Volume 4/Book 1/Chapter 2

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Les Misérables, Volume 4: The Idyll of the Rue Plumet & The Epic of the Rue Saint-Denis, Book First: A Few Pages of History, Chapter 2: Badly Sewed
(Tome 4: L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis, Livre premier: Quelques pages d'histoire, Chapitre 2: Mal cousu)

General notes on this chapter

French text

Mais autre est le travail des sages, autre est le travail des habiles.

La révolution de 1830 s'était vite arrêtée.

Sitôt qu'une révolution a fait côte, les habiles dépècent l'échouement.

Les habiles, dans notre siècle, se sont décerné à eux-mêmes la qualification d'hommes d'État; si bien que ce mot, homme d'État, a fini par être un peu un mot d'argot. Qu'on ne l'oublie pas en effet, là où il n'y a qu'habileté, il y a nécessairement petitesse. Dire: les habiles, cela revient à dire: les médiocres.

De même que dire: les hommes d'État, cela équivaut quelquefois à dire: les traîtres.

À en croire les habiles donc, les révolutions comme la Révolution de Juillet sont des artères coupées; il faut une prompte ligature. Le droit, trop grandement proclamé, ébranle. Aussi, une fois le droit affirmé, il faut raffermir l'État. La liberté assurée, il faut songer au pouvoir.

Ici les sages ne se séparent pas encore des habiles, mais ils commencent à se défier. Le pouvoir, soit. Mais, premièrement, qu'est-ce que le pouvoir? deuxièmement, d'où vient-il?

Les habiles semblent ne pas entendre l'objection murmurée, et ils continuent leur manœuvre.

Selon ces politiques, ingénieux à mettre aux fictions profitables un masque de nécessité, le premier besoin d'un peuple après une révolution, quand ce peuple fait partie d'un continent monarchique, c'est de se procurer une dynastie. De cette façon, disent-ils, il peut avoir la paix après sa révolution, c'est-à-dire le temps de panser ses plaies et de réparer sa maison. La dynastie cache l'échafaudage et couvre l'ambulance.

Or, il n'est pas toujours facile de se procurer une dynastie.

À la rigueur, le premier homme de génie ou même le premier homme de fortune venu suffit pour faire un roi. Vous avez dans le premier cas Bonaparte et dans le second Iturbide.

Mais la première famille venue ne suffit pas pour faire une dynastie. Il y a nécessairement une certaine quantité d'ancienneté dans une race, et la ride des siècles ne s'improvise pas.

Si l'on se place au point de vue des «hommes d'État», sous toutes réserves, bien entendu, après une révolution, quelles sont les qualités du roi qui en sort? Il peut être et il est utile qu'il soit révolutionnaire, c'est-à-dire participant de sa personne à cette révolution, qu'il y ait mis la main, qu'il s'y soit compromis ou illustré, qu'il en ait touché la hache ou manié l'épée.

Quelles sont les qualités d'une dynastie? Elle doit être nationale, c'est-à-dire révolutionnaire à distance, non par des actes commis, mais par les idées acceptées. Elle doit se composer de passé et être historique, se composer d'avenir et être sympathique.

Tout ceci explique pourquoi les premières révolutions se contentent de trouver un homme, Cromwell ou Napoléon; et pourquoi les deuxièmes veulent absolument trouver une famille, la maison de Brunswick ou la maison d'Orléans.

Les maisons royales ressemblent à ces figuiers de l'Inde dont chaque rameau, en se courbant jusqu'à terre, y prend racine et devient un figuier. Chaque branche peut devenir une dynastie. À la seule condition de se courber jusqu'au peuple.

Telle est la théorie des habiles.

Voici donc le grand art: faire un peu rendre à un succès le son d'une catastrophe afin que ceux qui en profitent en tremblent aussi, assaisonner de peur un pas de fait, augmenter la courbe de la transition jusqu'au ralentissement du progrès, affadir cette aurore, dénoncer et retrancher les âpretés de l'enthousiasme, couper les angles et les ongles, ouater le triomphe, emmitoufler le droit, envelopper le géant peuple de flanelle et le coucher bien vite, imposer la diète à cet excès de santé, mettre Hercule en traitement de convalescence, délayer l'événement dans l'expédient, offrir aux esprits altérés d'idéal ce nectar étendu de tisane, prendre ses précautions contre le trop de réussite, garnir la révolution d'un abat-jour.

