Volume 1/Book 6/Chapter 2
Les Misérables, Volume 1: Fantine, Book Sixth: Javert, Chapter 2: How Jean may become Champ (Tome 1: Fantine, Livre sixième: Javert, Chapitre 2: Comment Jean peut devenir Champ)
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General notes on this chapter
French text
Un matin, M. Madeleine était dans son cabinet, occupé à régler d'avance quelques affaires pressantes de la mairie pour le cas où il se déciderait à ce voyage de Montfermeil, lorsqu'on vint lui dire que l'inspecteur de police Javert demandait à lui parler. En entendant prononcer ce nom, M. Madeleine ne put se défendre d'une impression désagréable. Depuis l'aventure du bureau de police, Javert l'avait plus que jamais évité, et M. Madeleine ne l'avait point revu.
—Faites entrer, dit-il.
Javert entra.
M. Madeleine était resté assis près de la cheminée, une plume à la main, l'œil sur un dossier qu'il feuilletait et qu'il annotait, et qui contenait des procès-verbaux de contraventions à la police de la voirie. Il ne se dérangea point pour Javert. Il ne pouvait s'empêcher de songer à la pauvre Fantine, et il lui convenait d'être glacial.
Javert salua respectueusement M. le maire qui lui tournait le dos. M. le maire ne le regarda pas et continua d'annoter son dossier.
Javert fit deux ou trois pas dans le cabinet, et s'arrêta sans rompre le silence. Un physionomiste qui eût été familier avec la nature de Javert, qui eût étudié depuis longtemps ce sauvage au service de la civilisation, ce composé bizarre du Romain, du Spartiate, du moine et du caporal, cet espion incapable d'un mensonge, ce mouchard vierge, un physionomiste qui eût su sa secrète et ancienne aversion pour M. Madeleine, son conflit avec le maire au sujet de la Fantine, et qui eût considéré Javert en ce moment, se fût dit: que s'est-il passé? Il était évident, pour qui eût connu cette conscience droite, claire, sincère, probe, austère et féroce, que Javert sortait de quelque grand événement intérieur. Javert n'avait rien dans l'âme qu'il ne l'eût aussi sur le visage. Il était, comme les gens violents, sujet aux revirements brusques. Jamais sa physionomie n'avait été plus étrange et plus inattendue. En entrant, il s'était incliné devant M. Madeleine avec un regard où il n'y avait ni rancune, ni colère, ni défiance, il s'était arrêté à quelques pas derrière le fauteuil du maire; et maintenant il se tenait là, debout, dans une attitude presque disciplinaire, avec la rudesse naïve et froide d'un homme qui n'a jamais été doux et qui a toujours été patient; il attendait, sans dire un mot, sans faire un mouvement, dans une humilité vraie et dans une résignation tranquille, qu'il plût à monsieur le maire de se retourner, calme, sérieux, le chapeau à la main, les yeux baissés, avec une expression qui tenait le milieu entre le soldat devant son officier et le coupable devant son juge. Tous les sentiments comme tous les souvenirs qu'on eût pu lui supposer avaient disparu. Il n'y avait plus rien sur ce visage impénétrable et simple comme le granit, qu'une morne tristesse. Toute sa personne respirait l'abaissement et la fermeté, et je ne sais quel accablement courageux.
Enfin M. le maire posa sa plume et se tourna à demi.
—Eh bien! qu'est-ce? qu'y a-t-il, Javert?
Javert demeura un instant silencieux comme s'il se recueillait, puis éleva la voix avec une sorte de solennité triste qui n'excluait pourtant pas la simplicité:
—Il y a, monsieur le maire, qu'un acte coupable a été commis.
—Quel acte?
—Un agent inférieur de l'autorité a manqué de respect à un magistrat de la façon la plus grave. Je viens, comme c'est mon devoir, porter le fait à votre connaissance.
—Quel est cet agent? demanda M. Madeleine.
—Moi, dit Javert.
—Vous?
—Moi.
—Et quel est le magistrat qui aurait à se plaindre de l'agent?
—Vous, monsieur le maire.
M. Madeleine se dressa sur son fauteuil. Javert poursuivit, l'air sévère et les yeux toujours baissés:
—Monsieur le maire, je viens vous prier de vouloir bien provoquer près de l'autorité ma destitution.
M. Madeleine stupéfait ouvrit la bouche. Javert l'interrompit.
—Vous direz, j'aurais pu donner ma démission, mais cela ne suffit pas. Donner sa démission, c'est honorable. J'ai failli, je dois être puni. Il faut que je sois chassé.
