Volume 5/Book 1/Chapter 24

From Les Misérables Annotation Project
< Volume 5/Book 1
Revision as of 16:31, 4 March 2014 by Human-ithink (talk | contribs) (Created page with "Les Misérables, Volume 5: Jean Valjean, Book First: The War Between Four Walls, Chapter 24: Prisoner<br /> (Tome 5: Jean Valjean, Livre premier: La guerre entre quatre ...")
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to: navigation, search

Les Misérables, Volume 5: Jean Valjean, Book First: The War Between Four Walls, Chapter 24: Prisoner
(Tome 5: Jean Valjean, Livre premier: La guerre entre quatre murs, Chapitre 24: Prisonnier)

General notes on this chapter

French text

Marius était prisonnier en effet. Prisonnier de Jean Valjean.

La main qui l'avait étreint par derrière au moment où il tombait, et dont, en perdant connaissance, il avait senti le saisissement, était celle de Jean Valjean.

Jean Valjean n'avait pris au combat d'autre part que de s'y exposer. Sans lui, à cette phase suprême de l'agonie, personne n'eût songé aux blessés. Grâce à lui, partout présent dans le carnage comme une providence, ceux qui tombaient étaient relevés, transportés dans la salle basse, et pansés. Dans les intervalles, il réparait la barricade. Mais rien qui pût ressembler à un coup, à une attaque, ou même à une défense personnelle, ne sortit de ses mains. Il se taisait et secourait. Du reste, il avait à peine quelques égratignures. Les balles n'avaient pas voulu de lui. Si le suicide faisait partie de ce qu'il avait rêvé en venant dans ce sépulcre, de ce côté-là il n'avait point réussi. Mais nous doutons qu'il eût songé au suicide, acte irréligieux.

Jean Valjean, dans la nuée épaisse du combat, n'avait pas l'air de voir Marius; le fait est qu'il ne le quittait pas des yeux. Quand un coup de feu renversa Marius, Jean Valjean bondit avec une agilité de tigre, s'abattit sur lui comme sur une proie, et l'emporta.

Le tourbillon de l'attaque était en cet instant-là si violemment concentré sur Enjolras et sur la porte du cabaret que personne ne vit Jean Valjean, soutenant dans ses bras Marius évanoui, traverser le champ dépavé de la barricade et disparaître derrière l'angle de la maison de Corinthe.

On se rappelle cet angle qui faisait une sorte de cap dans la rue; il garantissait des balles et de la mitraille, et des regards aussi, quelques pieds carrés de terrain. Il y a ainsi parfois dans les incendies une chambre qui ne brûle point, et dans les mers les plus furieuses, en deçà d'un promontoire ou au fond d'un cul-de-sac d'écueils, un petit coin tranquille. C'était dans cette espèce de repli du trapèze intérieur de la barricade qu'Éponine avait agonisé.

Là Jean Valjean s'arrêta, il laissa glisser à terre Marius, s'adossa au mur et jeta les yeux autour de lui.

La situation était épouvantable.

Pour l'instant, pour deux ou trois minutes peut-être, ce pan de muraille était un abri; mais comment sortir de ce massacre? Il se rappelait l'angoisse où il s'était trouvé rue Polonceau, huit ans auparavant, et de quelle façon il était parvenu à s'échapper; c'était difficile alors, aujourd'hui c'était impossible. Il avait devant lui cette implacable et sourde maison à six étages qui ne semblait habitée que par l'homme mort penché à sa fenêtre; il avait à sa droite la barricade assez basse qui fermait la Petite-Truanderie; enjamber cet obstacle paraissait facile, mais on voyait au-dessus de la crête du barrage une rangée de pointes de bayonnettes. C'était la troupe de ligne, postée au delà de cette barricade, et aux aguets. Il était évident que franchir la barricade c'était aller chercher un feu de peloton, et que toute tête qui se risquerait à dépasser le haut de la muraille de pavés servirait de cible à soixante coups de fusil. Il avait à sa gauche le champ du combat. La mort était derrière l'angle du mur.

Que faire?

Un oiseau seul eût pu se tirer de là.

Et il fallait se décider sur-le-champ, trouver un expédient, prendre un parti. On se battait à quelques pas de lui; par bonheur tous s'acharnaient sur un point unique, sur la porte du cabaret; mais qu'un soldat, un seul, eût l'idée de tourner la maison, ou de l'attaquer en flanc, tout était fini.

Jean Valjean regarda la maison en face de lui, il regarda la barricade à côté de lui, puis il regarda la terre, avec la violence de l'extrémité suprême, éperdu, et comme s'il eût voulu y faire un trou avec ses yeux.

À force de regarder, on ne sait quoi de vaguement saisissable dans une telle agonie se dessina et prit forme à ses pieds, comme si c'était une puissance du regard de faire éclore la chose demandée. Il aperçut à quelques pas de lui, au bas du petit barrage si impitoyablement gardé et guetté au dehors, sous un écroulement de pavés qui la cachait en partie, une grille de fer posée à plat et de niveau avec le sol. Cette grille, faite de forts barreaux transversaux, avait environ deux pieds carrés. L'encadrement de pavés qui la maintenait avait été arraché, et elle était comme descellée. À travers les barreaux on entrevoyait une ouverture obscure, quelque chose de pareil au conduit d'une cheminée ou au cylindre d'une citerne. Jean Valjean s'élança. Sa vieille science des évasions lui monta au cerveau comme une clarté. Écarter les pavés, soulever la grille, charger sur ses épaules Marius inerte comme un corps mort, descendre, avec ce fardeau sur les reins, en s'aidant des coudes et des genoux, dans cette espèce de puits heureusement peu profond, laisser retomber au-dessus de sa tête la lourde trappe de fer sur laquelle les pavés ébranlés croulèrent de nouveau, prendre pied sur une surface dallée à trois mètres au-dessous du sol, cela fut exécuté comme ce qu'on fait dans le délire, avec une force de géant et une rapidité d'aigle; cela dura quelques minutes à peine.