1830 pratiqua cette théorie, déjà appliquée à l'Angleterre par 1688.

1830 est une révolution arrêtée à mi-côte. Moitié de progrès; quasi-droit. Or la logique ignore l'à peu près; absolument comme le soleil ignore la chandelle.

Qui arrête les révolutions à mi-côte? La bourgeoisie.

Pourquoi?

Parce que la bourgeoisie est l'intérêt arrivé à satisfaction. Hier c'était l'appétit, aujourd'hui c'est la plénitude, demain ce sera la satiété.

Le phénomène de 1814 après Napoléon se reproduisit en 1830 après Charles X.

On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une classe. La bourgeoisie est tout simplement la portion contentée du peuple. Le bourgeois, c'est l'homme qui a maintenant le temps de s'asseoir. Une chaise n'est pas une caste.

Mais, pour vouloir s'asseoir trop tôt, on peut arrêter la marche même du genre humain. Cela a été souvent la faute de la bourgeoisie.

On n'est pas une classe parce qu'on fait une faute. L'égoïsme n'est pas une des divisions de l'ordre social.

Du reste, il faut être juste même envers l'égoïsme, l'état auquel aspirait, après la secousse de 1830, cette partie de la nation qu'on nomme la bourgeoisie, ce n'était pas l'inertie, qui se complique d'indifférence et de paresse et qui contient un peu de honte, ce n'était pas le sommeil, qui suppose un oubli momentané accessible aux songes; c'était la halte.

La halte est un mot formé d'un double sens singulier et presque contradictoire: troupe en marche, c'est-à-dire mouvement; station, c'est-à-dire repos.

La halte, c'est la réparation des forces; c'est le repos armé et éveillé; c'est le fait accompli qui pose des sentinelles et se tient sur ses gardes. La halte suppose le combat hier et le combat demain.

C'est l'entre-deux de 1830 et de 1848.

Ce que nous appelons ici combat peut aussi s'appeler progrès.

Il fallait donc à la bourgeoisie, comme aux hommes d'État, un homme qui exprimait ce mot: halte. Un Quoique Parce que. Une individualité composite, signifiant révolution et signifiant stabilité, en d'autres termes affermissant le présent par la compatibilité évidente du passé avec l'avenir.

Cet homme était «tout trouvé». Il s'appelait Louis-Philippe d'Orléans.

Les 221 firent Louis-Philippe roi. Lafayette se chargea du sacre. Il le nomma la meilleure des républiques. L'hôtel de ville de Paris remplaça la cathédrale de Reims.

Cette substitution d'un demi-trône au trône complet fut «l'œuvre de 1830».

Quand les habiles eurent fini, le vice immense de leur solution apparut. Tout cela était fait en dehors du droit absolu. Le droit absolu cria: Je proteste! puis, chose redoutable, il rentra dans l'ombre.

English text

But the task of sages is one thing, the task of clever men is another. The Revolution of 1830 came to a sudden halt.

As soon as a revolution has made the coast, the skilful make haste to prepare the shipwreck.

The skilful in our century have conferred on themselves the title of Statesmen; so that this word, statesmen, has ended by becoming somewhat of a slang word. It must be borne in mind, in fact, that wherever there is nothing but skill, there is necessarily pettiness. To say "the skilful" amounts to saying "the mediocre."

In the same way, to say "statesmen" is sometimes equivalent to saying "traitors." If, then, we are to believe the skilful, revolutions like the Revolution of July are severed arteries; a prompt ligature is indispensable. The right, too grandly proclaimed, is shaken. Also, right once firmly fixed, the state must be strengthened. Liberty once assured, attention must be directed to power.

Here the sages are not, as yet, separated from the skilful, but they begin to be distrustful. Power, very good. But, in the first place, what is power? In the second, whence comes it? The skilful do not seem to hear the murmured objection, and they continue their manoeuvres.

According to the politicians, who are ingenious in putting the mask of necessity on profitable fictions, the first requirement of a people after a revolution, when this people forms part of a monarchical continent, is to procure for itself a dynasty. In this way, say they, peace, that is to say, time to dress our wounds, and to repair the house, can be had after a revolution. The dynasty conceals the scaffolding and covers the ambulance. Now, it is not always easy to procure a dynasty.

