Volume 5/Book 1/Chapter 16

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Les Misérables, Volume 5: Jean Valjean, Book First: The War Between Four Walls, Chapter 16: How from a Brother One Becomes a Father
(Tome 5: Jean Valjean, Livre premier: La guerre entre quatre murs, Chapitre 16: Comment de frère on devient père)

General notes on this chapter

French text

Il y avait en ce moment-là même dans le jardin du Luxembourg—car le regard du drame doit être présent partout,—deux enfants qui se tenaient par la main. L'un pouvait avoir sept ans, l'autre cinq. La pluie les ayant mouillés, ils marchaient dans les allées du côté du soleil; l'aîné conduisait le petit; ils étaient en haillons et pâles; ils avaient un air d'oiseaux fauves. Le plus petit disait: J'ai bien faim.


L'aîné, déjà un peu protecteur, conduisait son frère de la main gauche et avait une baguette dans sa main droite.


Ils étaient seuls dans le jardin. Le jardin était désert, les grilles étaient fermées par mesure de police à cause de l'insurrection. Les troupes qui y avaient bivouaqué en étaient sorties pour les besoins du combat.


Comment ces enfants étaient-ils là? Peut-être s'étaient-ils évadés de quelque corps de garde entrebâillé; peut-être aux environs, à la barrière d'Enfer, ou sur l'esplanade de l'Observatoire, ou dans le carrefour voisin dominé par le fronton où on lit: invenerunt parvulum pannis involutum, y avait-il quelque baraque de saltimbanques dont ils s'étaient enfuis; peut-être avaient-ils, la veille au soir, trompé l'œil des inspecteurs du jardin à l'heure de la clôture, et avaient-ils passé la nuit dans quelqu'une de ces guérites où on lit les journaux? Le fait est qu'ils étaient errants et qu'ils semblaient libres. Être errant et sembler libre, c'est être perdu. Ces pauvres petits étaient perdus en effet.


Ces deux enfants étaient ceux-là mêmes dont Gavroche avait été en peine, et que le lecteur se rappelle. Enfants des Thénardier, en location chez la Magnon, attribués à M. Gillenormand, et maintenant feuilles tombées de toutes ces branches sans racines, et roulées sur la terre par le vent.


Leurs vêtements, propres du temps de la Magnon et qui lui servaient de prospectus vis-à-vis de M. Gillenormand, étaient devenus guenilles.


Ces êtres appartenaient désormais à la statistique des «Enfants Abandonnés» que la police constate, ramasse, égare et retrouve sur le pavé de Paris.


Il fallait le trouble d'un tel jour pour que ces petits misérables fussent dans ce jardin. Si les surveillants les eussent aperçus, ils eussent chassé ces haillons. Les petits pauvres n'entrent pas dans les jardins publics: pourtant on devrait songer que, comme enfants, ils ont droit aux fleurs.


Ceux-ci étaient là, grâce aux grilles fermées. Ils étaient en contravention. Ils s'étaient glissés dans le jardin, et ils y étaient restés. Les grilles fermées ne donnent pas congé aux inspecteurs, la surveillance est censée continuer, mais elle s'amollit et se repose; et les inspecteurs, émus eux aussi par l'anxiété publique et plus occupés du dehors que du dedans, ne regardaient plus le jardin, et n'avaient pas vu les deux délinquants.


Il avait plu la veille, et même un peu le matin. Mais en juin les ondées ne comptent pas. C'est à peine si l'on s'aperçoit, une heure après un orage, que cette belle journée blonde a pleuré. La terre en été est aussi vite sèche que la joue d'un enfant.


À cet instant du solstice, la lumière du plein midi est, pour ainsi dire, poignante. Elle prend tout. Elle s'applique et se superpose à la terre avec une sorte de succion. On dirait que le soleil a soif. Une averse est un verre d'eau; une pluie est tout de suite bue. Le matin tout ruisselait, l'après-midi tout poudroie.


Rien n'est admirable comme une verdure débarbouillée par la pluie et essuyée par le rayon; c'est de la fraîcheur chaude. Les jardins et les prairies, ayant de l'eau dans leurs racines et du soleil dans leurs fleurs, deviennent des cassolettes d'encens et fument de tous leurs parfums à la fois. Tout rit, chante et s'offre. On se sent doucement ivre. Le printemps est un paradis provisoire; le soleil aide à faire patienter l'homme.