Et après une pause, il ajouta:
—Monsieur le maire, vous avez été sévère pour moi l'autre jour injustement. Soyez-le aujourd'hui justement.
—Ah çà! pourquoi? s'écria M. Madeleine. Quel est ce galimatias? qu'est-ce que cela veut dire? où y a-t-il un acte coupable commis contre moi par vous? qu'est-ce que vous m'avez fait? quels torts avez-vous envers moi? Vous vous accusez, vous voulez être remplacé....
—Chassé, dit Javert.
—Chassé, soit. C'est fort bien. Je ne comprends pas.
—Vous allez comprendre, monsieur le maire.
Javert soupira du fond de sa poitrine et reprit toujours froidement et tristement:
—Monsieur le maire, il y a six semaines, à la suite de cette scène pour cette fille, j'étais furieux, je vous ai dénoncé.
—Dénoncé!
—À la préfecture de police de Paris.
M. Madeleine, qui ne riait pas beaucoup plus souvent que Javert, se mit à rire.
—Comme maire ayant empiété sur la police?
—Comme ancien forçat.
Le maire devint livide.
Javert, qui n'avait pas levé les yeux, continua:
—Je le croyais. Depuis longtemps j'avais des idées.
Une ressemblance, des renseignements que vous avez fait prendre à Faverolles, votre force des reins, l'aventure du vieux Fauchelevent, votre adresse au tir, votre jambe qui traîne un peu, est-ce que je sais, moi? des bêtises! mais enfin je vous prenais pour un nommé Jean Valjean.
—Un nommé?... Comment dites-vous ce nom-là?
—Jean Valjean. C'est un forçat que j'avais vu il y a vingt ans quand j'étais adjudant-garde-chiourme à Toulon. En sortant du bagne, ce Jean Valjean avait, à ce qu'il paraît, volé chez un évêque, puis il avait commis un autre vol à main armée, dans un chemin public, sur un petit savoyard. Depuis huit ans il s'était dérobé, on ne sait comment, et on le cherchait. Moi je m'étais figuré... Enfin, j'ai fait cette chose! La colère m'a décidé, je vous ai dénoncé à la préfecture.
M. Madeleine, qui avait ressaisi le dossier depuis quelques instants, reprit avec un accent de parfaite indifférence:
—Et que vous a-t-on répondu?
—Que j'étais fou.
—Eh bien?
—Eh bien, on avait raison.
—C'est heureux que vous le reconnaissiez!
—Il faut bien, puisque le véritable Jean Valjean est trouvé.
La feuille que tenait M. Madeleine lui échappa des mains, il leva la tête, regarda fixement Javert, et dit avec un accent inexprimable:
—Ah!
Javert poursuivit:
—Voilà ce que c'est, monsieur le maire. Il paraît qu'il y avait dans le pays, du côté d'Ailly-le-Haut-Clocher, une espèce de bonhomme qu'on appelait le père Champmathieu. C'était très misérable. On n'y faisait pas attention. Ces gens-là, on ne sait pas de quoi cela vit. Dernièrement, cet automne, le père Champmathieu a été arrêté pour un vol de pommes à cidre, commis chez...—enfin n'importe! Il y a eu vol, mur escaladé, branches de l'arbre cassées. On a arrêté mon Champmathieu. Il avait encore la branche de pommier à la main. On coffre le drôle. Jusqu'ici ce n'est pas beaucoup plus qu'une affaire correctionnelle. Mais voici qui est de la providence. La geôle étant en mauvais état, monsieur le juge d'instruction trouve à propos de faire transférer Champmathieu à Arras où est la prison départementale. Dans cette prison d'Arras, il y a un ancien forçat nommé Brevet qui est détenu pour je ne sais quoi et qu'on a fait guichetier de chambrée parce qu'il se conduit bien. Monsieur le maire, Champmathieu n'est pas plus tôt débarqué que voilà Brevet qui s'écrie: «Eh mais! je connais cet homme-là. C'est un fagot. Regardez-moi donc, bonhomme! Vous êtes Jean Valjean!—Jean Valjean! qui ça Jean Valjean? Le Champmathieu joue l'étonné.—Ne fais donc pas le sinvre, dit Brevet. Tu es Jean Valjean! Tu as été au bagne de Toulon. Il y a vingt ans. Nous y étions ensemble.