Jean Valjean se trouva, avec Marius toujours évanoui, dans une sorte de long corridor souterrain.

Là, paix profonde, silence absolu, nuit.

L'impression qu'il avait autrefois éprouvée en tombant de la rue dans le couvent, lui revint. Seulement, ce qu'il emportait aujourd'hui, ce n'était plus Cosette; c'était Marius.

C'est à peine maintenant s'il entendait au-dessus de lui, comme un vague murmure, le formidable tumulte du cabaret pris d'assaut.

English text

Marius was, in fact, a prisoner.

The hand which had seized him from behind and whose grasp he had felt at the moment of his fall and his loss of consciousness was that of Jean Valjean.

Jean Valjean had taken no other part in the combat than to expose himself in it. Had it not been for him, no one, in that supreme phase of agony, would have thought of the wounded. Thanks to him, everywhere present in the carnage, like a providence, those who fell were picked up, transported to the tap-room, and cared for. In the intervals, he reappeared on the barricade. But nothing which could resemble a blow, an attack or even personal defence proceeded from his hands. He held his peace and lent succor. Moreover he had received only a few scratches. The bullets would have none of him. If suicide formed part of what he had meditated on coming to this sepulchre, to that spot, he had not succeeded. But we doubt whether he had thought of suicide, an irreligious act.

Jean Valjean, in the thick cloud of the combat, did not appear to see Marius; the truth is, that he never took his eyes from the latter. When a shot laid Marius low, Jean Valjean leaped forward with the agility of a tiger, fell upon him as on his prey, and bore him off.

The whirlwind of the attack was, at that moment, so violently concentrated upon Enjolras and upon the door of the wine-shop, that no one saw Jean Valjean sustaining the fainting Marius in his arms, traverse the unpaved field of the barricade and disappear behind the angle of the Corinthe building.

The reader will recall this angle which formed a sort of cape on the street; it afforded shelter from the bullets, the grape-shot, and all eyes, and a few square feet of space. There is sometimes a chamber which does not burn in the midst of a conflagration, and in the midst of raging seas, beyond a promontory or at the extremity of a blind alley of shoals, a tranquil nook. It was in this sort of fold in the interior trapezium of the barricade, that Eponine had breathed her last.

There Jean Valjean halted, let Marius slide to the ground, placed his back against the wall, and cast his eyes about him.

The situation was alarming.

For an instant, for two or three perhaps, this bit of wall was a shelter, but how was he to escape from this massacre? He recalled the anguish which he had suffered in the Rue Polonceau eight years before, and in what manner he had contrived to make his escape; it was difficult then, to-day it was impossible. He had before him that deaf and implacable house, six stories in height, which appeared to be inhabited only by a dead man leaning out of his window; he had on his right the rather low barricade, which shut off the Rue de la Petite Truanderie; to pass this obstacle seemed easy, but beyond the crest of the barrier a line of bayonets was visible. The troops of the line were posted on the watch behind that barricade. It was evident, that to pass the barricade was to go in quest of the fire of the platoon, and that any head which should run the risk of lifting itself above the top of that wall of stones would serve as a target for sixty shots. On his left he had the field of battle. Death lurked round the corner of that wall.

What was to be done?

Only a bird could have extricated itself from this predicament.

And it was necessary to decide on the instant, to devise some expedient, to come to some decision. Fighting was going on a few paces away; fortunately, all were raging around a single point, the door of the wine-shop; but if it should occur to one soldier, to one single soldier, to turn the corner of the house, or to attack him on the flank, all was over.

Jean Valjean gazed at the house facing him, he gazed at the barricade at one side of him, then he looked at the ground, with the violence of the last extremity, bewildered, and as though he would have liked to pierce a hole there with his eyes.

By dint of staring, something vaguely striking in such an agony began to assume form and outline at his feet, as though it had been a power of glance which made the thing desired unfold. A few paces distant he perceived, at the base of the small barrier so pitilessly guarded and watched on the exterior, beneath a disordered mass of paving-stones which partly concealed it, an iron grating, placed flat and on a level with the soil. This grating, made of stout, transverse bars, was about two feet square. The frame of paving-stones which supported it had been torn up, and it was, as it were, unfastened.

Through the bars a view could be had of a dark aperture, something like the flue of a chimney, or the pipe of a cistern. Jean Valjean darted forward. His old art of escape rose to his brain like an illumination. To thrust aside the stones, to raise the grating, to lift Marius, who was as inert as a dead body, upon his shoulders, to descend, with this burden on his loins, and with the aid of his elbows and knees into that sort of well, fortunately not very deep, to let the heavy trap, upon which the loosened stones rolled down afresh, fall into its place behind him, to gain his footing on a flagged surface three metres below the surface,—all this was executed like that which one does in dreams, with the strength of a giant and the rapidity of an eagle; this took only a few minutes.

Jean Valjean found himself with Marius, who was still unconscious, in a sort of long, subterranean corridor.

There reigned profound peace, absolute silence, night.

The impression which he had formerly experienced when falling from the wall into the convent recurred to him. Only, what he was carrying to-day was not Cosette; it was Marius. He could barely hear the formidable tumult in the wine-shop, taken by assault, like a vague murmur overhead.

Translation notes

Textual notes

Citations