Volume 4/Book 6/Chapter 2

From Les Misérables Annotation Project
< Volume 4/Book 6
Revision as of 17:18, 7 January 2018 by Juandelfrio (talk | contribs) (Keksekça? and Kekçaa? (direct-from-speech transliteration))
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to: navigation, search

Les Misérables, Volume 4: The Idyll of the Rue Plumet & The Epic of the Rue Saint-Denis, Book Sixth: Little Gavroche, Chapter 2: In which Little Gavroche extracts Profit from Napoleon the Great
(Tome 4: L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis, Livre sixième: Le petit Gavroche, Chapitre 2: Où le petit Gavroche tire parti de Napoléon le Grand)

General notes on this chapter[edit]

French text[edit]

Le printemps à Paris est assez souvent traversé par des bises aigres et dures dont on est, non pas précisément glacé, mais gelé; ces bises, qui attristent les plus belles journées, font exactement l'effet de ces souffles d'air froid qui entrent dans une chambre chaude par les fentes d'une fenêtre ou d'une porte mal fermée. Il semble que la sombre porte de l'hiver soit restée entrebâillée et qu'il vienne du vent par là. Au printemps de 1832, époque où éclata la première grande épidémie de ce siècle en Europe, ces bises étaient plus âpres et plus poignantes que jamais. C'était une porte plus glaciale encore que celle de l'hiver qui était entr'ouverte. C'était la porte du sépulcre. On sentait dans ces bises le souffle du choléra.


Au point de vue météorologique, ces vents froids avaient cela de particulier qu'ils n'excluaient point une forte tension électrique. De fréquents orages, accompagnés d'éclairs et de tonnerres, éclatèrent à cette époque.


Un soir que ces bises soufflaient rudement, au point que janvier semblait revenu et que les bourgeois avaient repris les manteaux, le petit Gavroche, toujours grelottant gaîment sous ses loques, se tenait debout et comme en extase devant la boutique d'un perruquier des environs de l'Orme-Saint-Gervais. Il était orné d'un châle de femme en laine, cueilli on ne sait où, dont il s'était fait un cache-nez. Le petit Gavroche avait l'air d'admirer profondément une mariée en cire, décolletée et coiffée de fleurs d'oranger, qui tournait derrière la vitre, montrant, entre deux quinquets, son sourire aux passants; mais en réalité il observait la boutique afin de voir s'il ne pourrait pas «chiper» dans la devanture un pain de savon, qu'il irait ensuite revendre un sou à un «coiffeur» de la banlieue. Il lui arrivait souvent de déjeuner d'un de ces pains-là. Il appelait ce genre de travail, pour lequel il avait du talent, «faire la barbe aux barbiers».


Tout en contemplant la mariée et tout en lorgnant le pain de savon, il grommelait entre ces dents ceci:—Mardi.—Ce n'est pas mardi.—Est-ce mardi?—C'est peut-être mardi.—Oui, c'est mardi.


On n'a jamais su à quoi avait trait ce monologue.


Si, par hasard, ce monologue se rapportait à la dernière fois où il avait dîné, il y avait trois jours, car on était au vendredi.


Le barbier, dans sa boutique chauffée d'un bon poêle, rasait une pratique et jetait de temps en temps un regard de côté à cet ennemi, à ce gamin gelé et effronté qui avait les deux mains dans ses poches, mais l'esprit évidemment hors du fourreau.


Pendant que Gavroche examinait la mariée, le vitrage et les Windsor-soaps, deux enfants de taille inégale, assez proprement vêtus, et encore plus petits que lui, paraissant l'un sept ans, l'autre cinq, tournèrent timidement le bec-de-cane et entrèrent dans la boutique en demandant on ne sait quoi, la charité peut-être, dans un murmure plaintif et qui ressemblait plutôt à un gémissement qu'à une prière. Ils parlaient tous deux à la fois, et leurs paroles étaient inintelligibles parce que les sanglots coupaient la voix du plus jeune et que le froid faisait claquer les dents de l'aîné. Le barbier se tourna avec un visage furieux, et sans quitter son rasoir, refoulant l'aîné de la main gauche et le petit du genou, les poussa tous deux dans la rue, et referma sa porte en disant:


—Venir refroidir le monde pour rien!


Les deux enfants se remirent en marche en pleurant. Cependant une nuée était venue; il commençait à pleuvoir.


Le petit Gavroche courut après eux et les aborda:


—Qu'est-ce que vous avez donc, moutards?


—Nous ne savons pas où coucher, répondit l'aîné.


—C'est ça? dit Gavroche. Voilà grand'chose. Est-ce qu'on pleure pour ça? Sont-ils serins donc!


Et prenant, à travers sa supériorité un peu goguenarde, un accent d'autorité attendrie et de protection douce:


—Momacques, venez avec moi.


—Oui, monsieur, fit l'aîné.


Et les deux enfants le suivirent comme ils auraient suivi un archevêque. Ils avaient cessé de pleurer.


Gavroche leur fit monter la rue Saint-Antoine dans la direction de la Bastille.


Gavroche, tout en cheminant, jeta un coup d'œil indigné et rétrospectif à la boutique du barbier.


—Ça n'a pas de cœur, ce merlan-là, grommela-t-il. C'est un angliche.


Une fille, les voyant marcher à la file tous les trois, Gavroche en tête, partit d'un rire bruyant. Ce rire manquait de respect au groupe.


—Bonjour, mamselle Omnibus, lui dit Gavroche.


Un instant après, le perruquier lui revenant, il ajouta:


—Je me trompe de bête; ce n'est pas un merlan, c'est un serpent. Perruquier, j'irai chercher un serrurier, et je te ferai mettre une sonnette à la queue.


Ce perruquier l'avait rendu agressif. Il apostropha, en enjambant un ruisseau, une portière barbue et digne de rencontrer Faust sur le Brocken, laquelle avait son balai à la main.


—Madame, lui dit-il, vous sortez donc avec votre cheval?


Et sur ce, il éclaboussa les bottes vernies d'un passant.


—Drôle! cria le passant furieux.


Gavroche leva le nez par-dessus son châle.


—Monsieur se plaint?


—De toi! fit le passant.


—Le bureau est fermé, dit Gavroche, je ne reçois plus de plaintes.


Cependant, en continuant de monter la rue, il avisa, toute glacée sous une porte cochère, une mendiante de treize ou quatorze ans, si court-vêtue qu'on voyait ses genoux. La petite commençait à être trop grande fille pour cela. La croissance vous joue de ces tours. La jupe devient courte au moment où la nudité devient indécente.


—Pauvre fille! dit Gavroche. Ça n'a même pas de culotte. Tiens, prends toujours ça.


Et, défaisant toute cette bonne laine qu'il avait autour du cou, il la jeta sur les épaules maigres et violettes de la mendiante, où le cache-nez redevint châle.


La petite le considéra d'un air étonné et reçut le châle en silence. À un certain degré de détresse, le pauvre, dans sa stupeur, ne gémit plus du mal et ne remercie plus du bien.


Cela fait:


—Brrr! dit Gavroche, plus frissonnant que saint Martin, qui, lui du moins, avait gardé la moitié de son manteau.


Sur ce brrr! l'averse, redoublant d'humeur, fit rage. Ces mauvais ciels-là punissent les bonnes actions.


—Ah çà! s'écria Gavroche, qu'est-ce que cela signifie? Il repleut! Bon Dieu, si cela continue, je me désabonne.


Et il se remit en marche.


—C'est égal, reprit-il en jetant un coup d'œil à la mendiante qui se pelotonnait sous le châle, en voilà une qui a une fameuse pelure.


Et, regardant la nuée, il cria:


—Attrapé!


Les deux enfants emboîtaient le pas derrière lui.


Comme ils passaient devant un de ces épais treillis grillés qui indiquent la boutique d'un boulanger, car on met le pain comme l'or derrière des grillages de fer, Gavroche se tourna:


—Ah çà, mômes, avons-nous dîné?


—Monsieur, répondit l'aîné, nous n'avons pas mangé depuis tantôt ce matin.


—Vous êtes donc sans père ni mère? reprit majestueusement Gavroche.


—Faites excuse, monsieur, nous avons papa et maman, mais nous ne savons pas où ils sont.


—Des fois, cela vaut mieux que de le savoir, dit Gavroche qui était un penseur.


—Voilà, continua l'aîné, deux heures que nous marchons, nous avons cherché des choses au coin des bornes, mais nous ne trouvons rien.


—Je sais, fit Gavroche. C'est les chiens qui mangent tout.


Il reprit après un silence:


—Ah! nous avons perdu nos auteurs. Nous ne savons plus ce que nous en avons fait. Ça ne se doit pas, gamins. C'est bête d'égarer comme ça des gens d'âge. Ah çà! il faut licher pourtant.


Du reste il ne leur fit pas de questions. Être sans domicile, quoi de plus simple?


L'aîné des deux mômes, presque entièrement revenu à la prompte insouciance de l'enfance, fit cette exclamation:


—C'est drôle tout de même. Maman qui avait dit qu'elle nous mènerait chercher du buis bénit le dimanche des rameaux.


—Neurs, répondit Gavroche.


—Maman, reprit l'aîné, est une dame qui demeure avec mamselle Miss.


—Tanflûte, repartit Gavroche.


Cependant il s'était arrêté, et depuis quelques minutes il tâtait et fouillait toutes sortes de recoins qu'il avait dans ses haillons.


Enfin il releva la tête d'un air qui ne voulait qu'être satisfait, mais qui était en réalité triomphant.


—Calmons-nous, les momignards. Voici de quoi souper pour trois.


Et il tira d'une de ses poches un sou.


Sans laisser aux deux petits le temps de s'ébahir, il les poussa tous deux devant lui dans la boutique du boulanger, et mit son sou sur le comptoir en criant:


—Garçon! cinque centimes de pain.


Le boulanger, qui était le maître en personne, prit un pain et un couteau.


—En trois morceaux, garçon! reprit Gavroche, et il ajouta avec dignité:


—Nous sommes trois.


Et voyant que le boulanger, après avoir examiné les trois soupeurs, avait pris un pain bis, il plongea profondément son doigt dans son nez avec une aspiration aussi impérieuse que s'il eût eu au bout du pouce la prise de tabac du grand Frédéric, et jeta au boulanger en plein visage cette apostrophe indignée:


—Keksekça?


Ceux de nos lecteurs qui seraient tentés de voir dans cette interpellation de Gavroche au boulanger un mot russe ou polonais, ou l'un de ces cris sauvages que les Yoways et les Botocudos se lancent du bord d'un fleuve à l'autre à travers les solitudes, sont prévenus que c'est un mot qu'ils disent tous les jours (eux nos lecteurs) et qui tient lieu de cette phrase: qu'est-ce que c'est que cela? Le boulanger comprit parfaitement et répondit:


—Eh mais! c'est du pain, du très bon pain de deuxième qualité.


—Vous voulez dire du larton brutal, reprit Gavroche, calme et froidement dédaigneux. Du pain blanc, garçon! du larton savonné! je régale.


Le boulanger ne put s'empêcher de sourire, et tout en coupant le pain blanc, il les considérait d'une façon compatissante qui choqua Gavroche.


—Ah çà, mitron! dit-il, qu'est-ce que vous avez donc à nous toiser comme ça?


Mis tous trois bout à bout, ils auraient fait à peine une toise.


Quand le pain fut coupé, le boulanger encaissa le sou, et Gavroche dit aux deux enfants:


—Morfilez.


Les petits garçons le regardèrent interdits.