—Le Champmathieu nie. Parbleu! vous comprenez. On approfondit. On me fouille cette aventure-là. Voici ce qu'on trouve: ce Champmathieu, il y a une trentaine d'années, a été ouvrier émondeur d'arbres dans plusieurs pays, notamment à Faverolles. Là on perd sa trace. Longtemps après, on le revoit en Auvergne, puis à Paris, où il dit avoir été charron et avoir eu une fille blanchisseuse, mais cela n'est pas prouvé; enfin dans ce pays-ci. Or, avant d'aller au bagne pour vol qualifié, qu'était Jean Valjean? émondeur. Où? à Faverolles. Autre fait. Ce Valjean s'appelait de son nom de baptême Jean et sa mère se nommait de son nom de famille Mathieu. Quoi de plus naturel que de penser qu'en sortant du bagne il aura pris le nom de sa mère pour se cacher et se sera fait appeler Jean Mathieu? Il va en Auvergne. De Jean la prononciation du pays fait Chan, on l'appelle Chan Mathieu. Notre homme se laisse faire et le voilà transformé en Champmathieu. Vous me suivez, n'est-ce pas? On s'informe à Faverolles. La famille de Jean Valjean n'y est plus. On ne sait plus où elle est. Vous savez, dans ces classes-là, il y a souvent de ces évanouissements d'une famille. On cherche, on ne trouve plus rien. Ces gens-là, quand ce n'est pas de la boue, c'est de la poussière. Et puis, comme le commencement de ces histoires date de trente ans, il n'y a plus personne à Faverolles qui ait connu Jean Valjean. On s'informe à Toulon. Avec Brevet, il n'y a plus que deux forçats qui aient vu Jean Valjean. Ce sont les condamnés à vie Cochepaille et Chenildieu. On les extrait du bagne et on les fait venir. On les confronte au prétendu Champmathieu. Ils n'hésitent pas. Pour eux comme pour Brevet, c'est Jean Valjean. Même âge, il a cinquante-quatre ans, même taille, même air, même homme enfin, c'est lui. C'est en ce moment-là même que j'envoyais ma dénonciation à la préfecture de Paris. On me répond que je perds l'esprit et que Jean Valjean est à Arras au pouvoir de la justice. Vous concevez si cela m'étonne, moi qui croyais tenir ici ce même Jean Valjean! J'écris à monsieur le juge d'instruction. Il me fait venir, on m'amène le Champmathieu....
—Eh bien? interrompit M. Madeleine.
Javert répondit avec son visage incorruptible et triste:
—Monsieur le maire, la vérité est la vérité. J'en suis fâché, mais c'est cet homme-là qui est Jean Valjean. Moi aussi je l'ai reconnu.
M. Madeleine reprit d'une voix très basse:
—Vous êtes sûr?
Javert se mit à rire de ce rire douloureux qui échappe à une conviction profonde:
—Oh, sûr!
Il demeura un moment pensif, prenant machinalement des pincées de poudre de bois dans la sébille à sécher l'encre qui était sur la table, et il ajouta:
—Et même, maintenant que je vois le vrai Jean Valjean, je ne comprends pas comment j'ai pu croire autre chose. Je vous demande pardon, monsieur le maire.
En adressant cette parole suppliante et grave à celui qui, six semaines auparavant, l'avait humilié en plein corps de garde et lui avait dit: «sortez!» Javert, cet homme hautain, était à son insu plein de simplicité et de dignité. M. Madeleine ne répondit à sa prière que par cette question brusque:
—Et que dit cet homme?
—Ah, dame! monsieur le maire, l'affaire est mauvaise. Si c'est Jean Valjean, il y a récidive. Enjamber un mur, casser une branche, chiper des pommes, pour un enfant, c'est une polissonnerie; pour un homme, c'est un délit; pour un forçat, c'est un crime. Escalade et vol, tout y est. Ce n'est plus la police correctionnelle, c'est la cour d'assises. Ce n'est plus quelques jours de prison, ce sont les galères à perpétuité. Et puis, il y a l'affaire du petit savoyard que j'espère bien qui reviendra. Diable! il y a de quoi se débattre, n'est-ce pas? Oui, pour un autre que Jean Valjean. Mais Jean Valjean est un sournois. C'est encore là que je le reconnais. Un autre sentirait que cela chauffe; il se démènerait, il crierait, la bouilloire chante devant le feu, il ne voudrait pas être Jean Valjean, et caetera. Lui, il n'a pas l'air de comprendre, il dit: Je suis Champmathieu, je ne sors pas de là! Il a l'air étonné, il fait la brute, c'est bien mieux. Oh! le drôle est habile. Mais c'est égal, les preuves sont là. Il est reconnu par quatre personnes, le vieux coquin sera condamné. C'est porté aux assises, à Arras. Je vais y aller pour témoigner. Je suis cité.