Il y a des êtres qui n'en demandent pas davantage; vivants qui, ayant l'azur du ciel, disent: c'est assez! songeurs absorbés dans le prodige, puisant dans l'idolâtrie de la nature l'indifférence du bien et du mal, contemplateurs du cosmos radieusement distraits de l'homme, qui ne comprennent pas qu'on s'occupe de la faim de ceux-ci, de la soif de ceux-là, de la nudité du pauvre en hiver, de la courbure lymphatique d'une petite épine dorsale, du grabat, du grenier, du cachot, et des haillons des jeunes filles grelottantes, quand on peut rêver sous les arbres; esprits paisibles et terribles, impitoyablement satisfaits. Chose étrange, l'infini leur suffît. Ce grand besoin de l'homme, le fini, qui admet l'embrassement, ils l'ignorent. Le fini, qui admet le progrès, ce travail sublime, ils n'y songent pas. L'indéfini, qui naît de la combinaison humaine et divine de l'infini et du fini, leur échappe. Pourvu qu'ils soient face à face avec l'immensité, ils sourient. Jamais la joie, toujours l'extase. S'abîmer, voilà leur vie. L'histoire de l'humanité pour eux n'est qu'un plan parcellaire; Tout n'y est pas; le vrai Tout reste en dehors; à quoi bon s'occuper de ce détail, l'homme? L'homme souffre, c'est possible; mais regardez donc Aldebaran qui se lève! La mère n'a plus de lait, le nouveau-né se meurt, je n'en sais rien, mais considérez donc cette rosace merveilleuse que fait une rondelle de l'aubier du sapin examinée au microscope! comparez-moi la plus belle malines à cela! Ces penseurs oublient d'aimer. Le zodiaque réussit sur eux au point de les empêcher de voir l'enfant qui pleure. Dieu leur éclipse l'âme. C'est là une famille d'esprits, à la fois petits et grands. Horace en était, Goethe en était, La Fontaine peut-être; magnifiques égoïstes de l'infini, spectateurs tranquilles de la douleur, qui ne voient pas Néron s'il fait beau, auxquels le soleil cache le bûcher, qui regarderaient guillotiner en y cherchant un effet de lumière, qui n'entendent ni le cri, ni le sanglot, ni le râle, ni le tocsin, pour qui tout est bien puisqu'il y a le mois de mai, qui, tant qu'il y aura des nuages de pourpre et d'or au-dessus de leur tête, se déclarent contents, et qui sont déterminés à être heureux jusqu'à épuisement du rayonnement des astres et du chant des oiseaux.


Ce sont de radieux ténébreux. Ils ne se doutent pas qu'ils sont à plaindre. Certes, ils le sont. Qui ne pleure pas ne voit pas. Il faut les admirer et les plaindre, comme on plaindrait et comme on admirerait un être à la fois nuit et jour qui n'aurait pas d'yeux sous les sourcils et qui aurait un astre au milieu du front.


L'indifférence de ces penseurs, c'est là, selon quelques-uns, une philosophie supérieure. Soit; mais dans cette supériorité il y a de l'infirmité. On peut être immortel et boiteux; témoin Vulcain. On peut être plus qu'homme et moins qu'homme. L'incomplet immense est dans la nature. Qui sait si le soleil n'est pas un aveugle?


Mais alors, quoi! à qui se fier? Solem quis dicere falsum audeat? Ainsi de certains génies eux-mêmes, de certains Très-Hauts humains, des hommes astres, pourraient se tromper? Ce qui est là-haut, au faîte, au sommet, au zénith, ce qui envoie sur la terre tant de clarté, verrait peu, verrait mal, ne verrait pas? Cela n'est-il pas désespérant? Non. Mais qu'y a-t-il donc au-dessus du soleil? Le dieu.


