Volume 2/Book 5/Chapter 10
Les Misérables, Volume 2: Cosette, Book Fifth: For A Black Hunt, A Mute Pack, Chapter 10: Which explains how Javert got on the scent
(Tome 2: Cosette, Livre cinqième: À chasse noire, meute muette, Chapitre 10: Où il est expliqué comment Javert a fait buisson creux)
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General notes on this chapter
French text
Les événements dont nous venons de voir, pour ainsi dire, l'envers, s'étaient accomplis dans les conditions les plus simples.
Lorsque Jean Valjean, dans la nuit même du jour où Javert l'arrêta près du lit de mort de Fantine, s'échappa de la prison municipale de Montreuil-sur-Mer, la police supposa que le forçat évadé avait dû se diriger vers Paris. Paris est un maelström où tout se perd, et tout disparaît dans ce nombril du monde comme dans le nombril de la mer. Aucune forêt ne cache un homme comme cette foule. Les fugitifs de toute espèce le savent. Ils vont à Paris comme à un engloutissement; il y a des engloutissements qui sauvent. La police aussi le sait, et c'est à Paris qu'elle cherche ce qu'elle a perdu ailleurs. Elle y chercha l'ex-maire de Montreuil-sur-Mer. Javert fut appelé à Paris afin d'éclairer les perquisitions. Javert en effet aida puissamment à reprendre Jean Valjean. Le zèle et l'intelligence de Javert en cette occasion furent remarqués de Mr Chabouillet, secrétaire de la préfecture sous le comte Anglès. Mr Chabouillet, qui du reste avait déjà protégé Javert, fit attacher l'inspecteur de Montreuil-sur-Mer à la police de Paris. Là Javert se rendit diversement et, disons-le, quoique le mot semble inattendu pour de pareils services, honorablement utile.
Il ne songeait plus à Jean Valjean,—à ces chiens toujours en chasse, le loup d'aujourd'hui fait oublier le loup d'hier,—lorsqu'en décembre 1823 il lut un journal, lui qui ne lisait jamais de journaux; mais Javert, homme monarchique, avait tenu à savoir les détails de l'entrée triomphale du «prince généralissime» à Bayonne. Comme il achevait l'article qui l'intéressait, un nom, le nom de Jean Valjean, au bas d'une page, appela son attention. Le journal annonçait que le forçat Jean Valjean était mort, et publiait le fait en termes si formels que Javert n'en douta pas. Il se borna à dire: c'est là le bon écrou. Puis il jeta le journal, et n'y pensa plus.
Quelque temps après il arriva qu'une note de police fut transmise par la préfecture de Seine-et-Oise à la préfecture de police de Paris sur l'enlèvement d'un enfant, qui avait eu lieu, disait-on, avec des circonstances particulières, dans la commune de Montfermeil. Une petite fille de sept à huit ans, disait la note, qui avait été confiée par sa mère à un aubergiste du pays, avait été volée par un inconnu; cette petite répondait au nom de Cosette et était l'enfant d'une fille nommée Fantine, morte à l'hôpital, on ne savait quand ni où. Cette note passa sous les yeux de Javert, et le rendit rêveur.
Le nom de Fantine lui était bien connu. Il se souvenait que Jean Valjean l'avait fait éclater de rire, lui Javert, en lui demandant un répit de trois jours pour aller chercher l'enfant de cette créature. Il se rappela que Jean Valjean avait été arrêté à Paris au moment où il montait dans la voiture de Montfermeil. Quelques indications avaient même fait songer à cette époque que c'était la seconde fois qu'il montait dans cette voiture, et qu'il avait déjà, la veille, fait une première excursion aux environs de ce village, car on ne l'avait point vu dans le village même. Qu'allait-il faire dans ce pays de Montfermeil? on ne l'avait pu deviner. Javert le comprenait maintenant. La fille de Fantine s'y trouvait. Jean Valjean l'allait chercher. Or, cette enfant venait d'être volée par un inconnu. Quel pouvait être cet inconnu? Serait-ce Jean Valjean? mais Jean Valjean était mort. Javert, sans rien dire à personne, prit le coucou du Plat d'étain, cul-de-sac de la Planchette, et fit le voyage de Montfermeil.
Il s'attendait à trouver là un grand éclaircissement; il y trouva une grande obscurité.