Gavroche se mit à rire:


—Ah! tiens, c'est vrai, ça ne sait pas encore, c'est si petit.


Et il reprit:


—Mangez.


En même temps, il leur tendait à chacun un morceau de pain.


Et, pensant que l'aîné, qui lui paraissait plus digne de sa conversation, méritait quelque encouragement spécial et devait être débarrassé de toute hésitation à satisfaire son appétit, il ajouta en lui donnant la plus grosse part:


—Colle-toi ça dans le fusil.


Il y avait un morceau plus petit que les deux autres; il le prit pour lui.


Les pauvres enfants étaient affamés, y compris Gavroche. Tout en arrachant leur pain à belles dents, ils encombraient la boutique du boulanger qui, maintenant qu'il était payé, les regardait avec humeur.


—Rentrons dans la rue, dit Gavroche.


Ils reprirent la direction de la Bastille.


De temps en temps, quand ils passaient devant les devantures de boutiques éclairées, le plus petit s'arrêtait pour regarder l'heure à une montre en plomb suspendue à son cou par une ficelle.


—Voilà décidément un fort serin, disait Gavroche.


Puis, pensif, il grommelait entre ses dents:


—C'est égal, si j'avais des mômes, je les serrerais mieux que ça.


Comme ils achevaient leur morceau de pain et atteignaient l'angle de cette morose rue des Ballets au fond de laquelle on aperçoit le guichet bas et hostile de la Force:


—Tiens, c'est toi, Gavroche? dit quelqu'un.


—Tiens, c'est toi, Montparnasse? dit Gavroche.


C'était un homme qui venait d'aborder le gamin, et cet homme n'était autre que Montparnasse déguisé, avec des besicles bleues, mais reconnaissable pour Gavroche.


—Mâtin, poursuivit Gavroche, tu as une pelure couleur cataplasme de graine de lin et des lunettes bleues comme un médecin. Tu as du style, parole de vieux!


—Chut, fit Montparnasse, pas si haut!


Et il entraîna vivement Gavroche hors de la lumière des boutiques.


Les deux petits suivaient machinalement en se tenant par la main.


Quand ils furent sous l'archivolte noire d'une porte cochère, à l'abri des regards et de la pluie:


—Sais-tu où je vas? demanda Montparnasse.


—À l'abbaye de Monte-à-Regret, dit Gavroche.


—Farceur!


Et Montparnasse reprit:


—Je vas retrouver Babet.


—Ah! fit Gavroche, elle s'appelle Babet.


Montparnasse baissa la voix.


—Pas elle, lui.


—Ah! Babet!


—Oui, Babet.


—Je le croyais bouclé.


—Il a défait la boucle, répondit Montparnasse.


Et il conta rapidement au gamin que, le matin de ce même jour où ils étaient, Babet, ayant été transféré à la Conciergerie, s'était évadé en prenant à gauche au lieu de prendre à droite dans «le corridor de l'instruction».


Gavroche admira l'habileté.


—Quel dentiste! dit-il.


Montparnasse ajouta quelques détails sur l'évasion de Babet, et termina par:


—Oh! ce n'est pas tout.


Gavroche, tout en écoutant, s'était saisi d'une canne que Montparnasse tenait à la main; il en avait machinalement tiré la partie supérieure, et la lame d'un poignard avait apparu.


—Ah! fit-il en repoussant vivement le poignard, tu as emmené ton gendarme déguisé en bourgeois.


Montparnasse cligna de l'œil.


—Fichtre! reprit Gavroche, tu vas donc te colleter avec les cognes?


—On ne sait pas, répondit Montparnasse d'un air indifférent. Il est toujours bon d'avoir une épingle sur soi.


Gavroche insista:


—Qu'est-ce que tu vas donc faire cette nuit?


Montparnasse prit de nouveau la corde grave et dit en mangeant les syllabes:


—Des choses.


Et, changeant brusquement de conversation:


—À propos!


—Quoi?


—Une histoire de l'autre jour. Figure-toi. Je rencontre un bourgeois. Il me fait cadeau d'un sermon et de sa bourse. Je mets ça dans ma poche. Une minute après, je fouille dans ma poche. Il n'y avait plus rien.


—Que le sermon, fit Gavroche.


—Mais toi, reprit Montparnasse, où vas-tu donc maintenant?


Gavroche montra ses deux protégés et dit:


—Je vas coucher ces enfants-là.


—Où ça, coucher?


—Chez moi.


—Où ça chez toi?


—Chez moi.


—Tu loges donc?


—Oui, je loge.


—Et où loges-tu?


—Dans l'éléphant, dit Gavroche.


Montparnasse, quoique de sa nature peu étonné, ne put retenir une exclamation:


—Dans l'éléphant!


—Eh bien oui, dans l'éléphant! repartit Gavroche. Kekçaa?


Ceci est encore un mot de la langue que personne n'écrit et que tout le monde parle. Kekçaa signifie: qu'est-ce que cela a?


L'observation profonde du gamin ramena Montparnasse au calme et au bon sens. Il parut revenir à de meilleurs sentiments pour le logis de Gavroche.


—Au fait! dit-il, oui, l'éléphant. Y est-on bien?


—Très bien, fit Gavroche. Là, vrai, chenûment. Il n'y a pas de vents coulis comme sous les ponts.


—Comment y entres-tu?


—J'entre.


—E y a donc un trou? demanda Montparnasse.


—Parbleu! Mais il ne faut pas le dire. C'est entre les jambes de devant. Les coqueurs ne l'ont pas vu.


—Et tu grimpes? Oui, je comprends.


—Un tour de main, cric, crac, c'est fait, plus personne.


Après un silence, Gavroche ajouta:


—Pour ces petits j'aurai une échelle.


Montparnasse se mit à rire.


—Où diable as-tu pris ces mômes-là?


Gavroche répondit avec simplicité:


—C'est des momichards dont un perruquier m'a fait cadeau.


Cependant Montparnasse était devenu pensif.


—Tu m'as reconnu bien aisément, murmura-t-il.


Il prit dans sa poche deux petits objets qui n'étaient autre chose que deux tuyaux de plume enveloppés de coton et s'en introduisit un dans chaque narine. Ceci lui faisait un autre nez.


—Ça te change, dit Gavroche, tu es moins laid, tu devrais garder toujours ça.


Montparnasse était joli garçon, mais Gavroche était railleur.


—Sans rire, demanda Montparnasse, comment me trouves-tu?


C'était aussi un autre son de voix. En un clin d'œil, Montparnasse était devenu méconnaissable.


—Oh! fais-nous Porrichinelle! s'écria Gavroche.


Les deux petits, qui n'avaient rien écouté jusque-là, occupés qu'ils étaient eux-mêmes à fourrer leurs doigts dans leur nez, s'approchèrent à ce nom et regardèrent Montparnasse avec un commencement de joie et d'admiration.


Malheureusement Montparnasse était soucieux.


Il posa la main sur l'épaule de Gavroche et lui dit en appuyant sur les mots:


—Écoute ce que je te dis, garçon, si j'étais sur la place, avec mon dogue, ma dague et ma digue, et si vous me prodiguiez dix gros sous, je ne refuserais pas d'y goupiner, mais nous ne sommes pas le mardi gras.


Cette phrase bizarre produisit sur le gamin un effet singulier. Il se tourna vivement, promena avec une attention profonde ses petits yeux brillants autour de lui, et aperçut, à quelques pas, un sergent de ville qui leur tournait le dos. Gavroche laissa échapper un: ah, bon! qu'il réprima sur-le-champ, et, secouant la main de Montparnasse:


—Eh bien, bonsoir, fit-il, je m'en vas à mon éléphant avec mes mômes. Une supposition que tu aurais besoin de moi une nuit, tu viendrais me trouver là. Je loge à l'entresol. Il n'y a pas de portier. Tu demanderais monsieur Gavroche.


—C'est bon, dit Montparnasse.


Et ils se séparèrent, Montparnasse cheminant vers la Grève et Gavroche vers la Bastille. Le petit de cinq ans, traîné par son frère que traînait Gavroche, tourna plusieurs fois la tête en arrière pour voir s'en aller «Porrichinelle».


La phrase amphigourique par laquelle Montparnasse avait averti Gavroche de la présence du sergent de ville ne contenait pas d'autre talisman que l'assonance dig répétée cinq ou six fois sous des formes variées. Cette syllabe dig, non prononcée isolément, mais artistement mêlée aux mots d'une phrase, veut dire:—Prenons garde, on ne peut pas parler librement.—Il y avait en outre dans la phrase de Montparnasse une beauté littéraire qui échappa à Gavroche, c'est mon dogue, ma dague et, ma digue, locution de l'argot du Temple qui signifie, mon chien, mon couteau et ma femme, fort usité parmi les pitres et les queues-rouges du grand siècle où Molière écrivait et où Callot dessinait.


Il y a vingt ans, on voyait encore dans l'angle sud-est de la place de la Bastille près de la gare du canal creusée dans l'ancien fossé de la prison-citadelle, un monument bizarre qui s'est effacé déjà de la mémoire des Parisiens, et qui méritait d'y laisser quelque trace, car c'était une pensée du «membre de l'Institut, général en chef de l'armée d'Égypte».


Nous disons monument, quoique ce ne fût qu'une maquette. Mais cette maquette elle-même, ébauche prodigieuse, cadavre grandiose d'une idée de Napoléon que deux ou trois coups de vent successifs avaient emportée et jetée à chaque fois plus loin de nous, était devenue historique, et avait pris je ne sais quoi de définitif qui contrastait avec son aspect provisoire. C'était un éléphant de quarante pieds de haut, construit en charpente et en maçonnerie, portant sur son dos sa tour qui ressemblait à une maison, jadis peint en vert par un badigeonneur quelconque, maintenant peint en noir par le ciel, la pluie et le temps. Dans cet angle désert et découvert de la place, le large front du colosse, sa trompe, ses défenses, sa tour, sa croupe énorme, ses quatre pieds pareils à des colonnes faisaient, la nuit, sur le ciel étoilé, une silhouette surprenante et terrible. On ne savait ce que cela voulait dire. C'était une sorte de symbole de la force populaire. C'était sombre, énigmatique et immense. C'était on ne sait quel fantôme puissant, visible et debout à côté du spectre invisible de la Bastille.


Peu d'étrangers visitaient cet édifice, aucun passant ne le regardait. Il tombait en ruine; à chaque saison, des plâtras qui se détachaient de ses flancs lui faisaient des plaies hideuses. Les «édiles», comme on dit en patois élégant, l'avaient oublié depuis 1814. Il était là dans son coin, morne, malade, croulant, entouré d'une palissade pourrie, souillée à chaque instant par des cochers ivres; des crevasses lui lézardaient le ventre, une latte lui sortait de la queue, les hautes herbes lui poussaient entre les jambes; et comme le niveau de la place s'élevait depuis trente ans tout autour par ce mouvement lent et continu qui exhausse insensiblement le sol des grandes villes, il était dans un creux et il semblait que la terre s'enfonçât sous lui. Il était immonde, méprisé, repoussant et superbe, laid aux yeux du bourgeois, mélancolique aux yeux du penseur. Il avait quelque chose d'une ordure qu'on va balayer et quelque chose d'une majesté qu'on va décapiter.


Comme nous l'avons dit, la nuit l'aspect changeait. La nuit est le véritable milieu de tout ce qui est ombre. Dès que tombait le crépuscule, le vieil éléphant se transfigurait; il prenait une figure tranquille et redoutable dans la formidable sérénité des ténèbres. Étant du passé, il était de la nuit; et cette obscurité allait à sa grandeur.