Le 6 juin 1832, vers onze heures du matin, le Luxembourg, solitaire et dépeuplé, était charmant. Les quinconces et les parterres s'envoyaient dans la lumière des baumes et des éblouissements. Les branches, folles à la clarté de midi, semblaient chercher à s'embrasser. Il y avait dans les sycomores un tintamarre de fauvettes, les passereaux triomphaient, les pique-bois grimpaient le long des marronniers en donnant de petits coups de bec dans les trous de l'écorce. Les plates-bandes acceptaient la royauté légitime des lys; le plus auguste des parfums, c'est celui qui sort de la blancheur. On respirait l'odeur poivrée des œillets. Les vieilles corneilles de Marie de Médicis étaient amoureuses dans les grands arbres. Le soleil dorait, empourprait et allumait les tulipes, qui ne sont autre chose que toutes les variétés de la flamme, faites fleurs. Tout autour des bancs de tulipes tourbillonnaient les abeilles, étincelles de ces fleurs flammes. Tout était grâce et gaîté, même la pluie prochaine; cette récidive, dont les muguets et les chèvrefeuilles devaient profiter, n'avait rien d'inquiétant; les hirondelles faisaient la charmante menace de voler bas. Qui était là aspirait du bonheur; la vie sentait bon; toute cette nature exhalait la candeur, le secours, l'assistance, la paternité, la caresse, l'aurore. Les pensées qui tombaient du ciel étaient douces comme une petite main d'enfant qu'on baise.


Les statues sous les arbres, nues et blanches, avaient des robes d'ombre trouées de lumière; ces déesses étaient toutes déguenillées de soleil; il leur pendait des rayons de tous les côtés. Autour du grand bassin, la terre était déjà séchée au point d'être presque brûlée. Il faisait assez de vent pour soulever çà et là de petites émeutes de poussière. Quelques feuilles jaunes, restées du dernier automne, se poursuivaient joyeusement, et semblaient gaminer.


L'abondance de la clarté avait on ne sait quoi de rassurant. Vie, sève, chaleur, effluves, débordaient; on sentait sous la création l'énormité de la source; dans tous ces souffles pénétrés d'amour, dans ce va-et-vient de réverbérations et de reflets, dans cette prodigieuse dépense de rayons, dans ce versement indéfini d'or fluide, on sentait la prodigalité de l'inépuisable; et, derrière cette splendeur comme derrière un rideau de flamme, on entrevoyait Dieu, ce millionnaire d'étoiles.


Grâce au sable, il n'y avait pas une tache de boue; grâce à la pluie, il n'y avait pas un grain de cendre. Les bouquets venaient de se laver; tous les velours, tous les satins, tous les vernis, tous les ors, qui sortent de la terre sous forme de fleurs, étaient irréprochables. Cette magnificence était propre. Le grand silence de la nature heureuse emplissait le jardin. Silence céleste compatible avec mille musiques, roucoulements de nids, bourdonnements d'essaims, palpitations du vent. Toute l'harmonie de la saison s'accomplissait dans un gracieux ensemble; les entrées et les sorties du printemps avaient lieu dans l'ordre voulu; les lilas finissaient, les jasmins commençaient; quelques fleurs étaient attardées, quelques insectes en avance; l'avant-garde des papillons rouges de juin fraternisait avec l'arrière-garde des papillons blancs de mai. Les platanes faisaient peau neuve. La brise creusait des ondulations dans l'énormité magnifique des marronniers. C'était splendide. Un vétéran de la caserne voisine qui regardait à travers la grille disait: Voilà le printemps au port d'armes et en grande tenue.


Toute la nature déjeunait; la création était à table; c'était l'heure; la grande nappe bleue était mise au ciel et la grande nappe verte sur la terre; le soleil éclairait à giorno. Dieu servait le repas universel. Chaque être avait sa pâture ou sa pâtée. Le ramier trouvait du chènevis, le pinson trouvait du millet, le chardonneret trouvait du mouron, le rouge-gorge trouvait des vers, l'abeille trouvait des fleurs, la mouche trouvait des infusoires, le verdier trouvait des mouches. On se mangeait bien un peu les uns les autres, ce qui est le mystère du mal mêlé au bien; mais pas une bête n'avait l'estomac vide.


Les deux petits abandonnés étaient parvenus près du grand bassin, et, un peu troublés par toute cette lumière, ils tâchaient de se cacher, instinct du pauvre et du faible devant la magnificence, même impersonnelle; et ils se tenaient derrière la baraque des cygnes.


Çà et là, par intervalles, quand le vent donnait, on entendait confusément des cris, une rumeur, des espèces de râles tumultueux qui étaient des fusillades, et des frappements sourds qui étaient des coups de canon. Il y avait de la fumée au-dessus des toits du côté des halles. Une cloche, qui avait l'air d'appeler, sonnait au loin.