Dans les premiers jours, les Thénardier, dépités, avaient jasé. La disparition de l'Alouette avait fait bruit dans le village. Il y avait eu tout de suite plusieurs versions de l'histoire qui avait fini par être un vol d'enfant. De là, la note de police. Cependant, la première humeur passée, le Thénardier, avec son admirable instinct, avait très vite compris qu'il n'est jamais utile d'émouvoir monsieur le procureur du roi, et que ses plaintes à propos de l'enlèvement de Cosette auraient pour premier résultat de fixer sur lui, Thénardier, et sur beaucoup d'affaires troubles qu'il avait, l'étincelante prunelle de la justice. La première chose que les hiboux ne veulent pas, c'est qu'on leur apporte une chandelle. Et d'abord, comment se tirerait-il des quinze cents francs qu'il avait reçus? Il tourna court, mit un bâillon à sa femme, et fit l'étonné quand on lui parlait de l'enfant volé. Il n'y comprenait rien; sans doute il s'était plaint dans le moment de ce qu'on lui «enlevait» si vite cette chère petite; il eût voulu par tendresse la garder encore deux ou trois jours; mais c'était son «grand-père» qui était venu la chercher le plus naturellement du monde. Il avait ajouté le grand-père, qui faisait bien. Ce fut sur cette histoire que Javert tomba en arrivant à Montfermeil. Le grand-père faisait évanouir Jean Valjean.
Javert pourtant enfonça quelques questions, comme des sondes, dans l'histoire de Thénardier.—Qu'était-ce que ce grand-père, et comment s'appelait-il?—Thénardier répondit avec simplicité:—C'est un riche cultivateur. J'ai vu son passeport. Je crois qu'il s'appelle Mr Guillaume Lambert.
Lambert est un nom bonhomme et très rassurant. Javert s'en revint à Paris.
—Le Jean Valjean est bien mort, se dit-il, et je suis un jobard.
Il recommençait à oublier toute cette histoire, lorsque, dans le courant de mars 1824, il entendit parler d'un personnage bizarre qui habitait sur la paroisse de Saint-Médard et qu'on surnommait «le mendiant qui fait l'aumône». Ce personnage était, disait-on, un rentier dont personne ne savait au juste le nom et qui vivait seul avec une petite fille de huit ans, laquelle ne savait rien elle-même sinon qu'elle venait de Montfermeil. Montfermeil! ce nom revenait toujours, et fit dresser l'oreille à Javert. Un vieux mendiant mouchard, ancien bedeau, auquel ce personnage faisait la charité, ajoutait quelques autres détails.—Ce rentier était un être très farouche,—ne sortant jamais que le soir,—ne parlant à personne,—qu'aux pauvres quelquefois,—et ne se laissant pas approcher. Il portait une horrible vieille redingote jaune qui valait plusieurs millions, étant toute cousue de billets de banque.—Ceci piqua décidément la curiosité de Javert. Afin de voir ce rentier fantastique de très près sans l'effaroucher, il emprunta un jour au bedeau sa défroque et la place où le vieux mouchard s'accroupissait tous les soirs en nasillant des oraisons et en espionnant à travers la prière.
«L'individu suspect» vint en effet à Javert ainsi travesti, et lui fit l'aumône. En ce moment Javert leva la tête, et la secousse que reçut Jean Valjean en croyant reconnaître Javert, Javert la reçut en croyant reconnaître Jean Valjean.
Cependant l'obscurité avait pu le tromper; la mort de Jean Valjean était officielle; il restait à Javert des doutes, et des doutes graves; et dans le doute Javert, l'homme du scrupule, ne mettait la main au collet de personne.
Il suivit son homme jusqu'à la masure Gorbeau, et fit parler «la vieille», ce qui n'était pas malaisé. La vieille lui confirma le fait de la redingote doublée de millions, et lui conta l'épisode du billet de mille francs. Elle avait vu! elle avait touché! Javert loua une chambre. Le soir même il s'y installa. Il vint écouter à la porte du locataire mystérieux, espérant entendre le son de sa voix, mais Jean Valjean aperçut sa chandelle à travers la serrure et déjoua l'espion en gardant le silence.
Le lendemain Jean Valjean décampait. Mais le bruit de la pièce de cinq francs qu'il laissa tomber fut remarqué de la vieille qui, entendant remuer de l'argent, songea qu'on allait déménager et se hâta de prévenir Javert. À la nuit, lorsque Jean Valjean sortit, Javert l'attendait derrière les arbres du boulevard avec deux hommes.