Ce monument, rude, trapu, pesant, âpre, austère, presque difforme, mais à coup sûr majestueux et empreint d'une sorte de gravité magnifique et sauvage, a disparu pour laisser régner en paix l'espèce de poêle gigantesque, orné de son tuyau, qui a remplacé la sombre forteresse à neuf tours, à peu près comme la bourgeoisie remplace la féodalité. Il est tout simple qu'un poêle soit le symbole d'une époque dont une marmite contient la puissance. Cette époque passera, elle passe déjà; on commence à comprendre que, s'il peut y avoir de la force dans une chaudière, il ne peut y avoir de puissance que dans un cerveau; en d'autres termes, que ce qui mène et entraîne le monde, ce ne sont pas les locomotives, ce sont les idées. Attelez les locomotives aux idées, c'est bien; mais ne prenez pas le cheval pour le cavalier.


Quoi qu'il en soit, pour revenir à la place de la Bastille, l'architecte de l'éléphant avec du plâtre était parvenu à faire du grand; l'architecte du tuyau de poêle a réussi à faire du petit avec du bronze.


Ce tuyau de poêle, qu'on a baptisé d'un nom sonore et nommé la colonne de Juillet, ce monument manqué d'une révolution avortée, était encore enveloppé en 1832 d'une immense chemise en charpente que nous regrettons pour notre part, et d'un vaste enclos en planches, qui achevait d'isoler l'éléphant.


Ce fut vers ce coin de la place, à peine éclairé du reflet d'un réverbère éloigné, que le gamin dirigea les deux «mômes».


Qu'on nous permette de nous interrompre ici et de rappeler que nous sommes dans la simple réalité, et qu'il y a vingt ans les tribunaux correctionnels eurent à juger, sous prévention de vagabondage et de bris d'un monument public, un enfant qui avait été surpris couché dans l'intérieur même de l'éléphant de la Bastille.


Ce fait constaté, nous continuons.


En arrivant près du colosse, Gavroche comprit l'effet que l'infiniment grand peut produire sur l'infiniment petit, et dit:


—Moutards! n'ayez pas peur.


Puis il entra par une lacune de la palissade dans l'enceinte de l'éléphant et aida les mômes à enjamber la brèche. Les deux enfants, un peu effrayés, suivaient sans dire mot Gavroche et se confiaient à cette petite providence en guenilles qui leur avait donné du pain et leur avait promis un gîte.


Il y avait là, couchée le long de la palissade, une échelle qui servait le jour aux ouvriers du chantier voisin. Gavroche la souleva avec une singulière vigueur, et l'appliqua contre une des jambes de devant de l'éléphant. Vers le point où l'échelle allait aboutir, on distinguait une espèce de trou noir dans le ventre du colosse.


Gavroche montra l'échelle et le trou à ses hôtes et leur dit:


—Montez et entrez.


Les deux petits garçons se regardèrent terrifiés.


—Vous avez peur, mômes! s'écria Gavroche.


Et il ajouta:


—Vous allez voir.


Il étreignit le pied rugueux de l'éléphant, et en un clin d'œil, sans daigner se servir de l'échelle, il arriva à la crevasse. Il y entra comme une couleuvre qui se glisse dans une fente, il s'y enfonça, et un moment après les deux enfants virent vaguement apparaître, comme une forme blanchâtre et blafarde, sa tête pâle au bord du trou plein de ténèbres.


—Eh bien, cria-t-il, montez donc, les momignards! vous allez voir comme on est bien!—Monte, toi! dit-il à l'aîné, je te tends la main.


Les petits se poussèrent de l'épaule, le gamin leur faisait peur et les rassurait à la fois, et puis il pleuvait bien fort. L'aîné se risqua. Le plus jeune, en voyant monter son frère et lui resté tout seul entre les pattes de cette grosse bête, avait bien envie de pleurer, mais il n'osait.


L'aîné gravissait, tout en chancelant, les barreaux de l'échelle; Gavroche, chemin faisant, l'encourageait par des exclamations de maître d'armes à ses écoliers ou de muletier à ses mules:


—Aye pas peur!


—C'est ça!


—Va toujours!


—Mets ton pied là!


—Ta main ici.


—Hardi!


Et quand il fut à sa portée, il l'empoigna brusquement et vigoureusement par le bras et le tira à lui.


—Gobé! dit-il.


Le môme avait franchi la crevasse.


—Maintenant, fit Gavroche, attends-moi. Monsieur, prenez la peine de vous asseoir.


Et, sortant de la crevasse comme il y était entré, il se laissa glisser avec l'agilité d'un ouistiti le long de la jambe de l'éléphant, il tomba debout sur ses pieds dans l'herbe, saisit le petit de cinq ans à bras-le-corps et le planta au beau milieu de l'échelle, puis il se mit à monter derrière lui en criant à l'aîné:


—Je vas le pousser, tu vas le tirer.


En un instant le petit fut monté, poussé, traîné, tiré, bourré, fourré dans le trou sans avoir eu le temps de se reconnaître, et Gavroche, entrant après lui, repoussant d'un coup de talon l'échelle qui tomba sur le gazon, se mit à battre des mains et cria:


—Nous y v'là! Vive le général Lafayette!


Cette explosion passée, il ajouta:


—Les mioches, vous êtes chez moi.


Gavroche était en effet chez lui.


Ô utilité inattendue de l'inutile! charité des grandes choses! bonté des géants! Ce monument démesuré qui avait contenu une pensée de l'Empereur était devenu la boîte d'un gamin. Le môme avait été accepté et abrité par le colosse. Les bourgeois endimanchés qui passaient devant l'éléphant de la Bastille disaient volontiers en le toisant d'un air de mépris avec leurs yeux à fleur de tête:—À quoi cela sert-il?—Cela servait à sauver du froid, du givre, de la grêle, de la pluie, à garantir du vent d'hiver, à préserver du sommeil dans la boue qui donne la fièvre et du sommeil dans la neige qui donne la mort, un petit être sans père ni mère, sans pain, sans vêtements, sans asile. Cela servait à recueillir l'innocent que la société repoussait. Cela servait à diminuer la faute publique. C'était une tanière ouverte à celui auquel toutes les portes étaient fermées. Il semblait que le vieux mastodonte misérable, envahi par la vermine et par l'oubli, couvert de verrues, de moisissures et d'ulcères, chancelant, vermoulu, abandonné, condamné, espèce de mendiant colossal demandant en vain l'aumône d'un regard bienveillant au milieu du carrefour, avait eu pitié, lui, de cet autre mendiant, du pauvre pygmée qui s'en allait sans souliers aux pieds, sans plafond sur la tête, soufflant dans ses doigts, vêtu de chiffons, nourri de ce qu'on jette. Voilà à quoi servait l'éléphant de la Bastille. Cette idée de Napoléon, dédaignée par les hommes, avait été reprise par Dieu. Ce qui n'eût été qu'illustre était devenu auguste. Il eût fallu à l'Empereur, pour réaliser ce qu'il méditait, le porphyre, l'airain, le fer, l'or, le marbre; à Dieu le vieil assemblage de planches, de solives et de plâtras suffisait. L'Empereur avait eu un rêve de génie; dans cet éléphant titanique, armé, prodigieux, dressant sa trompe, portant sa tour, et faisant jaillir de toutes parts autour de lui des eaux joyeuses et vivifiantes, il voulait incarner le peuple; Dieu en avait fait une chose plus grande, il y logeait un enfant.


Le trou par où Gavroche était entré était une brèche à peine visible du dehors, cachée qu'elle était, nous l'avons dit, sous le ventre de l'éléphant, et si étroite qu'il n'y avait guère que des chats et des mômes qui pussent y passer.


—Commençons, dit Gavroche, par dire au portier que nous n'y sommes pas.


Et plongeant dans l'obscurité avec certitude comme quelqu'un qui connaît son appartement, il prit une planche et en boucha le trou.


Gavroche replongea dans l'obscurité. Les enfants entendirent le reniflement de l'allumette enfoncée dans la bouteille phosphorique. L'allumette chimique n'existait pas encore; le briquet Fumade représentait à cette époque le progrès.


Une clarté subite leur fit cligner les yeux; Gavroche venait d'allumer un de ces bouts de ficelle trempés dans la résine qu'on appelle rats de cave. Le rat de cave, qui fumait plus qu'il n'éclairait, rendait confusément visible le dedans de l'éléphant.


Les deux hôtes de Gavroche regardèrent autour d'eux et éprouvèrent quelque chose de pareil à ce qu'éprouverait quelqu'un qui serait enfermé dans la grosse tonne de Heidelberg, ou mieux encore à ce que dut éprouver Jonas dans le ventre biblique de la baleine. Tout un squelette gigantesque leur apparaissait et les enveloppait. En haut, une longue poutre brune d'où partaient de distance en distance de massives membrures cintrées figurait la colonne vertébrale avec les côtes, des stalactites de plâtre y pendaient comme des viscères, et d'un côté à l'autre de vastes toiles d'araignée faisaient des diaphragmes poudreux. On voyait çà et là dans les coins de grosses taches noirâtres qui avaient l'air de vivre et qui se déplaçaient rapidement avec un mouvement brusque et effaré.


Les débris tombés du dos de l'éléphant sur son ventre en avaient comblé la concavité, de sorte qu'on pouvait y marcher comme sur un plancher.


Le plus petit se rencogna contre son frère et dit à demi-voix:


—C'est noir.


Ce mot fit exclamer Gavroche. L'air pétrifié des deux mômes rendait une secousse nécessaire.


—Qu'est-ce que vous me fichez? s'écria-t-il. Blaguons-nous? faisons-nous les dégoûtés? vous faut-il pas les Tuileries? Seriez-vous des brutes? Dites-le. Je vous préviens que je ne suis pas du régiment des godiches. Ah çà, est-ce que vous êtes les moutards du moutardier du pape?


Un peu de rudoiement est bon dans l'épouvante. Cela rassure. Les deux enfants se rapprochèrent de Gavroche.


Gavroche, paternellement attendri de cette confiance, passa «du grave au doux» et s'adressant au plus petit:


—Bêta, lui dit-il en accentuant l'injure d'une nuance caressante, c'est dehors que c'est noir. Dehors il pleut, ici il ne pleut pas; dehors il fait froid, ici il n'y a pas une miette de vent; dehors il y a des tas de monde, ici il n'y a personne; dehors il n'y a pas même la lune, ici il y a ma chandelle, nom d'unch!


Les deux enfants commençaient à regarder l'appartement avec moins d'effroi; mais Gavroche ne leur laissa pas plus longtemps le loisir de la contemplation.


—Vite, dit-il.


Et il les poussa vers ce que nous sommes très heureux de pouvoir appeler le fond de la chambre.


Là était son lit.


Le lit de Gavroche était complet. C'est-à-dire qu'il y avait un matelas, une couverture et une alcôve avec rideaux.


Le matelas était une natte de paille, la couverture un assez vaste pagne de grosse laine grise fort chaud et presque neuf. Voici ce que c'était que l'alcôve:


Trois échalas assez longs enfoncés et consolidés dans les gravois du sol, c'est-à-dire du ventre de l'éléphant, deux en avant, un en arrière, et réunis par une corde à leur sommet, de manière à former un faisceau pyramidal. Ce faisceau supportait un treillage de fil de laiton qui était simplement posé dessus, mais artistement appliqué et maintenu par des attaches de fil de fer, de sorte qu'il enveloppait entièrement les trois échalas. Un cordon de grosses pierres fixait tout autour ce treillage sur le sol, de manière à ne rien laisser passer. Ce treillage n'était autre chose qu'un morceau de ces grillages de cuivre dont on revêt les volières dans les ménageries. Le lit de Gavroche était sous ce grillage comme dans une cage. L'ensemble ressemblait à une tente d'Esquimau.