If it is absolutely necessary, the first man of genius or even the first man of fortune who comes to hand suffices for the manufacturing of a king. You have, in the first case, Napoleon; in the second, Iturbide.

But the first family that comes to hand does not suffice to make a dynasty. There is necessarily required a certain modicum of antiquity in a race, and the wrinkle of the centuries cannot be improvised.

If we place ourselves at the point of view of the "statesmen," after making all allowances, of course, after a revolution, what are the qualities of the king which result from it? He may be and it is useful for him to be a revolutionary; that is to say, a participant in his own person in that revolution, that he should have lent a hand to it, that he should have either compromised or distinguished himself therein, that he should have touched the axe or wielded the sword in it.

What are the qualities of a dynasty? It should be national; that is to say, revolutionary at a distance, not through acts committed, but by reason of ideas accepted. It should be composed of past and be historic; be composed of future and be sympathetic.

All this explains why the early revolutions contented themselves with finding a man, Cromwell or Napoleon; and why the second absolutely insisted on finding a family, the House of Brunswick or the House of Orleans.

Royal houses resemble those Indian fig-trees, each branch of which, bending over to the earth, takes root and becomes a fig-tree itself. Each branch may become a dynasty. On the sole condition that it shall bend down to the people.

Such is the theory of the skilful.

Here, then, lies the great art: to make a little render to success the sound of a catastrophe in order that those who profit by it may tremble from it also, to season with fear every step that is taken, to augment the curve of the transition to the point of retarding progress, to dull that aurora, to denounce and retrench the harshness of enthusiasm, to cut all angles and nails, to wad triumph, to muffle up right, to envelop the giant-people in flannel, and to put it to bed very speedily, to impose a diet on that excess of health, to put Hercules on the treatment of a convalescent, to dilute the event with the expedient, to offer to spirits thirsting for the ideal that nectar thinned out with a potion, to take one's precautions against too much success, to garnish the revolution with a shade.

1830 practised this theory, already applied to England by 1688.

1830 is a revolution arrested midway. Half of progress, quasi-right. Now, logic knows not the "almost," absolutely as the sun knows not the candle.

Who arrests revolutions half-way? The bourgeoisie?

Why?

Because the bourgeoisie is interest which has reached satisfaction. Yesterday it was appetite, to-day it is plenitude, to-morrow it will be satiety.

The phenomenon of 1814 after Napoleon was reproduced in 1830 after Charles X.

The attempt has been made, and wrongly, to make a class of the bourgeoisie. The bourgeoisie is simply the contented portion of the people. The bourgeois is the man who now has time to sit down. A chair is not a caste.

But through a desire to sit down too soon, one may arrest the very march of the human race. This has often been the fault of the bourgeoisie.

One is not a class because one has committed a fault. Selfishness is not one of the divisions of the social order.

Moreover, we must be just to selfishness. The state to which that part of the nation which is called the bourgeoisie aspired after the shock of 1830 was not the inertia which is complicated with indifference and laziness, and which contains a little shame; it was not the slumber which presupposes a momentary forgetfulness accessible to dreams; it was the halt.

The halt is a word formed of a singular double and almost contradictory sense: a troop on the march, that is to say, movement; a stand, that is to say, repose.

The halt is the restoration of forces; it is repose armed and on the alert; it is the accomplished fact which posts sentinels and holds itself on its guard.

The halt presupposes the combat of yesterday and the combat of to-morrow.

It is the partition between 1830 and 1848.

What we here call combat may also be designated as progress.

The bourgeoisie then, as well as the statesmen, required a man who should express this word Halt. An Although-Because. A composite individuality, signifying revolution and signifying stability, in other terms, strengthening the present by the evident compatibility of the past with the future.

This man was "already found." His name was Louis Philippe d'Orleans.

The 221 made Louis Philippe King. Lafayette undertook the coronation.

He called it the best of republics. The town-hall of Paris took the place of the Cathedral of Rheims.

This substitution of a half-throne for a whole throne was "the work of 1830."

When the skilful had finished, the immense vice of their solution became apparent. All this had been accomplished outside the bounds of absolute right. Absolute right cried: "I protest!" then, terrible to say, it retired into the darkness.

Translation notes

Textual notes

Citations