Javert avait réclamé main-forte à la préfecture, mais il n'avait pas dit le nom de l'individu qu'il espérait saisir. C'était son secret; et il l'avait gardé pour trois raisons: d'abord, parce que la moindre indiscrétion pouvait donner l'éveil à Jean Valjean; ensuite, parce que mettre la main sur un vieux forçat évadé et réputé mort, sur un condamné que les notes de justice avaient jadis classé à jamais parmi les malfaiteurs de l'espèce la plus dangereuse, c'était un magnifique succès que les anciens de la police parisienne ne laisseraient certainement pas à un nouveau venu comme Javert, et qu'il craignait qu'on ne lui prît son galérien; enfin, parce que Javert, étant un artiste, avait le goût de l'imprévu. Il haïssait ces succès annoncés qu'on déflore en en parlant longtemps d'avance. Il tenait à élaborer ses chefs-d'œuvre dans l'ombre et à les dévoiler ensuite brusquement.
Javert avait suivi Jean Valjean d'arbre en arbre, puis de coin de rue en coin de rue, et ne l'avait pas perdu de vue un seul instant. Même dans les moments où Jean Valjean se croyait le plus en sûreté, l'œil de Javert était sur lui.
Pourquoi Javert n'arrêtait-il pas Jean Valjean? c'est qu'il doutait encore.
Il faut se souvenir qu'à cette époque la police n'était pas précisément à son aise; la presse libre la gênait. Quelques arrestations arbitraires, dénoncées par les journaux, avaient retenti jusqu'aux chambres, et rendu la préfecture timide. Attenter à la liberté individuelle était un fait grave. Les agents craignaient de se tromper; le préfet s'en prenait à eux; une erreur, c'était la destitution. Se figure-t-on l'effet qu'eût fait dans Paris ce bref entrefilet reproduit par vingt journaux:—Hier, un vieux grand-père en cheveux blancs, rentier respectable, qui se promenait avec sa petite-fille âgée de huit ans, a été arrêté et conduit au Dépôt de la Préfecture comme forçat évadé! Répétons en outre que Javert avait ses scrupules à lui; les recommandations de sa conscience s'ajoutaient aux recommandations du préfet. Il doutait réellement.
Jean Valjean tournait le dos et marchait dans l'obscurité.
La tristesse, l'inquiétude, l'anxiété, l'accablement, ce nouveau malheur d'être obligé de s'enfuir la nuit et de chercher un asile au hasard dans Paris pour Cosette et pour lui, la nécessité de régler son pas sur le pas d'un enfant, tout cela, à son insu même, avait changé la démarche de Jean Valjean et imprimé à son habitude de corps une telle sénilité que la police elle-même, incarnée dans Javert, pouvait s'y tromper, et s'y trompa. L'impossibilité d'approcher de trop près, son costume de vieux précepteur émigré, la déclaration de Thénardier qui le faisait grand-père, enfin la croyance de sa mort au bagne, ajoutaient encore aux incertitudes qui s'épaississaient dans l'esprit de Javert.
Il eut un moment l'idée de lui demander brusquement ses papiers. Mais si cet homme n'était pas Jean Valjean, et si cet homme n'était pas un bon vieux rentier honnête, c'était probablement quelque gaillard profondément et savamment mêlé à la trame obscure des méfaits parisiens, quelque chef de bande dangereux, faisant l'aumône pour cacher ses autres talents, vieille rubrique. Il avait des affidés, des complices, des logis en-cas où il allait se réfugier sans doute. Tous ces détours qu'il faisait dans les rues semblaient indiquer que ce n'était pas un simple bonhomme. L'arrêter trop vite, c'était «tuer la poule aux œufs d'or». Où était l'inconvénient d'attendre? Javert était bien sûr qu'il n'échapperait pas.
Il cheminait donc assez perplexe, en se posant cent questions sur ce personnage énigmatique.
Ce ne fut qu'assez tard, rue de Pontoise, que, grâce à la vive clarté que jetait un cabaret, il reconnut décidément Jean Valjean. Il y a dans ce monde deux êtres qui tressaillent profondément: la mère qui retrouve son enfant, et le tigre qui retrouve sa proie. Javert eut ce tressaillement profond.
Dès qu'il eut positivement reconnu Jean Valjean, le forçat redoutable, il s'aperçut qu'ils n'étaient que trois, et il fit demander du renfort au commissaire de police de la rue de Pontoise. Avant d'empoigner un bâton d'épines, on met des gants.