C'est ce grillage qui tenait lieu de rideaux.


Gavroche dérangea un peu les pierres qui assujettissaient le grillage par devant; les deux pans du treillage qui retombaient l'un sur l'autre s'écartèrent.


—Mômes, à quatre pattes! dit Gavroche.


Il fit entrer avec précaution ses hôtes dans la cage, puis il y entra après eux, en rampant, rapprocha les pierres et referma hermétiquement l'ouverture.


Ils s'étaient étendus tous trois sur la natte.


Si petits qu'ils fussent, aucun d'eux n'eût pu se tenir debout dans l'alcôve. Gavroche avait toujours le rat de cave à sa main.


—Maintenant, dit-il, pioncez! Je vas supprimer le candélabre.


—Monsieur, demanda l'aîné des deux frères à Gavroche en montrant le grillage, qu'est-ce que c'est donc que ça?


—Ça, dit Gavroche gravement, c'est pour les rats.—Pioncez!


Cependant il se crut obligé d'ajouter quelques paroles pour l'instruction de ces êtres en bas âge, et il continua:


—C'est des choses du Jardin des plantes. Ça sert aux animaux féroces. Gniena (il y en a) plein un magasin. Gnia (il n'y a) qu'à monter par-dessus un mur, qu'à grimper par une fenêtre et qu'à passer sous une porte. On en a tant qu'on veut.


Tout en parlant, il enveloppait d'un pan de la couverture le tout petit qui murmura:


—Oh! c'est bon! c'est chaud!


Gavroche fixa un œil satisfait sur la couverture.


—C'est encore du Jardin des plantes, dit-il. J'ai pris ça aux singes.


Et montrant à l'aîné la natte sur laquelle il était couché, natte fort épaisse et admirablement travaillée, il ajouta:


—Ça, c'était à la girafe.


Après une pause, il poursuivit:


—Les bêtes avaient tout ça. Je le leur ai pris. Ça ne les a pas fâchées. Je leur ai dit: C'est pour l'éléphant.


Il fit encore un silence et reprit:


—On passe par-dessus les murs et on se fiche du gouvernement. V'là.


Les deux enfants considéraient avec un respect craintif et stupéfait cet être intrépide et inventif, vagabond comme eux, isolé comme eux, chétif comme eux, qui avait quelque chose d'admirable et de tout-puissant, qui leur semblait surnaturel, et dont la physionomie se composait de toutes les grimaces d'un vieux saltimbanque mêlées au plus naïf et au plus charmant sourire.


—Monsieur, fit timidement l'aîné, vous n'avez donc pas peur des sergents de ville?


Gavroche se borna à répondre:


—Môme! on ne dit pas les sergents de ville, on dit les cognes.


Le tout petit avait les yeux ouverts, mais il ne disait rien. Comme il était au bord de la natte, l'aîné étant au milieu, Gavroche lui borda la couverture comme eût fait une mère et exhaussa la natte sous sa tête avec de vieux chiffons de manière à faire au môme un oreiller. Puis il se tourna vers l'aîné.


—Hein? on est joliment bien, ici!


—Ah oui! répondit l'aîné en regardant Gavroche avec une expression d'ange sauvé.


Les deux pauvres petits enfants tout mouillés commençaient à se réchauffer.


—Ah çà, continua Gavroche, pourquoi donc est-ce que vous pleuriez?


Et montrant le petit à son frère:


—Un mioche comme ça, je ne dis pas; mais un grand comme toi, pleurer, c'est crétin; on a l'air d'un veau.


—Dame, fit l'enfant, nous n'avions plus du tout de logement où aller.


—Moutard! reprit Gavroche, on ne dit pas un logement, on dit une piolle.


—Et puis nous avions peur d'être tout seuls comme ça la nuit.


—On ne dit pas la nuit, on dit la sorgue.


—Merci, monsieur, dit l'enfant.


—Écoute, repartit Gavroche, il ne faut plus geindre jamais pour rien. J'aurai soin de vous. Tu verras comme on s'amuse. L'été, nous irons à la Glacière avec Navet, un camarade à moi, nous nous baignerons à la Gare, nous courrons tout nus sur les trains devant le pont d'Austerlitz, ça fait rager les blanchisseuses. Elles crient, elles bisquent, si tu savais comme elles sont farces! Nous irons voir l'homme squelette. Il est en vie. Aux Champs-Élysées. Il est maigre comme tout, ce paroissien-là. Et puis je vous conduirai au spectacle. Je vous mènerai à Frédérick-Lemaître. J'ai des billets, je connais des acteurs, j'ai même joué une fois dans une pièce. Nous étions des mômes comme ça, on courait sous une toile, ça faisait la mer. Je vous ferai engager à mon théâtre. Nous irons voir les sauvages. Ce n'est pas vrai, ces sauvages-là. Ils ont des maillots roses qui font des plis, et on leur voit aux coudes des reprises en fil blanc. Après ça, nous irons à l'Opéra. Nous entrerons avec les claqueurs. La claque à l'Opéra est très bien composée. Je n'irais pas avec la claque sur les boulevards. À l'Opéra, figure-toi, il y en a qui payent vingt sous, mais c'est des bêtas. On les appelle des lavettes.—Et puis nous irons voir guillotiner. Je vous ferai voir le bourreau. Il demeure rue des Marais. Monsieur Sanson. Il y a une boîte aux lettres à la porte. Ah! on s'amuse fameusement!


En ce moment, une goutte de cire tomba sur le doigt de Gavroche et le rappela aux réalités de la vie.


—Bigre! dit-il, v'là la mèche qui s'use. Attention! je ne peux pas mettre plus d'un sou par mois à mon éclairage. Quand on se couche, il faut dormir. Nous n'avons pas le temps de lire des romans de monsieur Paul de Kock. Avec ça que la lumière pourrait passer par les fentes de la porte cochère, et les cognes n'auraient qu'à voir.


—Et puis, observa timidement l'aîné qui seul osait causer avec Gavroche et lui donner la réplique, un fumeron pourrait tomber dans la paille, il faut prendre garde de brûler la maison.


—On ne dit pas brûler la maison, fit Gavroche, on dit riffauder le bocard.


L'orage redoublait. On entendait, à travers des roulements de tonnerre, l'averse battre le dos du colosse.


—Enfoncé, la pluie! dit Gavroche. Ça m'amuse d'entendre couler la carafe le long des jambes de la maison. L'hiver est une bête; il perd sa marchandise, il perd sa peine, il ne peut pas nous mouiller, et ça le fait bougonner, ce vieux porteur d'eau-là.


Cette allusion au tonnerre, dont Gavroche, en sa qualité de philosophe du dix-neuvième siècle, acceptait toutes les conséquences, fut suivie d'un large éclair, si éblouissant que quelque chose en entra par la crevasse dans le ventre de l'éléphant. Presque en même temps la foudre gronda, et très furieusement. Les deux petits poussèrent un cri, et se soulevèrent si vivement que le treillage en fut presque écarté; mais Gavroche tourna vers eux sa face hardie et profita du coup de tonnerre pour éclater de rire.


—Du calme, enfants. Ne bousculons pas l'édifice. Voilà du beau tonnerre, à la bonne heure! Ce n'est pas là de la gnognotte d'éclair. Bravo le bon Dieu! nom d'unch! c'est presque aussi bien qu'à l'Ambigu.


Cela dit, il refit l'ordre dans le treillage, poussa doucement les deux enfants sur le chevet du lit, pressa leurs genoux pour les bien étendre tout de leur long et s'écria:


—Puisque le bon Dieu allume sa chandelle, je peux souffler la mienne. Les enfants, il faut dormir, mes jeunes humains. C'est très mauvais de ne pas dormir. Ça vous ferait schlinguer du couloir, ou, comme on dit dans le grand monde, puer de la gueule. Entortillez-vous bien de la pelure! je vas éteindre. Y êtes-vous?


—Oui, murmura l'aîné, je suis bien. J'ai comme de la plume sous la tête.


—On ne dit pas la tête, cria Gavroche, on dit la tronche.


Les deux enfants se serrèrent l'un contre l'autre. Gavroche acheva de les arranger sur la natte et leur monta la couverture jusqu'aux oreilles, puis répéta pour la troisième fois l'injonction en langue hiératique:


—Pioncez!


Et il souffla le lumignon.


À peine la lumière était-elle éteinte qu'un tremblement singulier commença à ébranler le treillage sous lequel les trois enfants étaient couchés. C'était une multitude de frottements sourds qui rendaient un son métallique, comme si des griffes et des dents grinçaient sur le fil de cuivre. Cela était accompagné de toutes sortes de petits cris aigus.


Le petit garçon de cinq ans, entendant ce vacarme au-dessus de sa tête et glacé d'épouvante, poussa du coude son frère aîné, mais le frère aîné «pionçait» déjà, comme Gavroche le lui avait ordonné. Alors le petit, n'en pouvant plus de peur, osa interpeller Gavroche, mais tout bas, en retenant son haleine:


—Monsieur?


—Hein? fit Gavroche qui venait de fermer les paupières.


—Qu'est-ce que c'est donc que ça?


—C'est les rats, répondit Gavroche.


Et il remit sa tête sur la natte.


Les rats en effet, qui pullulaient par milliers dans la carcasse de l'éléphant et qui étaient ces taches noires vivantes dont nous avons parlé, avaient été tenus en respect par la flamme de la bougie tant qu'elle avait brillé, mais dès que cette caverne, qui était comme leur cité, avait été rendue à la nuit, sentant là ce que le bon conteur Perrault appelle «de la chair fraîche», ils s'étaient rués en foule sur la tente de Gavroche, avaient grimpé jusqu'au sommet, et en mordaient les mailles comme s'ils cherchaient à percer cette zinzelière d'un nouveau genre.


Cependant le petit ne s'endormait pas.


—Monsieur! reprit-il.


—Hein? fit Gavroche.


—Qu'est-ce que c'est donc que les rats?


—C'est des souris.


Cette explication rassura un peu l'enfant. Il avait vu dans sa vie des souris blanches et il n'en avait pas eu peur. Pourtant il éleva encore la voix:


—Monsieur?


—Hein? refit Gavroche.


—Pourquoi n'avez-vous pas un chat?


—J'en ai eu un, répondit Gavroche, j'en ai apporté un, mais ils me l'ont mangé.


Cette seconde explication défit l'œuvre de la première, et le petit recommença à trembler. Le dialogue entre lui et Gavroche reprit pour la quatrième fois.


—Monsieur!


—Hein?


—Qui ça qui a été mangé?


—Le chat.


—Qui ça qui a mangé le chat?


—Les rats.


—Les souris?


—Oui, les rats.


L'enfant, consterné de ces souris qui mangent les chats, poursuivit:


—Monsieur, est-ce qu'elles nous mangeraient, ces souris-là?


—Pardi! fit Gavroche.


La terreur de l'enfant était au comble. Mais Gavroche ajouta:


—N'eïlle pas peur! ils ne peuvent pas entrer. Et puis je suis là! Tiens, prends ma main. Tais-toi, et pionce!


Gavroche en même temps prit la main du petit par-dessus son frère. L'enfant serra cette main contre lui et se sentit rassuré. Le courage et la force ont de ces communications mystérieuses. Le silence s'était refait autour d'eux, le bruit des voix avait effrayé et éloigné les rats; au bout de quelques minutes ils eurent beau revenir et faire rage, les trois mômes, plongés dans le sommeil, n'entendaient plus rien.