M. Madeleine s'était remis à son bureau, avait ressaisi son dossier, et le feuilletait tranquillement, lisant et écrivant tour à tour comme un homme affairé. Il se tourna vers Javert:
—Assez, Javert. Au fait, tous ces détails m'intéressent fort peu. Nous perdons notre temps, et nous avons des affaires pressées. Javert, vous allez vous rendre sur-le-champ chez la bonne femme Buseaupied qui vend des herbes là-bas au coin de la rue Saint-Saulve. Vous lui direz de déposer sa plainte contre le charretier Pierre Chesnelong. Cet homme est un brutal qui a failli écraser cette femme et son enfant. Il faut qu'il soit puni. Vous irez ensuite chez M. Charcellay, rue Montre-de-Champigny. Il se plaint qu'il y a une gouttière de la maison voisine qui verse l'eau de la pluie chez lui, et qui affouille les fondations de sa maison. Après vous constaterez des contraventions de police qu'on me signale rue Guibourg chez la veuve Doris, et rue du Garraud-Blanc chez madame Renée Le Bossé, et vous dresserez procès-verbal. Mais je vous donne là beaucoup de besogne. N'allez-vous pas être absent? ne m'avez-vous pas dit que vous alliez à Arras pour cette affaire dans huit ou dix jours?...
—Plus tôt que cela, monsieur le maire.
—Quel jour donc?
—Mais je croyais avoir dit à monsieur le maire que cela se jugeait demain et que je partais par la diligence cette nuit.
M. Madeleine fit un mouvement imperceptible.
—Et combien de temps durera l'affaire?
—Un jour tout au plus. L'arrêt sera prononcé au plus tard demain dans la nuit. Mais je n'attendrai pas l'arrêt, qui ne peut manquer. Sitôt ma déposition faite, je reviendrai ici.
—C'est bon, dit M. Madeleine.
Et il congédia Javert d'un signe de main. Javert ne s'en alla pas.
—Pardon, monsieur le maire, dit-il.
—Qu'est-ce encore? demanda M. Madeleine.
—Monsieur le maire, il me reste une chose à vous rappeler.
—Laquelle?
—C'est que je dois être destitué.
M. Madeleine se leva.
—Javert, vous êtes un homme d'honneur, et je vous estime. Vous vous exagérez votre faute. Ceci d'ailleurs est encore une offense qui me concerne. Javert, vous êtes digne de monter et non de descendre. J'entends que vous gardiez votre place.
Javert regarda M. Madeleine avec sa prunelle candide au fond de laquelle il semblait qu'on vit cette conscience peu éclairée, mais rigide et chaste, et il dit d'une voix tranquille:
—Monsieur le maire, je ne puis vous accorder cela.
—Je vous répète, répliqua M. Madeleine, que la chose me regarde.
Mais Javert, attentif à sa seule pensée, continua:
—Quant à exagérer, je n'exagère point. Voici comment je raisonne. Je vous ai soupçonné injustement. Cela, ce n'est rien. C'est notre droit à nous autres de soupçonner, quoiqu'il y ait pourtant abus à soupçonner au-dessus de soi. Mais, sans preuves, dans un accès de colère, dans le but de me venger, je vous ai dénoncé comme forçat, vous, un homme respectable, un maire, un magistrat! ceci est grave. Très grave. J'ai offensé l'autorité dans votre personne, moi, agent de l'autorité! Si l'un de mes subordonnés avait fait ce que j'ai fait, je l'aurais déclaré indigne du service, et chassé. Eh bien?
Tenez, monsieur le maire, encore un mot. J'ai souvent été sévère dans ma vie. Pour les autres. C'était juste. Je faisais bien. Maintenant, si je n'étais pas sévère pour moi, tout ce que j'ai fait de juste deviendrait injuste.