Ce retard et la station au carrefour Rollin pour se concerter avec ses agents faillirent lui faire perdre la piste. Cependant, il eut bien vite deviné que Jean Valjean voudrait placer la rivière entre ses chasseurs et lui. Il pencha la tête et réfléchit comme un limier qui met le nez à terre pour être juste à la voie. Javert, avec sa puissante rectitude d'instinct, alla droit au pont d'Austerlitz. Un mot au péager le mit au fait:—Avez-vous vu un homme avec une petite fille?—Je lui ai fait payer deux sous, répondit le péager. Javert arriva sur le pont à temps pour voir de l'autre côté de l'eau Jean Valjean traverser avec Cosette à la main l'espace éclairé par la lune. Il le vit s'engager dans la rue du Chemin-Vert-Saint-Antoine; il songea au cul-de-sac Genrot disposé là comme une trappe et à l'issue unique de la rue Droit-Mur sur la petite rue Picpus. Il assura les grands devants, comme parlent les chasseurs; il envoya en hâte par un détour un de ses agents garder cette issue. Une patrouille, qui rentrait au poste de l'Arsenal, ayant passé, il la requit et s'en fit accompagner. Dans ces parties-là, les soldats sont des atouts. D'ailleurs, c'est le principe que, pour venir à bout d'un sanglier, il faut faire science de veneur et force de chiens. Ces dispositions combinées, sentant Jean Valjean saisi entre l'impasse Genrot à droite, son agent à gauche, et lui Javert derrière, il prit une prise de tabac.
Puis il se mit à jouer. Il eut un moment ravissant et infernal; il laissa aller son homme devant lui, sachant qu'il le tenait, mais désirant reculer le plus possible le moment de l'arrêter, heureux de le sentir pris et de le voir libre, le couvant du regard avec cette volupté de l'araignée qui laisse voleter la mouche et du chat qui laisse courir la souris. La griffe et la serre ont une sensualité monstrueuse; c'est le mouvement obscur de la bête emprisonnée dans leur tenaille. Quel délice que cet étouffement!
Javert jouissait. Les mailles de son filet étaient solidement attachées. Il était sûr du succès; il n'avait plus maintenant qu'à fermer la main.
Accompagné comme il l'était, l'idée même de la résistance était impossible, si énergique, si vigoureux, et si désespéré que fût Jean Valjean.
Javert avança lentement, sondant et fouillant sur son passage tous les recoins de la rue comme les poches d'un voleur.
Quand il arriva au centre de sa toile, il n'y trouva plus la mouche.
On imagine son exaspération.
Il interrogea sa vedette des rues Droit-Mur et Picpus; cet agent, resté imperturbable à son poste, n'avait point vu passer l'homme.
Il arrive quelquefois qu'un cerf est brisé la tête couverte, c'est-à-dire s'échappe, quoique ayant la meute sur le corps, et alors les plus vieux chasseurs ne savent que dire. Duvivier, Ligniville et Desprez restent court. Dans une déconvenue de ce genre, Artonge s'écria: Ce n'est pas un cerf, c'est un sorcier.
Javert eût volontiers jeté le même cri.
Son désappointement tint un moment du désespoir et de la fureur. Il est certain que Napoléon fit des fautes dans la guerre de Russie, qu'Alexandre fit des fautes dans la guerre de l'Inde, que César fit des fautes dans la guerre d'Afrique, que Cyrus fit des fautes dans la guerre de Scythie, et que Javert fit des fautes dans cette campagne contre Jean Valjean. Il eut tort peut-être d'hésiter à reconnaître l'ancien galérien. Le premier coup d'œil aurait dû lui suffire. Il eut tort de ne pas l'appréhender purement et simplement dans la masure. Il eut tort de ne pas l'arrêter quand il le reconnut positivement rue de Pontoise. Il eut tort de se concerter avec ses auxiliaires en plein clair de lune dans le carrefour Rollin; certes, les avis sont utiles, et il est bon de connaître et d'interroger ceux des chiens qui méritent créance. Mais le chasseur ne saurait prendre trop de précautions quand il chasse des animaux inquiets, comme le loup et le forçat. Javert, en se préoccupant trop de mettre les limiers de meute sur la voie, alarma la bête en lui donnant vent du trait et la fit partir. Il eut tort surtout, dès qu'il eut retrouvé la piste au pont d'Austerlitz, de jouer ce jeu formidable et puéril de tenir un pareil homme au bout d'un fil. Il s'estima plus fort qu'il n'était, et crut pouvoir jouer à la souris avec un lion. En même temps, il s'estima trop faible quand il jugea nécessaire de s'adjoindre du renfort. Précaution fatale, perte d'un temps précieux. Javert commit toutes ces fautes, et n'en était pas moins un des espions les plus savants et les plus corrects qui aient existé. Il était, dans toute la force du terme, ce qu'en vénerie on appelle un chien sage. Mais qui est-ce qui est parfait?