Ces enfants ne semblaient pas percevoir ces bruits. Le petit répétait de temps en temps à demi-voix: J'ai faim.


Presque au même instant que les deux enfants, un autre couple s'approchait du grand bassin. C'était un bonhomme de cinquante ans qui menait par la main un bonhomme de six ans. Sans doute le père avec son fils. Le bonhomme de six ans tenait une grosse brioche.


À cette époque, de certaines maisons riveraines, rue Madame et rue d'Enfer, avaient une clef du Luxembourg dont jouissaient les locataires quand les grilles étaient fermées, tolérance supprimée depuis. Ce père et ce fils sortaient sans doute d'une de ces maisons-là.


Les deux petits pauvres regardèrent venir ce «monsieur» et se cachèrent un peu plus.


Celui-ci était un bourgeois. Le même peut-être qu'un jour Marius, à travers sa fièvre d'amour, avait entendu, près de ce même grand bassin, conseillant à son fils «d'éviter les excès». Il avait l'air affable et altier, et une bouche qui, ne se fermant pas, souriait toujours. Ce sourire mécanique, produit par trop de mâchoire et trop peu de peau, montre les dents plutôt que l'âme. L'enfant, avec sa brioche mordue qu'il n'achevait pas, semblait gavé. L'enfant était vêtu en garde national à cause de l'émeute, et le père était resté habillé en bourgeois à cause de la prudence.


Le père et le fils s'étaient arrêtés près du bassin où s'ébattaient les deux cygnes. Ce bourgeois paraissait avoir pour les cygnes une admiration spéciale. Il leur ressemblait en ce sens qu'il marchait comme eux.


Pour l'instant les cygnes nageaient, ce qui est leur talent principal, et ils étaient superbes.


Si les deux petits pauvres eussent écouté et eussent été d'âge à comprendre, ils eussent pu recueillir les paroles d'un homme grave. Le père disait au fils:


—Le sage vit content de peu. Regarde-moi, mon fils. Je n'aime pas le faste. Jamais on ne me voit avec des habits chamarrés d'or et de pierreries; je laisse ce faux éclat aux âmes mal organisées.


Ici les cris profonds qui venaient du côté des halles éclatèrent avec un redoublement de cloche et de rumeur.


—Qu'est-ce que c'est que cela? demanda l'enfant.


Le père répondit:


—Ce sont des saturnales.


Tout à coup, il aperçut les deux petits déguenillés, immobiles derrière la maisonnette verte des cygnes.


—Voilà le commencement, dit-il.


Et après un silence il ajouta:


—L'anarchie entre dans ce jardin.


Cependant le fils mordit la brioche, la recracha, et brusquement se mit à pleurer.


—Pourquoi pleures-tu? demanda le père.


—Je n'ai plus faim, dit l'enfant.


Le sourire du père s'accentua.


—On n'a pas besoin de faim pour manger un gâteau.


—Mon gâteau m'ennuie. Il est rassis.


—Tu n'en veux plus?


—Non.


Le père lui montra les cygnes.


—Jette-le à ces palmipèdes.


L'enfant hésita. On ne veut plus de son gâteau; ce n'est pas une raison pour le donner.


Le père poursuivit:


—Sois humain. Il faut avoir pitié des animaux.


Et, prenant à son fils le gâteau, il le jeta dans le bassin.


Le gâteau tomba assez près du bord.


Les cygnes étaient loin, au centre du bassin, et occupés à quelque proie. Ils n'avaient vu ni le bourgeois, ni la brioche.


Le bourgeois, sentant que le gâteau risquait de se perdre, et ému de ce naufrage inutile, se livra à une agitation télégraphique qui finit par attirer l'attention des cygnes.


Ils aperçurent quelque chose qui surnageait, virèrent de bord comme des navires qu'ils sont, et se dirigèrent vers la brioche lentement, avec la majesté béate qui convient à des bêtes blanches.


—Les cygnes comprennent les signes, dit le bourgeois, heureux d'avoir de l'esprit.


En ce moment le tumulte lointain de la ville eut encore un grossissement subit. Cette fois, ce fut sinistre. Il y a des bouffées de vent qui parlent plus distinctement que d'autres. Celle qui soufflait en cet instant-là apporta nettement des roulements de tambour, des clameurs, des feux de peloton, et les répliques lugubres du tocsin et du canon. Ceci coïncida avec un nuage noir qui cacha brusquement le soleil.