Les heures de la nuit s'écoulèrent. L'ombre couvrait l'immense place de la Bastille, un vent d'hiver qui se mêlait à la pluie soufflait par bouffées, les patrouilles furetaient les portes, les allées, les enclos, les coins obscurs, et, cherchant les vagabonds nocturnes, passaient silencieusement devant l'éléphant; le monstre, debout, immobile, les yeux ouverts dans les ténèbres, avait l'air de rêver comme satisfait de sa bonne action, et abritait du ciel et des hommes les trois pauvres enfants endormis.


Pour comprendre ce qui va suivre, il faut se souvenir qu'à cette époque le corps de garde de la Bastille était situé à l'autre extrémité de la place, et que ce qui se passait près de l'éléphant ne pouvait être ni aperçu, ni entendu par la sentinelle.


Vers la fin de cette heure qui précède immédiatement le point du jour, un homme déboucha de la rue Saint-Antoine en courant, traversa la place, tourna le grand enclos de la colonne de Juillet, et se glissa entre les palissades jusque sous le ventre de l'éléphant. Si une lumière quelconque eût éclairé cet homme, à la manière profonde dont il était mouillé, on eût deviné qu'il avait passé la nuit sous la pluie. Arrivé sous l'éléphant, il fit entendre un cri bizarre qui n'appartient à aucune langue humaine et qu'une perruche seule pourrait reproduire. Il répéta deux fois ce cri dont l'orthographe que voici donne à peine quelque idée:


—Kirikikiou!


Au second cri, une voix claire, gaie et jeune, répondit du ventre de l'éléphant:


—Oui.


Presque immédiatement, la planche qui fermait le trou se dérangea et donna passage à un enfant qui descendit le long du pied de l'éléphant et vint lestement tomber près de l'homme. C'était Gavroche. L'homme était Montparnasse.


Quant à ce cri, kirikikiou, c'était là sans doute ce que l'enfant voulait dire par: Tu demanderas monsieur Gavroche.


En l'entendant, il s'était réveillé en sursaut, avait rampé hors de son «alcôve», en écartant un peu le grillage qu'il avait ensuite refermé soigneusement, puis il avait ouvert la trappe et était descendu.


L'homme et l'enfant se reconnurent silencieusement dans la nuit; Montparnasse se borna à dire:


—Nous avons besoin de toi. Viens nous donner un coup de main.


Le gamin ne demanda pas d'autre éclaircissement.


—Me v'là, dit-il.


Et tous deux se dirigèrent vers la rue Saint-Antoine, d'où sortait Montparnasse, serpentant rapidement à travers la longue file des charrettes de maraîchers qui descendent à cette heure-là vers la halle.


Les maraîchers accroupis dans leurs voitures parmi les salades et les légumes, à demi assoupis, enfouis jusqu'aux yeux dans leurs roulières à cause de la pluie battante, ne regardaient même pas ces étranges passants.

English text[edit]

Spring in Paris is often traversed by harsh and piercing breezes which do not precisely chill but freeze one; these north winds which sadden the most beautiful days produce exactly the effect of those puffs of cold air which enter a warm room through the cracks of a badly fitting door or window. It seems as though the gloomy door of winter had remained ajar, and as though the wind were pouring through it. In the spring of 1832, the epoch when the first great epidemic of this century broke out in Europe, these north gales were more harsh and piercing than ever. It was a door even more glacial than that of winter which was ajar. It was the door of the sepulchre. In these winds one felt the breath of the cholera.


From a meteorological point of view, these cold winds possessed this peculiarity, that they did not preclude a strong electric tension. Frequent storms, accompanied by thunder and lightning, burst forth at this epoch.


One evening, when these gales were blowing rudely, to such a degree that January seemed to have returned and that the bourgeois had resumed their cloaks, Little Gavroche, who was always shivering gayly under his rags, was standing as though in ecstasy before a wig-maker's shop in the vicinity of the Orme-Saint-Gervais. He was adorned with a woman's woollen shawl, picked up no one knows where, and which he had converted into a neck comforter. Little Gavroche appeared to be engaged in intent admiration of a wax bride, in a low-necked dress, and crowned with orange-flowers, who was revolving in the window, and displaying her smile to passers-by, between two argand lamps; but in reality, he was taking an observation of the shop, in order to discover whether he could not "prig" from the shop-front a cake of soap, which he would then proceed to sell for a sou to a "hair-dresser" in the suburbs. He had often managed to breakfast off of such a roll. He called his species of work, for which he possessed special aptitude, "shaving barbers."


While contemplating the bride, and eyeing the cake of soap, he muttered between his teeth: "Tuesday. It was not Tuesday. Was it Tuesday? Perhaps it was Tuesday. Yes, it was Tuesday."


No one has ever discovered to what this monologue referred.


Yes, perchance, this monologue had some connection with the last occasion on which he had dined, three days before, for it was now Friday.


The barber in his shop, which was warmed by a good stove, was shaving a customer and casting a glance from time to time at the enemy, that freezing and impudent street urchin both of whose hands were in his pockets, but whose mind was evidently unsheathed.


While Gavroche was scrutinizing the shop-window and the cakes of windsor soap, two children of unequal stature, very neatly dressed, and still smaller than himself, one apparently about seven years of age, the other five, timidly turned the handle and entered the shop, with a request for something or other, alms possibly, in a plaintive murmur which resembled a groan rather than a prayer. They both spoke at once, and their words were unintelligible because sobs broke the voice of the younger, and the teeth of the elder were chattering with cold. The barber wheeled round with a furious look, and without abandoning his razor, thrust back the elder with his left hand and the younger with his knee, and slammed his door, saying: "The idea of coming in and freezing everybody for nothing!"


The two children resumed their march in tears. In the meantime, a cloud had risen; it had begun to rain.


Little Gavroche ran after them and accosted them:—


"What's the matter with you, brats?"


"We don't know where we are to sleep," replied the elder.


"Is that all?" said Gavroche. "A great matter, truly. The idea of bawling about that. They must be greenies!"


And adopting, in addition to his superiority, which was rather bantering, an accent of tender authority and gentle patronage:—


"Come along with me, young 'uns!"


"Yes, sir," said the elder.


And the two children followed him as they would have followed an archbishop. They had stopped crying.


Gavroche led them up the Rue Saint-Antoine in the direction of the Bastille.


As Gavroche walked along, he cast an indignant backward glance at the barber's shop.


"That fellow has no heart, the whiting," he muttered. "He's an Englishman."


A woman who caught sight of these three marching in a file, with Gavroche at their head, burst into noisy laughter. This laugh was wanting in respect towards the group.


"Good day, Mamselle Omnibus," said Gavroche to her.


An instant later, the wig-maker occurred to his mind once more, and he added:—


"I am making a mistake in the beast; he's not a whiting, he's a serpent. Barber, I'll go and fetch a locksmith, and I'll have a bell hung to your tail."


This wig-maker had rendered him aggressive. As he strode over a gutter, he apostrophized a bearded portress who was worthy to meet Faust on the Brocken, and who had a broom in her hand.


"Madam," said he, "so you are going out with your horse?"


And thereupon, he spattered the polished boots of a pedestrian.


"You scamp!" shouted the furious pedestrian.


Gavroche elevated his nose above his shawl.


"Is Monsieur complaining?"


"Of you!" ejaculated the man.


"The office is closed," said Gavroche, "I do not receive any more complaints."


In the meanwhile, as he went on up the street, he perceived a beggar-girl, thirteen or fourteen years old, and clad in so short a gown that her knees were visible, lying thoroughly chilled under a porte-cochère. The little girl was getting to be too old for such a thing. Growth does play these tricks. The petticoat becomes short at the moment when nudity becomes indecent.


"Poor girl!" said Gavroche. "She hasn't even trousers. Hold on, take this."


And unwinding all the comfortable woollen which he had around his neck, he flung it on the thin and purple shoulders of the beggar-girl, where the scarf became a shawl once more.


The child stared at him in astonishment, and received the shawl in silence. When a certain stage of distress has been reached in his misery, the poor man no longer groans over evil, no longer returns thanks for good.


That done: "Brrr!" said Gavroche, who was shivering more than Saint Martin, for the latter retained one-half of his cloak.


At this brrr! the downpour of rain, redoubled in its spite, became furious. The wicked skies punish good deeds.


"Ah, come now!" exclaimed Gavroche, "what's the meaning of this? It's re-raining! Good Heavens, if it goes on like this, I shall stop my subscription."


And he set out on the march once more.


"It's all right," he resumed, casting a glance at the beggar-girl, as she coiled up under the shawl, "she's got a famous peel."


And looking up at the clouds he exclaimed:—


"Caught!"


The two children followed close on his heels.


As they were passing one of these heavy grated lattices, which indicate a baker's shop, for bread is put behind bars like gold, Gavroche turned round:—


"Ah, by the way, brats, have we dined?"


"Monsieur," replied the elder, "we have had nothing to eat since this morning."


"So you have neither father nor mother?" resumed Gavroche majestically.


"Excuse us, sir, we have a papa and a mamma, but we don't know where they are."


"Sometimes that's better than knowing where they are," said Gavroche, who was a thinker.


"We have been wandering about these two hours," continued the elder, "we have hunted for things at the corners of the streets, but we have found nothing."


"I know," ejaculated Gavroche, "it's the dogs who eat everything."


He went on, after a pause:—


"Ah! we have lost our authors. We don't know what we have done with them. This should not be, gamins. It's stupid to let old people stray off like that. Come now! we must have a snooze all the same."


However, he asked them no questions. What was more simple than that they should have no dwelling place!


The elder of the two children, who had almost entirely recovered the prompt heedlessness of childhood, uttered this exclamation:—


"It's queer, all the same. Mamma told us that she would take us to get a blessed spray on Palm Sunday."


"Bosh," said Gavroche.


"Mamma," resumed the elder, "is a lady who lives with Mamselle Miss."


"Tanflute!" retorted Gavroche.


Meanwhile he had halted, and for the last two minutes he had been feeling and fumbling in all sorts of nooks which his rags contained.


At last he tossed his head with an air intended to be merely satisfied, but which was triumphant, in reality.


"Let us be calm, young 'uns. Here's supper for three."


And from one of his pockets he drew forth a sou.


Without allowing the two urchins time for amazement, he pushed both of them before him into the baker's shop, and flung his sou on the counter, crying:—


"Boy! five centimes' worth of bread."


The baker, who was the proprietor in person, took up a loaf and a knife.


"In three pieces, my boy!" went on Gavroche.


And he added with dignity:—


"There are three of us."


And seeing that the baker, after scrutinizing the three customers, had taken down a black loaf, he thrust his finger far up his nose with an inhalation as imperious as though he had had a pinch of the great Frederick's snuff on the tip of his thumb, and hurled this indignant apostrophe full in the baker's face:—


"Keksekca?"


Those of our readers who might be tempted to espy in this interpellation of Gavroche's to the baker a Russian or a Polish word, or one of those savage cries which the Yoways and the Botocudos hurl at each other from bank to bank of a river, athwart the solitudes, are warned that it is a word which they [our readers] utter every day, and which takes the place of the phrase: "Qu'est-ce que c'est que cela?" The baker understood perfectly, and replied:—


"Well! It's bread, and very good bread of the second quality."


"You mean larton brutal [black bread]!" retorted Gavroche, calmly and coldly disdainful. "White bread, boy! white bread [larton savonne]! I'm standing treat."