Les grands stratégistes ont leurs éclipses.
Les fortes sottises sont souvent faites, comme les grosses cordes, d'une multitude de brins. Prenez le câble fil à fil, prenez séparément tous les petits motifs déterminants, vous les cassez l'un après l'autre, et vous dites: Ce n'est que cela! Tressez-les et tordez-les ensemble, c'est une énormité; c'est Attila qui hésite entre Marcien à l'Orient et Valentinien à l'Occident; c'est Annibal qui s'attarde à Capoue; c'est Danton qui s'endort à Arcis-sur-Aube. Quoi qu'il en soit, au moment même où il s'aperçut que Jean Valjean lui échappait, Javert ne perdit pas la tête. Sûr que le forçat en rupture de ban ne pouvait être bien loin, il établit des guets, il organisa des souricières et des embuscades et battit le quartier toute la nuit. La première chose qu'il vit, ce fut le désordre du réverbère, dont la corde était coupée. Indice précieux, qui l'égara pourtant en ce qu'il fit dévier toutes ses recherches vers le cul-de-sac Genrot. Il y a dans ce cul-de-sac des murs assez bas qui donnent sur des jardins dont les enceintes touchent à d'immenses terrains en friche. Jean Valjean avait dû évidemment s'enfuir par là. Le fait est que, s'il eût pénétré un peu plus avant dans le cul-de-sac Genrot, il l'eût fait probablement, et il était perdu. Javert explora ces jardins et ces terrains comme s'il y eût cherché une aiguille.
Au point du jour, il laissa deux hommes intelligents en observation et il regagna la préfecture de police, honteux comme un mouchard qu'un voleur aurait pris.
English text
The events of which we have just beheld the reverse side, so to speak, had come about in the simplest possible manner.
When Jean Valjean, on the evening of the very day when Javert had arrested him beside Fantine’s death-bed, had escaped from the town jail of M. sur M., the police had supposed that he had betaken himself to Paris. Paris is a maelstrom where everything is lost, and everything disappears in this belly of the world, as in the belly of the sea. No forest hides a man as does that crowd. Fugitives of every sort know this. They go to Paris as to an abyss; there are gulfs which save. The police know it also, and it is in Paris that they seek what they have lost elsewhere. They sought the ex-mayor of M. sur M. Javert was summoned to Paris to throw light on their researches. Javert had, in fact, rendered powerful assistance in the recapture of Jean Valjean. Javert’s zeal and intelligence on that occasion had been remarked by M. Chabouillet, secretary of the Prefecture under Comte Anglès. M. Chabouillet, who had, moreover, already been Javert’s patron, had the inspector of M. sur M. attached to the police force of Paris. There Javert rendered himself useful in divers and, though the word may seem strange for such services, honorable manners.
He no longer thought of Jean Valjean,—the wolf of to-day causes these dogs who are always on the chase to forget the wolf of yesterday,—when, in December, 1823, he read a newspaper, he who never read newspapers; but Javert, a monarchical man, had a desire to know the particulars of the triumphal entry of the “Prince Generalissimo” into Bayonne. Just as he was finishing the article, which interested him; a name, the name of Jean Valjean, attracted his attention at the bottom of a page. The paper announced that the convict Jean Valjean was dead, and published the fact in such formal terms that Javert did not doubt it. He confined himself to the remark, “That’s a good entry.” Then he threw aside the paper, and thought no more about it.
Some time afterwards, it chanced that a police report was transmitted from the prefecture of the Seine-et-Oise to the prefecture of police in Paris, concerning the abduction of a child, which had taken place, under peculiar circumstances, as it was said, in the commune of Montfermeil. A little girl of seven or eight years of age, the report said, who had been intrusted by her mother to an inn-keeper of that neighborhood, had been stolen by a stranger; this child answered to the name of Cosette, and was the daughter of a girl named Fantine, who had died in the hospital, it was not known where or when.
This report came under Javert’s eye and set him to thinking.