Les cygnes n'étaient pas encore arrivés à la brioche.


—Rentrons, dit le père, on attaque les Tuileries. Il ressaisit la main de son fils. Puis il continua:


—Des Tuileries au Luxembourg, il n'y a que la distance qui sépare la royauté de la pairie; ce n'est pas loin. Les coups de fusil vont pleuvoir.


Il regarda le nuage.


—Et peut-être aussi la pluie elle-même va pleuvoir; le ciel s'en mêle; la branche cadette est condamnée. Rentrons vite.


—Je voudrais voir les cygnes manger la brioche, dit l'enfant.


Le père répondit:


—Ce serait une imprudence.


Et il emmena son petit bourgeois.


Le fils, regrettant les cygnes, tourna la tête vers le bassin jusqu'à ce qu'un coude des quinconces le lui eût caché.


Cependant, en même temps que les cygnes, les deux petits errants s'étaient approchés de la brioche. Elle flottait sur l'eau. Le plus petit regardait le gâteau, le plus grand regardait le bourgeois qui s'en allait.


Le père et le fils entrèrent dans le labyrinthe d'allées qui mène au grand escalier du massif d'arbres du côté de la rue Madame.


Dès qu'ils ne furent plus en vue, l'aîné se coucha vivement à plat ventre sur le rebord arrondi du bassin, et, s'y cramponnant de la main gauche, penché sur l'eau, presque prêt à y tomber, étendit avec sa main droite sa baguette vers le gâteau. Les cygnes, voyant l'ennemi, se hâtèrent, et en se hâtant firent un effet de poitrail utile au petit pêcheur; l'eau devant les cygnes reflua, et l'une de ces molles ondulations concentriques poussa doucement la brioche vers la baguette de l'enfant. Comme les cygnes arrivaient, la baguette toucha le gâteau. L'enfant donna un coup vif, ramena la brioche, effraya les cygnes, saisit le gâteau, et se redressa. Le gâteau était mouillé; mais ils avaient faim et soif. L'aîné fit deux parts de la brioche, une grosse et une petite, prit la petite pour lui, donna la grosse à son petit frère, et lui dit:


—Colle-toi ça dans le fusil.


English text

At that same moment, in the garden of the Luxembourg,—for the gaze of the drama must be everywhere present,—two children were holding each other by the hand. One might have been seven years old, the other five. The rain having soaked them, they were walking along the paths on the sunny side; the elder was leading the younger; they were pale and ragged; they had the air of wild birds. The smaller of them said: "I am very hungry."


The elder, who was already somewhat of a protector, was leading his brother with his left hand and in his right he carried a small stick.


They were alone in the garden. The garden was deserted, the gates had been closed by order of the police, on account of the insurrection. The troops who had been bivouacking there had departed for the exigencies of combat.


How did those children come there? Perhaps they had escaped from some guard-house which stood ajar; perhaps there was in the vicinity, at the Barriere d'Enfer; or on the Esplanade de l'Observatoire, or in the neighboring carrefour, dominated by the pediment on which could be read: Invenerunt parvulum pannis involutum, some mountebank's booth from which they had fled; perhaps they had, on the preceding evening, escaped the eye of the inspectors of the garden at the hour of closing, and had passed the night in some one of those sentry-boxes where people read the papers? The fact is, they were stray lambs and they seemed free. To be astray and to seem free is to be lost. These poor little creatures were, in fact, lost.


These two children were the same over whom Gavroche had been put to some trouble, as the reader will recollect. Children of the Thenardiers, leased out to Magnon, attributed to M. Gillenormand, and now leaves fallen from all these rootless branches, and swept over the ground by the wind. Their clothing, which had been clean in Magnon's day, and which had served her as a prospectus with M. Gillenormand, had been converted into rags.


Henceforth these beings belonged to the statistics as "Abandoned children," whom the police take note of, collect, mislay and find again on the pavements of Paris.


It required the disturbance of a day like that to account for these miserable little creatures being in that garden. If the superintendents had caught sight of them, they would have driven such rags forth. Poor little things do not enter public gardens; still, people should reflect that, as children, they have a right to flowers.


These children were there, thanks to the locked gates. They were there contrary to the regulations. They had slipped into the garden and there they remained. Closed gates do not dismiss the inspectors, oversight is supposed to continue, but it grows slack and reposes; and the inspectors, moved by the public anxiety and more occupied with the outside than the inside, no longer glanced into the garden, and had not seen the two delinquents.