Est-ce que je dois m'épargner plus que les autres? Non. Quoi! je n'aurais été bon qu'à châtier autrui, et pas moi! mais je serais un misérable! mais ceux qui disent: ce gueux de Javert! auraient raison! Monsieur le maire, je ne souhaite pas que vous me traitiez avec bonté, votre bonté m'a fait faire assez de mauvais sang quand elle était pour les autres. Je n'en veux pas pour moi. La bonté qui consiste à donner raison à la fille publique contre le bourgeois, à l'agent de police contre le maire, à celui qui est en bas contre celui qui est en haut, c'est ce que j'appelle de la mauvaise bonté. C'est avec cette bonté-là que la société se désorganise. Mon Dieu! c'est bien facile d'être bon, le malaisé c'est d'être juste. Allez! si vous aviez été ce que je croyais, je n'aurais pas été bon pour vous, moi! vous auriez vu! Monsieur le maire, je dois me traiter comme je traiterais tout autre. Quand je réprimais des malfaiteurs, quand je sévissais sur des gredins, je me suis souvent dit à moi-même: toi, si tu bronches, si jamais je te prends en faute, sois tranquille!—J'ai bronché, je me prends en faute, tant pis! Allons, renvoyé, cassé, chassé! c'est bon. J'ai des bras, je travaillerai à la terre, cela m'est égal. Monsieur le maire, le bien du service veut un exemple. Je demande simplement la destitution de l'inspecteur Javert.
Tout cela était prononcé d'un accent humble, fier, désespéré et convaincu qui donnait je ne sais quelle grandeur bizarre à cet étrange honnête homme.
—Nous verrons, fit M. Madeleine.
Et il lui tendit la main.
Javert recula, et dit d'un ton farouche:
—Pardon, monsieur le maire, mais cela ne doit pas être. Un maire ne donne pas la main à un mouchard.
Il ajouta entre ses dents:
—Mouchard, oui; du moment où j'ai médusé de la police, je ne suis plus qu'un mouchard. Puis il salua profondément, et se dirigea vers la porte. Là il se retourna, et, les yeux toujours baissés:
—Monsieur le maire, dit-il, je continuerai le service jusqu'à ce que je sois remplacé.
Il sortit. M. Madeleine resta rêveur, écoutant ce pas ferme et assuré qui s'éloignait sur le pavé du corridor.
English text
One morning M. Madeleine was in his study, occupied in arranging in advance some pressing matters connected with the mayor's office, in case he should decide to take the trip to Montfermeil, when he was informed that Police Inspector Javert was desirous of speaking with him. Madeleine could not refrain from a disagreeable impression on hearing this name. Javert had avoided him more than ever since the affair of the police-station, and M. Madeleine had not seen him.
"Admit him," he said.
Javert entered.
M. Madeleine had retained his seat near the fire, pen in hand, his eyes fixed on the docket which he was turning over and annotating, and which contained the trials of the commission on highways for the infraction of police regulations. He did not disturb himself on Javert's account. He could not help thinking of poor Fantine, and it suited him to be glacial in his manner. Javert bestowed a respectful salute on the mayor, whose back was turned to him. The mayor did not look at him, but went on annotating this docket.
Javert advanced two or three paces into the study, and halted, without breaking the silence.
If any physiognomist who had been familiar with Javert, and who had made a lengthy study of this savage in the service of civilization, this singular composite of the Roman, the Spartan, the monk, and the corporal, this spy who was incapable of a lie, this unspotted police agent—if any physiognomist had known his secret and long-cherished aversion for M. Madeleine, his conflict with the mayor on the subject of Fantine, and had examined Javert at that moment, he would have said to himself, "What has taken place?" It was evident to any one acquainted with that clear, upright, sincere, honest, austere, and ferocious conscience, that Javert had but just gone through some great interior struggle. Javert had nothing in his soul which he had not also in his countenance. Like violent people in general, he was subject to abrupt changes of opinion. His physiognomy had never been more peculiar and startling. On entering he bowed to M. Madeleine with a look in which there was neither rancor, anger, nor distrust; he halted a few paces in the rear of the mayor's arm-chair, and there he stood, perfectly erect, in an attitude almost of discipline, with the cold, ingenuous roughness of a man who has never been gentle and who has always been patient; he waited without uttering a word, without making a movement, in genuine humility and tranquil resignation, calm, serious, hat in hand, with eyes cast down, and an expression which was half-way between that of a soldier in the presence of his officer and a criminal in the presence of his judge, until it should please the mayor to turn round. All the sentiments as well as all the memories which one might have attributed to him had disappeared. That face, as impenetrable and simple as granite, no longer bore any trace of anything but a melancholy depression. His whole person breathed lowliness and firmness and an indescribable courageous despondency.
At last the mayor laid down his pen and turned half round.
"Well! What is it? What is the matter, Javert?"
Javert remained silent for an instant as though collecting his ideas, then raised his voice with a sort of sad solemnity, which did not, however, preclude simplicity.
"This is the matter, Mr. Mayor; a culpable act has been committed."