The name of Fantine was well known to him. He remembered that Jean Valjean had made him, Javert, burst into laughter, by asking him for a respite of three days, for the purpose of going to fetch that creature’s child. He recalled the fact that Jean Valjean had been arrested in Paris at the very moment when he was stepping into the coach for Montfermeil. Some signs had made him suspect at the time that this was the second occasion of his entering that coach, and that he had already, on the previous day, made an excursion to the neighborhood of that village, for he had not been seen in the village itself. What had he been intending to do in that region of Montfermeil? It could not even be surmised. Javert understood it now. Fantine’s daughter was there. Jean Valjean was going there in search of her. And now this child had been stolen by a stranger! Who could that stranger be? Could it be Jean Valjean? But Jean Valjean was dead. Javert, without saying anything to anybody, took the coach from the Pewter Platter, Cul-de-Sac de la Planchette, and made a trip to Montfermeil.
He expected to find a great deal of light on the subject there; he found a great deal of obscurity.
For the first few days the Thénardiers had chattered in their rage. The disappearance of the Lark had created a sensation in the village. He immediately obtained numerous versions of the story, which ended in the abduction of a child. Hence the police report. But their first vexation having passed off, Thénardier, with his wonderful instinct, had very quickly comprehended that it is never advisable to stir up the prosecutor of the Crown, and that his complaints with regard to the abduction of Cosette would have as their first result to fix upon himself, and upon many dark affairs which he had on hand, the glittering eye of justice. The last thing that owls desire is to have a candle brought to them. And in the first place, how explain the fifteen hundred francs which he had received? He turned squarely round, put a gag on his wife’s mouth, and feigned astonishment when the stolen child was mentioned to him. He understood nothing about it; no doubt he had grumbled for awhile at having that dear little creature “taken from him” so hastily; he should have liked to keep her two or three days longer, out of tenderness; but her “grandfather” had come for her in the most natural way in the world. He added the “grandfather,” which produced a good effect. This was the story that Javert hit upon when he arrived at Montfermeil. The grandfather caused Jean Valjean to vanish.
Nevertheless, Javert dropped a few questions, like plummets, into Thénardier’s history. “Who was that grandfather? and what was his name?” Thénardier replied with simplicity: “He is a wealthy farmer. I saw his passport. I think his name was M. Guillaume Lambert.”
Lambert is a respectable and extremely reassuring name. Thereupon Javert returned to Paris.
“Jean Valjean is certainly dead,” said he, “and I am a ninny.”
He had again begun to forget this history, when, in the course of March, 1824, he heard of a singular personage who dwelt in the parish of Saint-Médard and who had been surnamed “the mendicant who gives alms.” This person, the story ran, was a man of means, whose name no one knew exactly, and who lived alone with a little girl of eight years, who knew nothing about herself, save that she had come from Montfermeil. Montfermeil! that name was always coming up, and it made Javert prick up his ears. An old beggar police spy, an ex-beadle, to whom this person had given alms, added a few more details. This gentleman of property was very shy,—never coming out except in the evening, speaking to no one, except, occasionally to the poor, and never allowing any one to approach him. He wore a horrible old yellow frock-coat, which was worth many millions, being all wadded with bank-bills. This piqued Javert’s curiosity in a decided manner. In order to get a close look at this fantastic gentleman without alarming him, he borrowed the beadle’s outfit for a day, and the place where the old spy was in the habit of crouching every evening, whining orisons through his nose, and playing the spy under cover of prayer.
“The suspected individual” did indeed approach Javert thus disguised, and bestow alms on him. At that moment Javert raised his head, and the shock which Jean Valjean received on recognizing Javert was equal to the one received by Javert when he thought he recognized Jean Valjean.
However, the darkness might have misled him; Jean Valjean’s death was official; Javert cherished very grave doubts; and when in doubt, Javert, the man of scruples, never laid a finger on any one’s collar.
He followed his man to the Gorbeau house, and got “the old woman” to talking, which was no difficult matter. The old woman confirmed the fact regarding the coat lined with millions, and narrated to him the episode of the thousand-franc bill. She had seen it! She had handled it! Javert hired a room; that evening he installed himself in it. He came and listened at the mysterious lodger’s door, hoping to catch the sound of his voice, but Jean Valjean saw his candle through the key-hole, and foiled the spy by keeping silent.
On the following day Jean Valjean decamped; but the noise made by the fall of the five-franc piece was noticed by the old woman, who, hearing the rattling of coin, suspected that he might be intending to leave, and made haste to warn Javert. At night, when Jean Valjean came out, Javert was waiting for him behind the trees of the boulevard with two men.