It had rained the night before, and even a little in the morning. But in June, showers do not count for much. An hour after a storm, it can hardly be seen that the beautiful blonde day has wept. The earth, in summer, is as quickly dried as the cheek of a child. At that period of the solstice, the light of full noonday is, so to speak, poignant. It takes everything. It applies itself to the earth, and superposes itself with a sort of suction. One would say that the sun was thirsty. A shower is but a glass of water; a rainstorm is instantly drunk up. In the morning everything was dripping, in the afternoon everything is powdered over.


Nothing is so worthy of admiration as foliage washed by the rain and wiped by the rays of sunlight; it is warm freshness. The gardens and meadows, having water at their roots, and sun in their flowers, become perfuming-pans of incense, and smoke with all their odors at once. Everything smiles, sings and offers itself. One feels gently intoxicated. The springtime is a provisional paradise, the sun helps man to have patience.


There are beings who demand nothing further; mortals, who, having the azure of heaven, say: "It is enough!" dreamers absorbed in the wonderful, dipping into the idolatry of nature, indifferent to good and evil, contemplators of cosmos and radiantly forgetful of man, who do not understand how people can occupy themselves with the hunger of these, and the thirst of those, with the nudity of the poor in winter, with the lymphatic curvature of the little spinal column, with the pallet, the attic, the dungeon, and the rags of shivering young girls, when they can dream beneath the trees; peaceful and terrible spirits they, and pitilessly satisfied. Strange to say, the infinite suffices them. That great need of man, the finite, which admits of embrace, they ignore. The finite which admits of progress and sublime toil, they do not think about. The indefinite, which is born from the human and divine combination of the infinite and the finite, escapes them. Provided that they are face to face with immensity, they smile. Joy never, ecstasy forever. Their life lies in surrendering their personality in contemplation. The history of humanity is for them only a detailed plan. All is not there; the true All remains without; what is the use of busying oneself over that detail, man? Man suffers, that is quite possible; but look at Aldebaran rising! The mother has no more milk, the new-born babe is dying. I know nothing about that, but just look at this wonderful rosette which a slice of wood-cells of the pine presents under the microscope! Compare the most beautiful Mechlin lace to that if you can! These thinkers forget to love. The zodiac thrives with them to such a point that it prevents their seeing the weeping child. God eclipses their souls. This is a family of minds which are, at once, great and petty. Horace was one of them; so was Goethe. La Fontaine perhaps; magnificent egoists of the infinite, tranquil spectators of sorrow, who do not behold Nero if the weather be fair, for whom the sun conceals the funeral pile, who would look on at an execution by the guillotine in the search for an effect of light, who hear neither the cry nor the sob, nor the death rattle, nor the alarm peal, for whom everything is well, since there is a month of May, who, so long as there are clouds of purple and gold above their heads, declare themselves content, and who are determined to be happy until the radiance of the stars and the songs of the birds are exhausted.


These are dark radiances. They have no suspicion that they are to be pitied. Certainly they are so. He who does not weep does not see. They are to be admired and pitied, as one would both pity and admire a being at once night and day, without eyes beneath his lashes but with a star on his brow.


The indifference of these thinkers, is, according to some, a superior philosophy. That may be; but in this superiority there is some infirmity. One may be immortal and yet limp: witness Vulcan. One may be more than man and less than man. There is incomplete immensity in nature. Who knows whether the sun is not a blind man?


But then, what? In whom can we trust? Solem quis dicere falsum audeat? Who shall dare to say that the sun is false? Thus certain geniuses, themselves, certain Very-Lofty mortals, man-stars, may be mistaken? That which is on high at the summit, at the crest, at the zenith, that which sends down so much light on the earth, sees but little, sees badly, sees not at all? Is not this a desperate state of things? No. But what is there, then, above the sun? The god.