The baker could not repress a smile, and as he cut the white bread he surveyed them in a compassionate way which shocked Gavroche.


"Come, now, baker's boy!" said he, "what are you taking our measure like that for?"


All three of them placed end to end would have hardly made a measure.


When the bread was cut, the baker threw the sou into his drawer, and Gavroche said to the two children:—


"Grub away."


The little boys stared at him in surprise.


Gavroche began to laugh.


"Ah! hullo, that's so! they don't understand yet, they're too small."


And he repeated:—


"Eat away."


At the same time, he held out a piece of bread to each of them.


And thinking that the elder, who seemed to him the more worthy of his conversation, deserved some special encouragement and ought to be relieved from all hesitation to satisfy his appetite, he added, as be handed him the largest share:—


"Ram that into your muzzle."


One piece was smaller than the others; he kept this for himself.


The poor children, including Gavroche, were famished. As they tore their bread apart in big mouthfuls, they blocked up the shop of the baker, who, now that they had paid their money, looked angrily at them.


"Let's go into the street again," said Gavroche.


They set off once more in the direction of the Bastille.


From time to time, as they passed the lighted shop-windows, the smallest halted to look at the time on a leaden watch which was suspended from his neck by a cord.


"Well, he is a very green 'un," said Gavroche.


Then, becoming thoughtful, he muttered between his teeth:—


"All the same, if I had charge of the babes I'd lock 'em up better than that."


Just as they were finishing their morsel of bread, and had reached the angle of that gloomy Rue des Ballets, at the other end of which the low and threatening wicket of La Force was visible:—


"Hullo, is that you, Gavroche?" said some one.


"Hullo, is that you, Montparnasse?" said Gavroche.


A man had just accosted the street urchin, and the man was no other than Montparnasse in disguise, with blue spectacles, but recognizable to Gavroche.


"The bow-wows!" went on Gavroche, "you've got a hide the color of a linseed plaster, and blue specs like a doctor. You're putting on style, 'pon my word!"


"Hush!" ejaculated Montparnasse, "not so loud."


And he drew Gavroche hastily out of range of the lighted shops.


The two little ones followed mechanically, holding each other by the hand.


When they were ensconced under the arch of a portecochere, sheltered from the rain and from all eyes:—


"Do you know where I'm going?" demanded Montparnasse.


"To the Abbéy of Ascend-with-Regret," replied Gavroche.


"Joker!"


And Montparnasse went on:—


"I'm going to find Babet."


"Ah!" exclaimed Gavroche, "so her name is Babet."


Montparnasse lowered his voice:—


"Not she, he."


"Ah! Babet."


"Yes, Babet."


"I thought he was buckled."


"He has undone the buckle," replied Montparnasse.


And he rapidly related to the gamin how, on the morning of that very day, Babet, having been transferred to La Conciergerie, had made his escape, by turning to the left instead of to the right in "the police office."


Gavroche expressed his admiration for this skill.


"What a dentist!" he cried.


Montparnasse added a few details as to Babet's flight, and ended with:—


"Oh! That's not all."


Gavroche, as he listened, had seized a cane that Montparnasse held in his hand, and mechanically pulled at the upper part, and the blade of a dagger made its appearance.


"Ah!" he exclaimed, pushing the dagger back in haste, "you have brought along your gendarme disguised as a bourgeois."


Montparnasse winked.


"The deuce!" resumed Gavroche, "so you're going to have a bout with the bobbies?"


"You can't tell," replied Montparnasse with an indifferent air. "It's always a good thing to have a pin about one."


Gavroche persisted:—


"What are you up to to-night?"


Again Montparnasse took a grave tone, and said, mouthing every syllable: "Things."


And abruptly changing the conversation:—


"By the way!"


"What?"


"Something happened t'other day. Fancy. I meet a bourgeois. He makes me a present of a sermon and his purse. I put it in my pocket. A minute later, I feel in my pocket. There's nothing there."


"Except the sermon," said Gavroche.


"But you," went on Montparnasse, "where are you bound for now?"


Gavroche pointed to his two proteges, and said:—


"I'm going to put these infants to bed."


"Whereabouts is the bed?"


"At my house."


"Where's your house?"


"At my house."


"So you have a lodging?"


"Yes, I have."


"And where is your lodging?"


"In the elephant," said Gavroche.


Montparnasse, though not naturally inclined to astonishment, could not restrain an exclamation.


"In the elephant!"


"Well, yes, in the elephant!" retorted Gavroche. "Kekcaa?"


This is another word of the language which no one writes, and which every one speaks.


Kekcaa signifies: Quest que c'est que cela a? [What's the matter with that?]


The urchin's profound remark recalled Montparnasse to calmness and good sense. He appeared to return to better sentiments with regard to Gavroche's lodging.


"Of course," said he, "yes, the elephant. Is it comfortable there?"


"Very," said Gavroche. "It's really bully there. There ain't any draughts, as there are under the bridges."


"How do you get in?"


"Oh, I get in."


"So there is a hole?" demanded Montparnasse.


"Parbleu! I should say so. But you mustn't tell. It's between the fore legs. The bobbies haven't seen it."


"And you climb up? Yes, I understand."


"A turn of the hand, cric, crac, and it's all over, no one there."


After a pause, Gavroche added:—


"I shall have a ladder for these children."


Montparnasse burst out laughing:—


"Where the devil did you pick up those young 'uns?"


Gavroche replied with great simplicity:—


"They are some brats that a wig-maker made me a present of."


Meanwhile, Montparnasse had fallen to thinking:—


"You recognized me very readily," he muttered.


He took from his pocket two small objects which were nothing more than two quills wrapped in cotton, and thrust one up each of his nostrils. This gave him a different nose.


"That changes you," remarked Gavroche, "you are less homely so, you ought to keep them on all the time."


Montparnasse was a handsome fellow, but Gavroche was a tease.


"Seriously," demanded Montparnasse, "how do you like me so?"


The sound of his voice was different also. In a twinkling, Montparnasse had become unrecognizable.


"Oh! Do play Porrichinelle for us!" exclaimed Gavroche.


The two children, who had not been listening up to this point, being occupied themselves in thrusting their fingers up their noses, drew near at this name, and stared at Montparnasse with dawning joy and admiration.


Unfortunately, Montparnasse was troubled.


He laid his hand on Gavroche's shoulder, and said to him, emphasizing his words: "Listen to what I tell you, boy! if I were on the square with my dog, my knife, and my wife, and if you were to squander ten sous on me, I wouldn't refuse to work, but this isn't Shrove Tuesday."


This odd phrase produced a singular effect on the gamin. He wheeled round hastily, darted his little sparkling eyes about him with profound attention, and perceived a police sergeant standing with his back to them a few paces off. Gavroche allowed an: "Ah! good!" to escape him, but immediately suppressed it, and shaking Montparnasse's hand:—


"Well, good evening," said he, "I'm going off to my elephant with my brats. Supposing that you should need me some night, you can come and hunt me up there. I lodge on the entresol. There is no porter. You will inquire for Monsieur Gavroche."


"Very good," said Montparnasse.


And they parted, Montparnasse betaking himself in the direction of the Greve, and Gavroche towards the Bastille. The little one of five, dragged along by his brother who was dragged by Gavroche, turned his head back several times to watch "Porrichinelle" as he went.


The ambiguous phrase by means of which Montparnasse had warned Gavroche of the presence of the policeman, contained no other talisman than the assonance dig repeated five or six times in different forms. This syllable, dig, uttered alone or artistically mingled with the words of a phrase, means: "Take care, we can no longer talk freely." There was besides, in Montparnasse's sentence, a literary beauty which was lost upon Gavroche, that is mon dogue, ma dague et ma digue, a slang expression of the Temple, which signifies my dog, my knife, and my wife, greatly in vogue among clowns and the red-tails in the great century when Moliere wrote and Callot drew.


Twenty years ago, there was still to be seen in the southwest corner of the Place de la Bastille, near the basin of the canal, excavated in the ancient ditch of the fortress-prison, a singular monument, which has already been effaced from the memories of Parisians, and which deserved to leave some trace, for it was the idea of a "member of the Institute, the General-in-chief of the army of Egypt."


We say monument, although it was only a rough model. But this model itself, a marvellous sketch, the grandiose skeleton of an idea of Napoleon's, which successive gusts of wind have carried away and thrown, on each occasion, still further from us, had become historical and had acquired a certain definiteness which contrasted with its provisional aspect. It was an elephant forty feet high, constructed of timber and masonry, bearing on its back a tower which resembled a house, formerly painted green by some dauber, and now painted black by heaven, the wind, and time. In this deserted and unprotected corner of the place, the broad brow of the colossus, his trunk, his tusks, his tower, his enormous crupper, his four feet, like columns produced, at night, under the starry heavens, a surprising and terrible form. It was a sort of symbol of popular force. It was sombre, mysterious, and immense. It was some mighty, visible phantom, one knew not what, standing erect beside the invisible spectre of the Bastille.


Few strangers visited this edifice, no passer-by looked at it. It was falling into ruins; every season the plaster which detached itself from its sides formed hideous wounds upon it. "The aediles," as the expression ran in elegant dialect, had forgotten it ever since 1814. There it stood in its corner, melancholy, sick, crumbling, surrounded by a rotten palisade, soiled continually by drunken coachmen; cracks meandered athwart its belly, a lath projected from its tail, tall grass flourished between its legs; and, as the level of the place had been rising all around it for a space of thirty years, by that slow and continuous movement which insensibly elevates the soil of large towns, it stood in a hollow, and it looked as though the ground were giving way beneath it. It was unclean, despised, repulsive, and superb, ugly in the eyes of the bourgeois, melancholy in the eyes of the thinker. There was something about it of the dirt which is on the point of being swept out, and something of the majesty which is on the point of being decapitated. As we have said, at night, its aspect changed. Night is the real element of everything that is dark. As soon as twilight descended, the old elephant became transfigured; he assumed a tranquil and redoubtable appearance in the formidable serenity of the shadows. Being of the past, he belonged to night; and obscurity was in keeping with his grandeur.


This rough, squat, heavy, hard, austere, almost misshapen, but assuredly majestic monument, stamped with a sort of magnificent and savage gravity, has disappeared, and left to reign in peace, a sort of gigantic stove, ornamented with its pipe, which has replaced the sombre fortress with its nine towers, very much as the bourgeoisie replaces the feudal classes. It is quite natural that a stove should be the symbol of an epoch in which a pot contains power. This epoch will pass away, people have already begun to understand that, if there can be force in a boiler, there can be no force except in the brain; in other words, that which leads and drags on the world, is not locomotives, but ideas. Harness locomotives to ideas,—that is well done; but do not mistake the horse for the rider.


At all events, to return to the Place de la Bastille, the architect of this elephant succeeded in making a grand thing out of plaster; the architect of the stove has succeeded in making a pretty thing out of bronze.


This stove-pipe, which has been baptized by a sonorous name, and called the column of July, this monument of a revolution that miscarried, was still enveloped in 1832, in an immense shirt of woodwork, which we regret, for our part, and by a vast plank enclosure, which completed the task of isolating the elephant.


It was towards this corner of the place, dimly lighted by the reflection of a distant street lamp, that the gamin guided his two "brats."


The reader must permit us to interrupt ourselves here and to remind him that we are dealing with simple reality, and that twenty years ago, the tribunals were called upon to judge, under the charge of vagabondage, and mutilation of a public monument, a child who had been caught asleep in this very elephant of the Bastille. This fact noted, we proceed.