Javert had demanded assistance at the Prefecture, but he had not mentioned the name of the individual whom he hoped to seize; that was his secret, and he had kept it for three reasons: in the first place, because the slightest indiscretion might put Jean Valjean on the alert; next, because, to lay hands on an ex-convict who had made his escape and was reputed dead, on a criminal whom justice had formerly classed forever as among malefactors of the most dangerous sort, was a magnificent success which the old members of the Parisian police would assuredly not leave to a newcomer like Javert, and he was afraid of being deprived of his convict; and lastly, because Javert, being an artist, had a taste for the unforeseen. He hated those well-heralded successes which are talked of long in advance and have had the bloom brushed off. He preferred to elaborate his masterpieces in the dark and to unveil them suddenly at the last.
Javert had followed Jean Valjean from tree to tree, then from corner to corner of the street, and had not lost sight of him for a single instant; even at the moments when Jean Valjean believed himself to be the most secure Javert’s eye had been on him. Why had not Javert arrested Jean Valjean? Because he was still in doubt.
It must be remembered that at that epoch the police was not precisely at its ease; the free press embarrassed it; several arbitrary arrests denounced by the newspapers, had echoed even as far as the Chambers, and had rendered the Prefecture timid. Interference with individual liberty was a grave matter. The police agents were afraid of making a mistake; the prefect laid the blame on them; a mistake meant dismissal. The reader can imagine the effect which this brief paragraph, reproduced by twenty newspapers, would have caused in Paris: “Yesterday, an aged grandfather, with white hair, a respectable and well-to-do gentleman, who was walking with his grandchild, aged eight, was arrested and conducted to the agency of the Prefecture as an escaped convict!”
Let us repeat in addition that Javert had scruples of his own; injunctions of his conscience were added to the injunctions of the prefect. He was really in doubt.
Jean Valjean turned his back on him and walked in the dark.
Sadness, uneasiness, anxiety, depression, this fresh misfortune of being forced to flee by night, to seek a chance refuge in Paris for Cosette and himself, the necessity of regulating his pace to the pace of the child—all this, without his being aware of it, had altered Jean Valjean’s walk, and impressed on his bearing such senility, that the police themselves, incarnate in the person of Javert, might, and did in fact, make a mistake. The impossibility of approaching too close, his costume of an émigré preceptor, the declaration of Thénardier which made a grandfather of him, and, finally, the belief in his death in prison, added still further to the uncertainty which gathered thick in Javert’s mind.
For an instant it occurred to him to make an abrupt demand for his papers; but if the man was not Jean Valjean, and if this man was not a good, honest old fellow living on his income, he was probably some merry blade deeply and cunningly implicated in the obscure web of Parisian misdeeds, some chief of a dangerous band, who gave alms to conceal his other talents, which was an old dodge. He had trusty fellows, accomplices’ retreats in case of emergencies, in which he would, no doubt, take refuge. All these turns which he was making through the streets seemed to indicate that he was not a simple and honest man. To arrest him too hastily would be “to kill the hen that laid the golden eggs.” Where was the inconvenience in waiting? Javert was very sure that he would not escape.
Thus he proceeded in a tolerably perplexed state of mind, putting to himself a hundred questions about this enigmatical personage.
It was only quite late in the Rue de Pontoise, that, thanks to the brilliant light thrown from a dram-shop, he decidedly recognized Jean Valjean.
There are in this world two beings who give a profound start,—the mother who recovers her child and the tiger who recovers his prey. Javert gave that profound start.
As soon as he had positively recognized Jean Valjean, the formidable convict, he perceived that there were only three of them, and he asked for reinforcements at the police station of the Rue de Pontoise. One puts on gloves before grasping a thorn cudgel.
This delay and the halt at the Carrefour Rollin to consult with his agents came near causing him to lose the trail. He speedily divined, however, that Jean Valjean would want to put the river between his pursuers and himself. He bent his head and reflected like a blood-hound who puts his nose to the ground to make sure that he is on the right scent. Javert, with his powerful rectitude of instinct, went straight to the bridge of Austerlitz. A word with the toll-keeper furnished him with the information which he required: “Have you seen a man with a little girl?” “I made him pay two sous,” replied the toll-keeper. Javert reached the bridge in season to see Jean Valjean traverse the small illuminated spot on the other side of the water, leading Cosette by the hand. He saw him enter the Rue du Chemin-Vert-Saint-Antoine; he remembered the Cul-de-Sac Genrot arranged there like a trap, and of the sole exit of the Rue Droit-Mur into the Rue Petit-Picpus. He made sure of his back burrows, as huntsmen say; he hastily despatched one of his agents, by a roundabout way, to guard that issue. A patrol which was returning to the Arsenal post having passed him, he made a requisition on it, and caused it to accompany him. In such games soldiers are aces. Moreover, the principle is, that in order to get the best of a wild boar, one must employ the science of venery and plenty of dogs. These combinations having been effected, feeling that Jean Valjean was caught between the blind alley Genrot on the right, his agent on the left, and himself, Javert, in the rear, he took a pinch of snuff.