On the 6th of June, 1832, about eleven o'clock in the morning, the Luxembourg, solitary and depopulated, was charming. The quincunxes and flower-beds shed forth balm and dazzling beauty into the sunlight. The branches, wild with the brilliant glow of midday, seemed endeavoring to embrace. In the sycamores there was an uproar of linnets, sparrows triumphed, woodpeckers climbed along the chestnut trees, administering little pecks on the bark. The flower-beds accepted the legitimate royalty of the lilies; the most august of perfumes is that which emanates from whiteness. The peppery odor of the carnations was perceptible. The old crows of Marie de Medici were amorous in the tall trees. The sun gilded, empurpled, set fire to and lighted up the tulips, which are nothing but all the varieties of flame made into flowers. All around the banks of tulips the bees, the sparks of these flame-flowers, hummed. All was grace and gayety, even the impending rain; this relapse, by which the lilies of the valley and the honeysuckles were destined to profit, had nothing disturbing about it; the swallows indulged in the charming threat of flying low. He who was there aspired to happiness; life smelled good; all nature exhaled candor, help, assistance, paternity, caress, dawn. The thoughts which fell from heaven were as sweet as the tiny hand of a baby when one kisses it.


The statues under the trees, white and nude, had robes of shadow pierced with light; these goddesses were all tattered with sunlight; rays hung from them on all sides. Around the great fountain, the earth was already dried up to the point of being burnt. There was sufficient breeze to raise little insurrections of dust here and there. A few yellow leaves, left over from the autumn, chased each other merrily, and seemed to be playing tricks on each other.


This abundance of light had something indescribably reassuring about it. Life, sap, heat, odors overflowed; one was conscious, beneath creation, of the enormous size of the source; in all these breaths permeated with love, in this interchange of reverberations and reflections, in this marvellous expenditure of rays, in this infinite outpouring of liquid gold, one felt the prodigality of the inexhaustible; and, behind this splendor as behind a curtain of flame, one caught a glimpse of God, that millionaire of stars.


Thanks to the sand, there was not a speck of mud; thanks to the rain, there was not a grain of ashes. The clumps of blossoms had just been bathed; every sort of velvet, satin, gold and varnish, which springs from the earth in the form of flowers, was irreproachable. This magnificence was cleanly. The grand silence of happy nature filled the garden. A celestial silence that is compatible with a thousand sorts of music, the cooing of nests, the buzzing of swarms, the flutterings of the breeze. All the harmony of the season was complete in one gracious whole; the entrances and exits of spring took place in proper order; the lilacs ended; the jasmines began; some flowers were tardy, some insects in advance of their time; the van-guard of the red June butterflies fraternized with the rear-guard of the white butterflies of May. The plantain trees were getting their new skins. The breeze hollowed out undulations in the magnificent enormity of the chestnut-trees. It was splendid. A veteran from the neighboring barracks, who was gazing through the fence, said: "Here is the Spring presenting arms and in full uniform."


All nature was breakfasting; creation was at table; this was its hour; the great blue cloth was spread in the sky, and the great green cloth on earth; the sun lighted it all up brilliantly. God was serving the universal repast. Each creature had his pasture or his mess. The ring-dove found his hemp-seed, the chaffinch found his millet, the goldfinch found chickweed, the red-breast found worms, the green finch found flies, the fly found infusoriae, the bee found flowers. They ate each other somewhat, it is true, which is the misery of evil mixed with good; but not a beast of them all had an empty stomach.


The two little abandoned creatures had arrived in the vicinity of the grand fountain, and, rather bewildered by all this light, they tried to hide themselves, the instinct of the poor and the weak in the presence of even impersonal magnificence; and they kept behind the swans' hutch.


Here and there, at intervals, when the wind blew, shouts, clamor, a sort of tumultuous death rattle, which was the firing, and dull blows, which were discharges of cannon, struck the ear confusedly. Smoke hung over the roofs in the direction of the Halles. A bell, which had the air of an appeal, was ringing in the distance.


These children did not appear to notice these noises. The little one repeated from time to time: "I am hungry."


Almost at the same instant with the children, another couple approached the great basin. They consisted of a goodman, about fifty years of age, who was leading by the hand a little fellow of six. No doubt, a father and his son. The little man of six had a big brioche.


At that epoch, certain houses abutting on the river, in the Rues Madame and d'Enfer, had keys to the Luxembourg garden, of which the lodgers enjoyed the use when the gates were shut, a privilege which was suppressed later on. This father and son came from one of these houses, no doubt.


The two poor little creatures watched "that gentleman" approaching, and hid themselves a little more thoroughly.


