtre du premier étage et aux mansardes d'où ils dominaient les assaillants. Les plus déterminés, avec Enjolras, Courfeyrac, Jean Prouvaire et Combeferre, s'étaient fièrement adossés aux maisons du fond, à découvert et faisant face aux rangées de soldats et de gardes qui couronnaient la barricade.

Tout cela s'accomplit sans précipitation, avec cette gravité étrange et menaçante qui précède les mêlées. Des deux parts on se couchait en joue, à bout portant, on était si près qu'on pouvait se parler à portée de voix. Quand on fut à ce point où l'étincelle va jaillir, un officier en hausse-col et à grosses épaulettes étendit son épée et dit:

—Bas les armes!

—Feu! dit Enjolras.

Les deux détonations partirent en même temps, et tout disparut dans la fumée.

Fumée âcre et étouffante où se traînaient, avec des gémissements faibles et sourds, des mourants et des blessés.

Quand la fumée se dissipa, on vit des deux côtés les combattants, éclaircis, mais toujours aux mêmes places, qui rechargeaient les armes en silence.

Tout à coup, on entendit une voix tonnante qui criait:

—Allez-vous-en, ou je fais sauter la barricade!

Tous se retournèrent du côté d'où venait la voix.

Marius était entré dans la salle basse, y avait pris le baril de poudre, puis il avait profité de la fumée et de l'espèce de brouillard obscur qui emplissait l'enceinte retranchée, pour se glisser le long de la barricade jusqu'à cette cage de pavés où était fixée la torche. En arracher la torche, y mettre le baril de poudre, pousser la pile de pavés sous le baril, qui s'était sur-le-champ défoncé, avec une sorte d'obéissance terrible, tout cela avait été pour Marius le temps de se baisser et de se relever; et maintenant tous, gardes nationaux, gardes municipaux, officiers, soldats, pelotonnés à l'autre extrémité de la barricade, le regardaient avec stupeur le pied sur les pavés, la torche à la main, son fier visage éclairé par une résolution fatale, penchant la flamme de la torche vers ce monceau redoutable où l'on distinguait le baril de poudre brisé, et poussant ce cri terrifiant:

—Allez-vous-en, ou je fais sauter la barricade!

Marius sur cette barricade après l'octogénaire, c'était la vision de la jeune révolution après l'apparition de la vieille.

—Sauter la barricade! dit un sergent, et toi aussi!

Marius répondit:

—Et moi aussi.

Et il approcha la torche du baril de poudre.

Mais il n'y avait déjà plus personne sur le barrage. Les assaillants, laissant leurs morts et leurs blessés, refluaient pêle-mêle et en désordre vers l'extrémité de la rue et s'y perdaient de nouveau dans la nuit. Ce fut un sauve-qui-peut.

La barricade était dégagée.

English text[edit]

Marius, still concealed in the turn of the Rue Mondetour, had witnessed, shuddering and irresolute, the first phase of the combat. But he had not long been able to resist that mysterious and sovereign vertigo which may be designated as the call of the abyss. In the presence of the imminence of the peril, in the presence of the death of M. Mabeuf, that melancholy enigma, in the presence of Bahorel killed, and Courfeyrac shouting: "Follow me!" of that child threatened, of his friends to succor or to avenge, all hesitation had vanished, and he had flung himself into the conflict, his two pistols in hand. With his first shot he had saved Gavroche, and with the second delivered Courfeyrac.

Amid the sound of the shots, amid the cries of the assaulted guards, the assailants had climbed the entrenchment, on whose summit Municipal Guards, soldiers of the line and National Guards from the suburbs could now be seen, gun in hand, rearing themselves to more than half the height of their bodies.

They already covered more than two-thirds of the barrier, but they did not leap into the enclosure, as though wavering in the fear of some trap. They gazed into the dark barricade as one would gaze into a lion's den. The light of the torch illuminated only their bayonets, their bear-skin caps, and the upper part of their uneasy and angry faces.

Marius had no longer any weapons; he had flung away his discharged pistols after firing them; but he had caught sight of the barrel of powder in the tap-room, near the door.

As he turned half round, gazing in that direction, a soldier took aim at him. At the moment when the soldier was sighting Marius, a hand was laid on the muzzle of the gun and obstructed it. This was done by some one who had darted forward,—the young workman in velvet trousers. The shot sped, traversed the hand and possibly, also, the workman, since he fell, but the ball did not strike Marius. All this, which was rather to be apprehended than seen through the smoke, Marius, who was entering the tap-room, hardly noticed. Still, he had, in a confused way, perceived that gun-barrel aimed at him, and the hand which had blocked it, and he had heard the discharge. But in moments like this, the things which one sees vacillate and are precipitated, and one pauses for nothing. One feels obscurely impelled towards more darkness still, and all is cloud.

The insurgents, surprised but not terrified, had rallied. Enjolras had shouted: "Wait! Don't fire at random!" In the first confusion, they might, in fact, wound each other. The majority of them had ascended to the window on the first story and to the attic windows, whence they commanded the assailants.

The most determined, with Enjolras, Courfeyrac, Jean Prouvaire, and Combeferre, had proudly placed themselves with their backs against the houses at the rear, unsheltered and facing the ranks of soldiers and guards who crowned the barricade.

All this was accomplished without haste, with that strange and threatening gravity which precedes engagements. They took aim, point blank, on both sides: they were so close that they could talk together without raising their voices.

When they had reached this point where the spark is on the brink of darting forth, an officer in a gorget extended his sword and said:—

"Lay down your arms!"

"Fire!" replied Enjolras.

The two discharges took place at the same moment, and all disappeared in smoke.

An acrid and stifling smoke in which dying and wounded lay with weak, dull groans. When the smoke cleared away, the combatants on both sides could be seen to be thinned out, but still in the same positions, reloading in silence. All at once, a thundering voice was heard, shouting:—

"Be off with you, or I'll blow up the barricade!"

All turned in the direction whence the voice proceeded.

Marius had entered the tap-room, and had seized the barrel of powder, then he had taken advantage of the smoke, and the sort of obscure mist which filled the entrenched enclosure, to glide along the barricade as far as that cage of paving-stones where the torch was fixed. To tear it from the torch, to replace it by the barrel of powder, to thrust the pile of stones under the barrel, which was instantly staved in, with a sort of horrible obedience,—all this had cost Marius but the time necessary to stoop and rise again; and now all, National Guards, Municipal Guards, officers, soldiers, huddled at the other extremity of the barricade, gazed stupidly at him, as he stood with his foot on the stones, his torch in his hand, his haughty face illuminated by a fatal resolution, drooping the flame of the torch towards that redoubtable pile where they could make out the broken barrel of powder, and giving vent to that startling cry:—

"Be off with you, or I'll blow up the barricade!"

Marius on that barricade after the octogenarian was the vision of the young revolution after the apparition of the old.

"Blow up the barricade!" said a sergeant, "and yourself with it!"

Marius retorted: "And myself also."

And he dropped the torch towards the barrel of powder.

But there was no longer any one on the barrier. The assailants, abandoning their dead and wounded, flowed back pell-mell and in disorder towards the extremity of the street, and there were again lost in the night. It was a headlong flight.

The barricade was free.

Translation notes[edit]

Textual notes[edit]

Citations[edit]