"What act?"
"An inferior agent of the authorities has failed in respect, and in the gravest manner, towards a magistrate. I have come to bring the fact to your knowledge, as it is my duty to do."
"Who is the agent?" asked M. Madeleine.
"I," said Javert.
"You?"
"I."
"And who is the magistrate who has reason to complain of the agent?"
"You, Mr. Mayor."
M. Madeleine sat erect in his arm-chair. Javert went on, with a severe air and his eyes still cast down.
"Mr. Mayor, I have come to request you to instigate the authorities to dismiss me."
M. Madeleine opened his mouth in amazement. Javert interrupted him:—
"You will say that I might have handed in my resignation, but that does not suffice. Handing in one's resignation is honorable. I have failed in my duty; I ought to be punished; I must be turned out."
And after a pause he added:—
"Mr. Mayor, you were severe with me the other day, and unjustly. Be so to-day, with justice."
"Come, now! Why?" exclaimed M. Madeleine. "What nonsense is this? What is the meaning of this? What culpable act have you been guilty of towards me? What have you done to me? What are your wrongs with regard to me? You accuse yourself; you wish to be superseded—"
"Turned out," said Javert.
"Turned out; so it be, then. That is well. I do not understand."
"You shall understand, Mr. Mayor."
Javert sighed from the very bottom of his chest, and resumed, still coldly and sadly:— "Mr. Mayor, six weeks ago, in consequence of the scene over that woman, I was furious, and I informed against you."
"Informed against me!"
"At the Prefecture of Police in Paris."
M. Madeleine, who was not in the habit of laughing much oftener than Javert himself, burst out laughing now:— "As a mayor who had encroached on the province of the police?"
"As an ex-convict."
The mayor turned livid.
Javert, who had not raised his eyes, went on:— "I thought it was so. I had had an idea for a long time; a resemblance; inquiries which you had caused to be made at Faverolles; the strength of your loins; the adventure with old Fauchelevant; your skill in marksmanship; your leg, which you drag a little;—I hardly know what all,—absurdities! But, at all events, I took you for a certain Jean Valjean."
"A certain—What did you say the name was?"
"Jean Valjean. He was a convict whom I was in the habit of seeing twenty years ago, when I was adjutant-guard of convicts at Toulon. On leaving the galleys, this Jean Valjean, as it appears, robbed a bishop; then he committed another theft, accompanied with violence, on a public highway on the person of a little Savoyard. He disappeared eight years ago, no one knows how, and he has been sought, I fancied. In short, I did this thing! Wrath impelled me; I denounced you at the Prefecture!" M. Madeleine, who had taken up the docket again several moments before this, resumed with an air of perfect indifference:—
"And what reply did you receive?"
"That I was mad."
"Well?"
"Well, they were right."
"It is lucky that you recognize the fact."
"I am forced to do so, since the real Jean Valjean has been found."
The sheet of paper which M. Madeleine was holding dropped from his hand; he raised his head, gazed fixedly at Javert, and said with his indescribable accent:—
"Ah!"
Javert continued:—
"This is the way it is, Mr. Mayor. It seems that there was in the neighborhood near Ailly-le-Haut-Clocher an old fellow who was called Father Champmathieu. He was a very wretched creature. No one paid any attention to him. No one knows what such people subsist on. Lately, last autumn, Father Champmathieu was arrested for the theft of some cider apples from—Well, no matter, a theft had been committed, a wall scaled, branches of trees broken. My Champmathieu was arrested. He still had the branch of apple-tree in his hand. The scamp is locked up. Up to this point it was merely an affair of a misdemeanor. But here is where
Providence intervened.