He was a bourgeois. The same person, perhaps, whom Marius had one day heard, through his love fever, near the same grand basin, counselling his son "to avoid excesses." He had an affable and haughty air, and a mouth which was always smiling, since it did not shut. This mechanical smile, produced by too much jaw and too little skin, shows the teeth rather than the soul. The child, with his brioche, which he had bitten into but had not finished eating, seemed satiated. The child was dressed as a National Guardsman, owing to the insurrection, and the father had remained clad as a bourgeois out of prudence.


Father and son halted near the fountain where two swans were sporting. This bourgeois appeared to cherish a special admiration for the swans. He resembled them in this sense, that he walked like them.


For the moment, the swans were swimming, which is their principal talent, and they were superb.


If the two poor little beings had listened and if they had been of an age to understand, they might have gathered the words of this grave man. The father was saying to his son:


"The sage lives content with little. Look at me, my son. I do not love pomp. I am never seen in clothes decked with gold lace and stones; I leave that false splendor to badly organized souls."


Here the deep shouts which proceeded from the direction of the Halles burst out with fresh force of bell and uproar.


"What is that?" inquired the child.


The father replied:


"It is the Saturnalia."


All at once, he caught sight of the two little ragged boys behind the green swan-hutch.


"There is the beginning," said he.


And, after a pause, he added:


"Anarchy is entering this garden."


In the meanwhile, his son took a bite of his brioche, spit it out, and, suddenly burst out crying.


"What are you crying about?" demanded his father.


"I am not hungry any more," said the child.


The father's smile became more accentuated.


"One does not need to be hungry in order to eat a cake."


"My cake tires me. It is stale."


"Don't you want any more of it?"


"No."


The father pointed to the swans.


"Throw it to those palmipeds."


The child hesitated. A person may not want any more of his cake; but that is no reason for giving it away.


The father went on:


"Be humane. You must have compassion on animals."


And, taking the cake from his son, he flung it into the basin.


The cake fell very near the edge.


The swans were far away, in the centre of the basin, and busy with some prey. They had seen neither the bourgeois nor the brioche.


The bourgeois, feeling that the cake was in danger of being wasted, and moved by this useless shipwreck, entered upon a telegraphic agitation, which finally attracted the attention of the swans.


They perceived something floating, steered for the edge like ships, as they are, and slowly directed their course toward the brioche, with the stupid majesty which befits white creatures.


"The swans [cygnes] understand signs [signes]," said the bourgeois, delighted to make a jest.


At that moment, the distant tumult of the city underwent another sudden increase. This time it was sinister. There are some gusts of wind which speak more distinctly than others. The one which was blowing at that moment brought clearly defined drum-beats, clamors, platoon firing, and the dismal replies of the tocsin and the cannon. This coincided with a black cloud which suddenly veiled the sun.


The swans had not yet reached the brioche.


"Let us return home," said the father, "they are attacking the Tuileries."


He grasped his son's hand again. Then he continued:


"From the Tuileries to the Luxembourg, there is but the distance which separates Royalty from the peerage; that is not far. Shots will soon rain down."


He glanced at the cloud.


"Perhaps it is rain itself that is about to shower down; the sky is joining in; the younger branch is condemned. Let us return home quickly."


"I should like to see the swans eat the brioche," said the child.


The father replied:


"That would be imprudent."


And he led his little bourgeois away.


The son, regretting the swans, turned his head back toward the basin until a corner of the quincunxes concealed it from him.


In the meanwhile, the two little waifs had approached the brioche at the same time as the swans. It was floating on the water. The smaller of them stared at the cake, the elder gazed after the retreating bourgeois.


Father and son entered the labyrinth of walks which leads to the grand flight of steps near the clump of trees on the side of the Rue Madame.


As soon as they had disappeared from view, the elder child hastily flung himself flat on his stomach on the rounding curb of the basin, and clinging to it with his left hand, and leaning over the water, on the verge of falling in, he stretched out his right hand with his stick towards the cake. The swans, perceiving the enemy, made haste, and in so doing, they produced an effect of their breasts which was of service to the little fisher; the water flowed back before the swans, and one of these gentle concentric undulations softly floated the brioche towards the child's wand. Just as the swans came up, the stick touched the cake. The child gave it a brisk rap, drew in the brioche, frightened away the swans, seized the cake, and sprang to his feet. The cake was wet; but they were hungry and thirsty. The elder broke the cake into two portions, a large one and a small one, took the small one for himself, gave the large one to his brother, and said to him:


"Ram that into your muzzle."


Translation notes

Textual notes

Citations