On arriving in the vicinity of the colossus, Gavroche comprehended the effect which the infinitely great might produce on the infinitely small, and said:—


"Don't be scared, infants."


Then he entered through a gap in the fence into the elephant's enclosure and helped the young ones to clamber through the breach. The two children, somewhat frightened, followed Gavroche without uttering a word, and confided themselves to this little Providence in rags which had given them bread and had promised them a shelter.


There, extended along the fence, lay a ladder which by day served the laborers in the neighboring timber-yard. Gavroche raised it with remarkable vigor, and placed it against one of the elephant's forelegs. Near the point where the ladder ended, a sort of black hole in the belly of the colossus could be distinguished.


Gavroche pointed out the ladder and the hole to his guests, and said to them:—


"Climb up and go in."


The two little boys exchanged terrified glances.


"You're afraid, brats!" exclaimed Gavroche.


And he added:—


"You shall see!"


He clasped the rough leg of the elephant, and in a twinkling, without deigning to make use of the ladder, he had reached the aperture. He entered it as an adder slips through a crevice, and disappeared within, and an instant later, the two children saw his head, which looked pale, appear vaguely, on the edge of the shadowy hole, like a wan and whitish spectre.


"Well!" he exclaimed, "climb up, young 'uns! You'll see how snug it is here! Come up, you!" he said to the elder, "I'll lend you a hand."


The little fellows nudged each other, the gamin frightened and inspired them with confidence at one and the same time, and then, it was raining very hard. The elder one undertook the risk. The younger, on seeing his brother climbing up, and himself left alone between the paws of this huge beast, felt greatly inclined to cry, but he did not dare.


The elder lad climbed, with uncertain steps, up the rungs of the ladder; Gavroche, in the meanwhile, encouraging him with exclamations like a fencing-master to his pupils, or a muleteer to his mules.


"Don't be afraid!—That's it!—Come on!—Put your feet there!—Give us your hand here!—Boldly!"


And when the child was within reach, he seized him suddenly and vigorously by the arm, and pulled him towards him.


"Nabbed!" said he.


The brat had passed through the crack.


"Now," said Gavroche, "wait for me. Be so good as to take a seat, Monsieur."


And making his way out of the hole as he had entered it, he slipped down the elephant's leg with the agility of a monkey, landed on his feet in the grass, grasped the child of five round the body, and planted him fairly in the middle of the ladder, then he began to climb up behind him, shouting to the elder:—


"I'm going to boost him, do you tug."


And in another instant, the small lad was pushed, dragged, pulled, thrust, stuffed into the hole, before he had time to recover himself, and Gavroche, entering behind him, and repulsing the ladder with a kick which sent it flat on the grass, began to clap his hands and to cry:—


"Here we are! Long live General Lafayette!"


This explosion over, he added:—


"Now, young 'uns, you are in my house."


Gavroche was at home, in fact.


Oh, unforeseen utility of the useless! Charity of great things! Goodness of giants! This huge monument, which had embodied an idea of the Emperor's, had become the box of a street urchin. The brat had been accepted and sheltered by the colossus. The bourgeois decked out in their Sunday finery who passed the elephant of the Bastille, were fond of saying as they scanned it disdainfully with their prominent eyes: "What's the good of that?" It served to save from the cold, the frost, the hail, and rain, to shelter from the winds of winter, to preserve from slumber in the mud which produces fever, and from slumber in the snow which produces death, a little being who had no father, no mother, no bread, no clothes, no refuge. It served to receive the innocent whom society repulsed. It served to diminish public crime. It was a lair open to one against whom all doors were shut. It seemed as though the miserable old mastodon, invaded by vermin and oblivion, covered with warts, with mould, and ulcers, tottering, worm-eaten, abandoned, condemned, a sort of mendicant colossus, asking alms in vain with a benevolent look in the midst of the cross-roads, had taken pity on that other mendicant, the poor pygmy, who roamed without shoes to his feet, without a roof over his head, blowing on his fingers, clad in rags, fed on rejected scraps. That was what the elephant of the Bastille was good for. This idea of Napoleon, disdained by men, had been taken back by God. That which had been merely illustrious, had become august. In order to realize his thought, the Emperor should have had porphyry, brass, iron, gold, marble; the old collection of planks, beams and plaster sufficed for God. The Emperor had had the dream of a genius; in that Titanic elephant, armed, prodigious, with trunk uplifted, bearing its tower and scattering on all sides its merry and vivifying waters, he wished to incarnate the people. God had done a grander thing with it, he had lodged a child there.


The hole through which Gavroche had entered was a breach which was hardly visible from the outside, being concealed, as we have stated, beneath the elephant's belly, and so narrow that it was only cats and homeless children who could pass through it.


"Let's begin," said Gavroche, "by telling the porter that we are not at home."


And plunging into the darkness with the assurance of a person who is well acquainted with his apartments, he took a plank and stopped up the aperture.


Again Gavroche plunged into the obscurity. The children heard the crackling of the match thrust into the phosphoric bottle. The chemical match was not yet in existence; at that epoch the Fumade steel represented progress.


A sudden light made them blink; Gavroche had just managed to ignite one of those bits of cord dipped in resin which are called cellar rats. The cellar rat, which emitted more smoke than light, rendered the interior of the elephant confusedly visible.


Gavroche's two guests glanced about them, and the sensation which they experienced was something like that which one would feel if shut up in the great tun of Heidelberg, or, better still, like what Jonah must have felt in the biblical belly of the whale. An entire and gigantic skeleton appeared enveloping them. Above, a long brown beam, whence started at regular distances, massive, arching ribs, represented the vertebral column with its sides, stalactites of plaster depended from them like entrails, and vast spiders' webs stretching from side to side, formed dirty diaphragms. Here and there, in the corners, were visible large blackish spots which had the appearance of being alive, and which changed places rapidly with an abrupt and frightened movement.


Fragments which had fallen from the elephant's back into his belly had filled up the cavity, so that it was possible to walk upon it as on a floor.


The smaller child nestled up against his brother, and whispèred to him:—


"It's black."


This remark drew an exclamation from Gavroche. The petrified air of the two brats rendered some shock necessary.


"What's that you are gabbling about there?" he exclaimed. "Are you scoffing at me? Are you turning up your noses? Do you want the tuileries? Are you brutes? Come, say! I warn you that I don't belong to the regiment of simpletons. Ah, come now, are you brats from the Pope's establishment?"


A little roughness is good in cases of fear. It is reassuring. The two children drew close to Gavroche.


Gavroche, paternally touched by this confidence, passed from grave to gentle, and addressing the smaller:—


"Stupid," said he, accenting the insulting word, with a caressing intonation, "it's outside that it is black. Outside it's raining, here it does not rain; outside it's cold, here there's not an atom of wind; outside there are heaps of people, here there's no one; outside there ain't even the moon, here there's my candle, confound it!"


The two children began to look upon the apartment with less terror; but Gavroche allowed them no more time for contemplation.


"Quick," said he.


And he pushed them towards what we are very glad to be able to call the end of the room.


There stood his bed.


Gavroche's bed was complete; that is to say, it had a mattress, a blanket, and an alcove with curtains.


The mattress was a straw mat, the blanket a rather large strip of gray woollen stuff, very warm and almost new. This is what the alcove consisted of:—


Three rather long poles, thrust into and consolidated, with the rubbish which formed the floor, that is to say, the belly of the elephant, two in front and one behind, and united by a rope at their summits, so as to form a pyramidal bundle. This cluster supported a trellis-work of brass wire which was simply placed upon it, but artistically applied, and held by fastenings of iron wire, so that it enveloped all three holes. A row of very heavy stones kept this network down to the floor so that nothing could pass under it. This grating was nothing else than a piece of the brass screens with which aviaries are covered in menageries. Gavroche's bed stood as in a cage, behind this net. The whole resembled an Esquimaux tent.


This trellis-work took the place of curtains.


Gavroche moved aside the stones which fastened the net down in front, and the two folds of the net which lapped over each other fell apart.


"Down on all fours, brats!" said Gavroche.


He made his guests enter the cage with great precaution, then he crawled in after them, pulled the stones together, and closed the opening hermetically again.


All three had stretched out on the mat. Gavroche still had the cellar rat in his hand.


"Now," said he, "go to sleep! I'm going to suppress the candelabra."


"Monsieur," the elder of the brothers asked Gavroche, pointing to the netting, "what's that for?"


"That," answered Gavroche gravely, "is for the rats. Go to sleep!"


Nevertheless, he felt obliged to add a few words of instruction for the benefit of these young creatures, and he continued:—


"It's a thing from the Jardin des Plantes. It's used for fierce animals. There's a whole shopful of them there. All you've got to do is to climb over a wall, crawl through a window, and pass through a door. You can get as much as you want."


As he spoke, he wrapped the younger one up bodily in a fold of the blanket, and the little one murmured:—


"Oh! how good that is! It's warm!"


Gavroche cast a pleased eye on the blanket.


"That's from the Jardin des Plantes, too," said he. "I took that from the monkeys."


And, pointing out to the eldest the mat on which he was lying, a very thick and admirably made mat, he added:—


"That belonged to the giraffe."


After a pause he went on:—


"The beasts had all these things. I took them away from them. It didn't trouble them. I told them: 'It's for the elephant.'"


He paused, and then resumed:—


"You crawl over the walls and you don't care a straw for the government. So there now!"


The two children gazed with timid and stupefied respect on this intrepid and ingenious being, a vagabond like themselves, isolated like themselves, frail like themselves, who had something admirable and all-powerful about him, who seemed supernatural to them, and whose physiognomy was composed of all the grimaces of an old mountebank, mingled with the most ingenuous and charming smiles.


"Monsieur," ventured the elder timidly, "you are not afraid of the police, then?"


Gavroche contented himself with replying:—


"Brat! Nobody says 'police,' they say 'bobbies.'"


The smaller had his eyes wide open, but he said nothing. As he was on the edge of the mat, the elder being in the middle, Gavroche tucked the blanket round him as a mother might have done, and heightened the mat under his head with old rags, in such a way as to form a pillow for the child. Then he turned to the elder:—


"Hey! We're jolly comfortable here, ain't we?"


"Ah, yes!" replied the elder, gazing at Gavroche with the expression of a saved angel.


The two poor little children who had been soaked through, began to grow warm once more.


"Ah, by the way," continued Gavroche, "what were you bawling about?"


And pointing out the little one to his brother:—


"A mite like that, I've nothing to say about, but the idea of a big fellow like you crying! It's idiotic; you looked like a calf."


"Gracious," replied the child, "we have no lodging."


"Bother!" retorted Gavroche, "you don't say 'lodgings,' you say 'crib.'"


"And then, we were afraid of being alone like that at night."


"You don't say 'night,' you say 'darkmans.'"


"Thank you, sir," said the child.


"Listen," went on Gavroche, "you must never bawl again over anything. I'll take care of you. You shall see what fun we'll have. In summer, we'll go to the Glaciere with Navet, one of my pals, we'll bathe in the Gare, we'll run stark naked in front of the rafts on the bridge at Austerlitz,—that makes the laundresses raging. They scream, they get mad, and if you only knew how ridiculous they are! We'll go and see the man-skeleton. And then I'll take you to the play. I'll take you to see Frederick Lemaitre. I have tickets, I know some of the actors, I even played in a piece once. There were a lot of us fellers, and we ran under a cloth, and that made the sea. I'll get you an engagement at my theatre. We'll go to see the savages. They ain't real, those savages ain't. They wear pink tights that go all in wrinkles, and you can see where their elbows have been darned with white. Then, we'll go to the Opera. We'll get in with the hired applauders. The Opera claque is well managed. I wouldn't associate with the claque on the boulevard. At the Opera, just fancy! some of them pay twenty sous, but they're ninnies. They're called dishclouts. And then we'll go to see the guillotine work. I'll show you the executioner. He lives in the Rue des Marais. Monsieur Sanson. He has a letter-box at his door. Ah! we'll have famous fun!"