Then he began the game. He experienced one ecstatic and infernal moment; he allowed his man to go on ahead, knowing that he had him safe, but desirous of postponing the moment of arrest as long as possible, happy at the thought that he was taken and yet at seeing him free, gloating over him with his gaze, with that voluptuousness of the spider which allows the fly to flutter, and of the cat which lets the mouse run. Claws and talons possess a monstrous sensuality,—the obscure movements of the creature imprisoned in their pincers. What a delight this strangling is!
Javert was enjoying himself. The meshes of his net were stoutly knotted. He was sure of success; all he had to do now was to close his hand.
Accompanied as he was, the very idea of resistance was impossible, however vigorous, energetic, and desperate Jean Valjean might be.
Javert advanced slowly, sounding, searching on his way all the nooks of the street like so many pockets of thieves.
When he reached the centre of the web he found the fly no longer there.
His exasperation can be imagined.
He interrogated his sentinel of the Rues Droit-Mur and Petit-Picpus; that agent, who had remained imperturbably at his post, had not seen the man pass.
It sometimes happens that a stag is lost head and horns; that is to say, he escapes although he has the pack on his very heels, and then the oldest huntsmen know not what to say. Duvivier, Ligniville, and Desprez halt short. In a discomfiture of this sort, Artonge exclaims, “It was not a stag, but a sorcerer.” Javert would have liked to utter the same cry.
His disappointment bordered for a moment on despair and rage.
It is certain that Napoleon made mistakes during the war with Russia, that Alexander committed blunders in the war in India, that Cæsar made mistakes in the war in Africa, that Cyrus was at fault in the war in Scythia, and that Javert blundered in this campaign against Jean Valjean. He was wrong, perhaps, in hesitating in his recognition of the exconvict. The first glance should have sufficed him. He was wrong in not arresting him purely and simply in the old building; he was wrong in not arresting him when he positively recognized him in the Rue de Pontoise. He was wrong in taking counsel with his auxiliaries in the full light of the moon in the Carrefour Rollin. Advice is certainly useful; it is a good thing to know and to interrogate those of the dogs who deserve confidence; but the hunter cannot be too cautious when he is chasing uneasy animals like the wolf and the convict. Javert, by taking too much thought as to how he should set the bloodhounds of the pack on the trail, alarmed the beast by giving him wind of the dart, and so made him run. Above all, he was wrong in that after he had picked up the scent again on the bridge of Austerlitz, he played that formidable and puerile game of keeping such a man at the end of a thread. He thought himself stronger than he was, and believed that he could play at the game of the mouse and the lion. At the same time, he reckoned himself as too weak, when he judged it necessary to obtain reinforcement. Fatal precaution, waste of precious time! Javert committed all these blunders, and nonetheless was one of the cleverest and most correct spies that ever existed. He was, in the full force of the term, what is called in venery a knowing dog. But what is there that is perfect?
Great strategists have their eclipses.
The greatest follies are often composed, like the largest ropes, of a multitude of strands. Take the cable thread by thread, take all the petty determining motives separately, and you can break them one after the other, and you say, “That is all there is of it!” Braid them, twist them together; the result is enormous: it is Attila hesitating between Marcian on the east and Valentinian on the west; it is Hannibal tarrying at Capua; it is Danton falling asleep at Arcis-sur-Aube.
However that may be, even at the moment when he saw that Jean Valjean had escaped him, Javert did not lose his head. Sure that the convict who had broken his ban could not be far off, he established sentinels, he organized traps and ambuscades, and beat the quarter all that night. The first thing he saw was the disorder in the street lantern whose rope had been cut. A precious sign which, however, led him astray, since it caused him to turn all his researches in the direction of the Cul-de-Sac Genrot. In this blind alley there were tolerably low walls which abutted on gardens whose bounds adjoined the immense stretches of waste land. Jean Valjean evidently must have fled in that direction. The fact is, that had he penetrated a little further in the Cul-de-Sac Genrot, he would probably have done so and have been lost. Javert explored these gardens and these waste stretches as though he had been hunting for a needle.
At daybreak he left two intelligent men on the outlook, and returned to the Prefecture of Police, as much ashamed as a police spy who had been captured by a robber might have been.