"The jail being in a bad condition, the examining magistrate finds it convenient to transfer Champmathieu to Arras, where the departmental prison is situated. In this prison at Arras there is an ex-convict named Brevet, who is detained for I know not what, and who has been appointed turnkey of the house, because of good behavior. Mr. Mayor, no sooner had Champmathieu arrived than Brevet exclaims: 'Eh! Why, I know that man! He is a fagot! Take a good look at me, my good man! You are Jean Valjean!' 'Jean Valjean! who's Jean Valjean?' Champmathieu feigns astonishment. 'Don't play the innocent dodge,' says Brevet. 'You are Jean Valjean! You have been in the galleys of Toulon; it was twenty years ago; we were there together.' Champmathieu denies it. Parbleu! You understand. The case is investigated. The thing was well ventilated for me. This is what they discovered: This Champmathieu had been, thirty years ago, a pruner of trees in various localities, notably at Faverolles. There all trace of him was lost. A long time afterwards he was seen again in Auvergne; then in Paris, where he is said to have been a wheelwright, and to have had a daughter, who was a laundress; but that has not been proved. Now, before going to the galleys for theft, what was Jean Valjean? A pruner of trees. Where? At Faverolles. Another fact. This Valjean's Christian name was Jean, and his mother's surname was Mathieu. What more natural to suppose than that, on emerging from the galleys, he should have taken his mother's name for the purpose of concealing himself, and have called himself Jean Mathieu? He goes to Auvergne. The local pronunciation turns Jean into Chan—he is called Chan Mathieu. Our man offers no opposition, and behold him transformed into Champmathieu. You follow me, do you not? Inquiries were made at Faverolles. The family of Jean Valjean is no longer there. It is not known where they have gone. You know that among those classes a family often disappears. Search was made, and nothing was found. When such people are not mud, they are dust. And then, as the beginning of the story dates thirty years back, there is no longer any one at Faverolles who knew Jean Valjean. Inquiries were made at Toulon. Besides Brevet, there are only two convicts in existence who have seen Jean Valjean; they are Cochepaille and Chenildieu, and are sentenced for life. They are taken from the galleys and confronted with the pretended Champmathieu. They do not hesitate; he is Jean Valjean for them as well as for Brevet. The same age,—he is fifty-four,—the same height, the same air, the same man; in short, it is he. It was precisely at this moment that I forwarded my denunciation to the Prefecture in Paris. I was told that I had lost my reason, and that Jean Valjean is at Arras, in the power of the authorities. You can imagine whether this surprised me, when I thought that I had that same Jean Valjean here. I write to the examining judge; he sends for me; Champmathieu is conducted to me—"
"Well?" interposed M. Madeleine.
Javert replied, his face incorruptible, and as melancholy as ever:—
"Mr. Mayor, the truth is the truth. I am sorry; but that man is Jean Valjean. I recognized him also."
M. Madeleine resumed in, a very low voice:—
"You are sure?"
Javert began to laugh, with that mournful laugh which comes from profound conviction.
"O! Sure!"
He stood there thoughtfully for a moment, mechanically taking pinches of powdered wood for blotting ink from the wooden bowl which stood on the table, and he added:—
"And even now that I have seen the real Jean Valjean, I do not see how I could have thought otherwise. I beg your pardon, Mr. Mayor."
Javert, as he addressed these grave and supplicating words to the man, who six weeks before had humiliated him in the presence of the whole station-house, and bade him "leave the room,"—Javert, that haughty man, was unconsciously full of simplicity and dignity,—M. Madeleine made no other reply to his prayer than the abrupt question:—
"And what does this man say?"
"Ah! Indeed, Mr. Mayor, it's a bad business. If he is Jean Valjean, he has his previous conviction against him. To climb a wall, to break a branch, to purloin apples, is a mischievous trick in a child; for a man it is a misdemeanor; for a convict it is a crime. Robbing and housebreaking—it is all there. It is no longer a question of correctional police; it is a matter for the Court of Assizes. It is no longer a matter of a few days in prison; it is the galleys for life. And then, there is the affair with the little Savoyard, who will return, I hope. The deuce! there is plenty to dispute in the matter, is there not? Yes, for any one but Jean Valjean. But Jean Valjean is a sly dog. That is the way I recognized him. Any other man would have felt that things were getting hot for him; he would struggle, he would cry out—the kettle sings before the fire; he would not be Jean Valjean, et cetera. But he has not the appearance of understanding; he says, 'I am Champmathieu, and I won't depart from that!' He has an astonished air, he pretends to be stupid; it is far better. Oh! the rogue is clever! But it makes no difference. The proofs are there. He has been recognized by four persons; the old scamp will be condemned. The case has been taken to the Assizes at Arras. I shall go there to give my testimony. I have been summoned."
M. Madeleine had turned to his desk again, and taken up his docket, and was turning over the leaves tranquilly, reading and writing by turns, like a busy man. He turned to Javert:—
"That will do, Javert. In truth, all these details interest me but little. We are wasting our time, and we have pressing business on hand. Javert, you will betake yourself at once to the house of the woman Buseaupied, who sells herbs at the corner of the Rue Saint-Saulve. You will tell her that she must enter her complaint against carter Pierre Chesnelong. The man is a brute, who came near crushing this woman and her child. He must be punished. You will then go to M. Charcellay, Rue Montre-de-Champigny. He complained that there is a gutter on the adjoining house which discharges rain-water on his premises, and is undermining the foundations of his house. After that, you will verify the infractions of police regulations which have been reported to me in the Rue Guibourg, at Widow Doris's, and Rue du Garraud-Blanc, at Madame Renee le Bosse's, and you will prepare documents. But I am giving you a great deal of work. Are you not to be absent? Did you not tell me that you were going to Arras on that matter in a week or ten days?"