At that moment a drop of wax fell on Gavroche's finger, and recalled him to the realities of life.


"The deuce!" said he, "there's the wick giving out. Attention! I can't spend more than a sou a month on my lighting. When a body goes to bed, he must sleep. We haven't the time to read M. Paul de Kock's romances. And besides, the light might pass through the cracks of the porte-cochère, and all the bobbies need to do is to see it."


"And then," remarked the elder timidly,—he alone dared talk to Gavroche, and reply to him, "a spark might fall in the straw, and we must look out and not burn the house down."


"People don't say 'burn the house down,'" remarked Gavroche, "they say 'blaze the crib.'"


The storm increased in violence, and the heavy downpour beat upon the back of the colossus amid claps of thunder. "You're taken in, rain!" said Gavroche. "It amuses me to hear the decanter run down the legs of the house. Winter is a stupid; it wastes its merchandise, it loses its labor, it can't wet us, and that makes it kick up a row, old water-carrier that it is."


This allusion to the thunder, all the consequences of which Gavroche, in his character of a philosopher of the nineteenth century, accepted, was followed by a broad flash of lightning, so dazzling that a hint of it entered the belly of the elephant through the crack. Almost at the same instant, the thunder rumbled with great fury. The two little creatures uttered a shriek, and started up so eagerly that the network came near being displaced, but Gavroche turned his bold face to them, and took advantage of the clap of thunder to burst into a laugh.


"Calm down, children. Don't topple over the edifice. That's fine, first-class thunder; all right. That's no slouch of a streak of lightning. Bravo for the good God! Deuce take it! It's almost as good as it is at the Ambigu."


That said, he restored order in the netting, pushed the two children gently down on the bed, pressed their knees, in order to stretch them out at full length, and exclaimed:—


"Since the good God is lighting his candle, I can blow out mine. Now, babes, now, my young humans, you must shut your peepers. It's very bad not to sleep. It'll make you swallow the strainer, or, as they say, in fashionable society, stink in the gullet. Wrap yourself up well in the hide! I'm going to put out the light. Are you ready?"


"Yes," murmured the elder, "I'm all right. I seem to have feathers under my head."


"People don't say 'head,'" cried Gavroche, "they say 'nut'."


The two children nestled close to each other, Gavroche finished arranging them on the mat, drew the blanket up to their very ears, then repeated, for the third time, his injunction in the hieratical tongue:—


"Shut your peepers!"


And he snuffed out his tiny light.


Hardly had the light been extinguished, when a peculiar trembling began to affect the netting under which the three children lay.


It consisted of a multitude of dull scratches which produced a metallic sound, as if claws and teeth were gnawing at the copper wire. This was accompanied by all sorts of little piercing cries.


The little five-year-old boy, on hearing this hubbub overhead, and chilled with terror, jogged his brother's elbow; but the elder brother had already shut his peepers, as Gavroche had ordered. Then the little one, who could no longer control his terror, questioned Gavroche, but in a very low tone, and with bated breath:—


"Sir?"


"Hey?" said Gavroche, who had just closed his eyes.


"What is that?"


"It's the rats," replied Gavroche.


And he laid his head down on the mat again.


The rats, in fact, who swarmed by thousands in the carcass of the elephant, and who were the living black spots which we have already mentioned, had been held in awe by the flame of the candle, so long as it had been lighted; but as soon as the cavern, which was the same as their city, had returned to darkness, scenting what the good story-teller Perrault calls "fresh meat," they had hurled themselves in throngs on Gavroche's tent, had climbed to the top of it, and had begun to bite the meshes as though seeking to pierce this new-fangled trap.


Still the little one could not sleep.


"Sir?" he began again.


"Hey?" said Gavroche.


"What are rats?"


"They are mice."


This explanation reassured the child a little. He had seen white mice in the course of his life, and he was not afraid of them. Nevertheless, he lifted up his voice once more.


"Sir?"


"Hey?" said Gavroche again.


"Why don't you have a cat?"


"I did have one," replied Gavroche, "I brought one here, but they ate her."


This second explanation undid the work of the first, and the little fellow began to tremble again.


The dialogue between him and Gavroche began again for the fourth time:—


"Monsieur?"


"Hey?"


"Who was it that was eaten?"


"The cat."


"And who ate the cat?"


"The rats."


"The mice?"


"Yes, the rats."


The child, in consternation, dismayed at the thought of mice which ate cats, pursued:—


"Sir, would those mice eat us?"


"Wouldn't they just!" ejaculated Gavroche.


The child's terror had reached its climax. But Gavroche added:—


"Don't be afraid. They can't get in. And besides, I'm here! Here, catch hold of my hand. Hold your tongue and shut your peepers!"


At the same time Gavroche grasped the little fellow's hand across his brother. The child pressed the hand close to him, and felt reassured. Courage and strength have these mysterious ways of communicating themselves. Silence reigned round them once more, the sound of their voices had frightened off the rats; at the expiration of a few minutes, they came raging back, but in vain, the three little fellows were fast asleep and heard nothing more.


The hours of the night fled away. Darkness covered the vast Place de la Bastille. A wintry gale, which mingled with the rain, blew in gusts, the patrol searched all the doorways, alleys, enclosures, and obscure nooks, and in their search for nocturnal vagabonds they passed in silence before the elephant; the monster, erect, motionless, staring open-eyed into the shadows, had the appearance of dreaming happily over his good deed; and sheltered from heaven and from men the three poor sleeping children.


In order to understand what is about to follow, the reader must remember, that, at that epoch, the Bastille guard-house was situated at the other end of the square, and that what took place in the vicinity of the elephant could neither be seen nor heard by the sentinel.


Towards the end of that hour which immediately precedes the dawn, a man turned from the Rue Saint-Antoine at a run, made the circuit of the enclosure of the column of July, and glided between the palings until he was underneath the belly of the elephant. If any light had illuminated that man, it might have been divined from the thorough manner in which he was soaked that he had passed the night in the rain. Arrived beneath the elephant, he uttered a peculiar cry, which did not belong to any human tongue, and which a paroquet alone could have imitated. Twice he repeated this cry, of whose orthography the following barely conveys an idea:—


"Kirikikiou!"


At the second cry, a clear, young, merry voice responded from the belly of the elephant:—


"Yes!"


Almost immediately, the plank which closed the hole was drawn aside, and gave passage to a child who descended the elephant's leg, and fell briskly near the man. It was Gavroche. The man was Montparnasse.


As for his cry of Kirikikiou,—that was, doubtless, what the child had meant, when he said:—


"You will ask for Monsieur Gavroche."


On hearing it, he had waked with a start, had crawled out of his "alcove," pushing apart the netting a little, and carefully drawing it together again, then he had opened the trap, and descended.


The man and the child recognized each other silently amid the gloom: Montparnasse confined himself to the remark:—


"We need you. Come, lend us a hand."


The lad asked for no further enlightenment.


"I'm with you," said he.


And both took their way towards the Rue Saint-Antoine, whence Montparnasse had emerged, winding rapidly through the long file of market-gardeners' carts which descend towards the markets at that hour.


The market-gardeners, crouching, half-asleep, in their wagons, amid the salads and vegetables, enveloped to their very eyes in their mufflers on account of the beating rain, did not even glance at these strange pedestrians.

Translation notes[edit]

Keksekça? et/and Kekçaa?[edit]

The plausibility that Hugo's direct-from-speech transliteration was avant-garde is suggested by its treatment by translators. The 19th century English translators didn't translate Hugo's direct-to-speech transliterations. Neither "Keksekça?" nor its meaning "Qu'est-ce que c'est que cela?" are translated into English in either the 1862 Wraxall or the 1887 Hapgood English translations.[1][2] The other transliteration, "Kekçaa?", and its formal explication, "qu'est-ce que cela a?", also remain as is. An 1876 translation cited by Google Books as by C. E. Wilbour, omits Hugo's direct-from-speech transliterations, making a smoother reading experience, but losing Hugo's "but wait I haven't told you everything yet" style that makes Hugo's local-world-epoch story so delicious.[3]

Fahnestock and MacAfee translate the direct-from-speech transliterations the way Wright translates Queneau's (see textual note, below).

Keksekça? becomes Whazzachuaver

and

Kekçaa? becomes Whazzematruthat[4]

Textual notes[edit]

Merlan (whiting)[edit]

A sobriquet given to hairdressers because they are white with powder. [5]

The Abbéy of Ascend-with-Regret[edit]

The scaffold. [5]

Keksekça? and Kekçaa? (direct-from-speech transliteration)[edit]

"Doukipudonkton, se demanda Gabriel excédé" opens Raymond Queneau's dazzling 1959 novel Zazie dans le métro.[6] Barbara Wright translates Queneau's direct-from-speech transliteration of Gabriel's question as "Howcanyastinksotho."[7] This direct-from-speech transliteration, made famous more recently by Irvine Welsh with Train Spotting, shows up a century before Zazie dans le métro in Les Misérables.

Having read almost none of Les Misérables in French I am uncertain if the direct-from-speech transliterations appear only in the second half, but the two interrogatives of Gavroche the street kid, only pages apart (in Vol. 4, Bk. 6, Ch. 2), are

Keksekça?

and

Kekçaa?

Using Fahnestock and MacAfee's English translation as a guide, Keksekça? and Kekçaa? seem to be the first instances in the novel, as if Hugo discovered this new dialogic method well into the writing.

Les Misérables's narrator explains this dialogic method after the second transliteration:

Ceci est encore un mot de la langue que personne n'écrit et que tout le monde parle.

That is, This is another word of the language no one writes but everyone speaks.

The need for in-text explanation suggests a new literary method.

Citations[edit]

  1. Hugo, Victor. Les Misérables, Volume 2. Trans. Sir Frederick Charles Lascelles Wraxall (3rd Baronet). London: Hurst and Blackett, Publisher, 1862. Digitized by Google, original from Oxford University's Bibliotheca Bodleiana. https://books.google.com/books?id=TuQBAAAAQAAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
  2. Hugo, Victor. Les Misérables. Trans. Isabel F. Hapgood. New York: Thomas Y. Crowell & Co., 1887. A Project Gutenberg Ebook. http://www.gutenberg.org/files/135/135-h/135-h.htm#link2HCH0148
  3. Hugo, Victor. Les Misérables: Jean Valjean. Trans. Charles Edwin Wilbour. London: Ward, Lock, and Tyler, Warwick House, Paternoster Row, 1876. Digitized by Google, originally from Oxford University's Bodleian Library. https://books.google.com/books?id=qhwGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
  4. Hugo, Victor. Les Misérables. Trans. Lee Fahnestock and Norman MacAfee. New York: Signet Classics, Penguin Group, 2013, p. 948, 951.
  5. 5.0 5.1 Hugo, Victor. Les Misérables. Complete in Five Volumes. Trans. Isabel F Hapgood. Project Gutenberg eBook, 2008.
  6. Queneau, Raymond. Zazie dans le métro. Folio, Editions Gallimard, 1959. p. 11.
  7. Queneau, Raymond. Zazie. Trans. Barbara Wright. Bantam Books: Toronto, 1968. p. 1