"Sooner than that, Mr. Mayor."
"On what day, then?"
"Why, I thought that I had said to Monsieur le Maire that the case was to be tried to-morrow, and that I am to set out by diligence to-night."
M. Madeleine made an imperceptible movement.
"And how long will the case last?"
"One day, at the most. The judgment will be pronounced to-morrow evening at latest. But I shall not wait for the sentence, which is certain; I shall return here as soon as my deposition has been taken."
"That is well," said M. Madeleine.
And he dismissed Javert with a wave of the hand.
Javert did not withdraw.
"Excuse me, Mr. Mayor," said he.
"What is it now?" demanded M. Madeleine.
"Mr. Mayor, there is still something of which I must remind you."
"What is it?"
"That I must be dismissed."
M. Madeleine rose.
"Javert, you are a man of honor, and I esteem you. You exaggerate your fault. Moreover, this is an offence which concerns me. Javert, you deserve promotion instead of degradation. I wish you to retain your post."
Javert gazed at M. Madeleine with his candid eyes, in whose depths his not very enlightened but pure and rigid conscience seemed visible, and said in a tranquil voice:—
"Mr. Mayor, I cannot grant you that."
"I repeat," replied M. Madeleine, "that the matter concerns me."
But Javert, heeding his own thought only, continued:— "So far as exaggeration is concerned, I am not exaggerating. This is the way I reason: I have suspected you unjustly. That is nothing. It is our right to cherish suspicion, although suspicion directed above ourselves is an abuse. But without proofs, in a fit of rage, with the object of wreaking my vengeance, I have denounced you as a convict, you, a respectable man, a mayor, a magistrate! That is serious, very serious. I have insulted authority in your person, I, an agent of the authorities! If one of my subordinates had done what I have done, I should have declared him unworthy of the service, and have expelled him. Well? Stop, Mr. Mayor; one word more. I have often been severe in the course of my life towards others. That is just. I have done well. Now, if I were not severe towards myself, all the justice that I have done would become injustice. Ought I to spare myself more than others? No! What! I should be good for nothing but to chastise others, and not myself! Why, I should be a blackguard! Those who say, 'That blackguard of a Javert!' would be in the right. Mr. Mayor, I do not desire that you should treat me kindly; your kindness roused sufficient bad blood in me when it was directed to others. I want none of it for myself. The kindness which consists in upholding a woman of the town against a citizen, the police agent against the mayor, the man who is down against the man who is up in the world, is what I call false kindness. That is the sort of kindness which disorganizes society. Good God! it is very easy to be kind; the difficulty lies in being just. Come! if you had been what I thought you, I should not have been kind to you, not I! You would have seen! Mr. Mayor, I must treat myself as I would treat any other man. When I have subdued malefactors, when I have proceeded with vigor against rascals, I have often said to myself, 'If you flinch, if I ever catch you in fault, you may rest at your ease!' I have flinched, I have caught myself in a fault. So much the worse! Come, discharged, cashiered, expelled! That is well. I have arms. I will till the soil; it makes no difference to me. Mr. Mayor, the good of the service demands an example. I simply require the discharge of Inspector Javert."
All this was uttered in a proud, humble, despairing, yet convinced tone, which lent indescribable grandeur to this singular, honest man.
"We shall see," said M. Madeleine.
And he offered him his hand.
Javert recoiled, and said in a wild voice:—
"Excuse me, Mr. Mayor, but this must not be. A mayor does not offer his hand to a police spy."
He added between his teeth:— "A police spy, yes; from the moment when I have misused the police. I am no more than a police spy."
Then he bowed profoundly, and directed his steps towards the door.
There he wheeled round, and with eyes still downcast:—
"Mr. Mayor," he said, "I shall continue to serve until I am superseded."
He withdrew. M. Madeleine remained thoughtfully listening to the firm, sure step, which died away on the pavement of the corridor.
Translation notes
Textual notes
fagot
An ex-convict.[1]
Citations
- ↑ Hugo, Victor. Les Misérables. Complete in Five Volumes. Trans. Isabel F Hapgood. Project Gutenberg eBook, 2008.