Difference between revisions of "Volume 1/Book 7/Chapter 6"

From Les Misérables Annotation Project
Jump to: navigation, search
(Created page with "Les Misérables, Volume 1: Fantine, Book seventh: The Champmathieu Affair, Chapter 5: Hindrances<br /> (Tome 1: Fantine, Livre septième: L'affaire Champmathieu, C...")
 
 
Line 1: Line 1:
Les Mis&eacute;rables, Volume 1: Fantine, Book seventh: The Champmathieu Affair, Chapter 5: Hindrances<br />
+
Les Mis&eacute;rables, Volume 1: Fantine, Book seventh: The Champmathieu Affair, Chapter 6: Sister Simplice put to the proof<br />
(Tome 1: Fantine, Livre septi&egrave;me: L'affaire Champmathieu, Chapitre 5: Bâtons dans les roues)
+
(Tome 1: Fantine, Livre septi&egrave;me: L'affaire Champmathieu, Chapitre 6:  
 +
La sœur Simplice mise à l'épreuve)
  
 
==General notes on this chapter==
 
==General notes on this chapter==
Line 6: Line 7:
 
==French text==
 
==French text==
  
Le service des postes d'Arras à Montreuil-sur-mer se faisait encore à cette époque par de petites malles du temps de l'empire. Ces malles étaient des cabriolets à deux roues, tapissés de cuir fauve au dedans, suspendus sur des ressorts à pompe, et n'ayant que deux places, l'une pour le courrier, l'autre pour le voyageur. Les roues étaient armées de ces longs moyeux offensifs qui tiennent les autres voitures à distance et qu'on voit encore sur les routes d'Allemagne. Le coffre aux dépêches, immense boîte oblongue, était placé derrière le cabriolet et faisait corps avec lui. Ce coffre était peint en noir et le cabriolet en jaune.
+
Cependant, en ce moment-là même, Fantine était dans la joie.
  
Ces voitures, auxquelles rien ne ressemble aujourd'hui, avaient je ne sais quoi de difforme et de bossu, et, quand on les voyait passer de loin et ramper dans quelque route à l'horizon, elles ressemblaient à ces insectes qu'on appelle, je crois, termites, et qui, avec un petit corsage, traînent un gros arrière-train. Elles allaient, du reste, fort vite. La malle partie d'Arras toutes les nuits à une heure, après le passage du courrier de Paris, arrivait à Montreuil-sur-mer un peu avant cinq heures du matin.
+
Elle avait passé une très mauvaise nuit. Toux affreuse, redoublement de fièvre; elle avait eu des songes. Le matin, à la visite du médecin, elle délirait. Il avait eu l'air alarmé et avait recommandé qu'on le prévînt dès que M. Madeleine viendrait.
  
Cette nuit-là, la malle qui descendait à Montreuil-sur-mer par la route de Hesdin accrocha, au tournant d'une rue, au moment où elle entrait dans la ville, un petit tilbury attelé d'un cheval blanc, qui venait en sens inverse et dans lequel il n'y avait qu'une personne, un homme enveloppé d'un manteau. La roue du tilbury reçut un choc assez rude. Le courrier cria à cet homme d'arrêter, mais le voyageur n'écouta pas, et continua sa route au grand trot.
+
Toute la matinée elle fut morne, parla peu, et fit des plis à ses draps en murmurant à voix basse des calculs qui avaient l'air d'être des calculs de distances. Ses yeux étaient caves et fixes. Ils paraissaient presque éteints, et puis, par moments, ils se rallumaient et resplendissaient comme des étoiles. Il semble qu'aux approches d'une certaine heure sombre, la clarté du ciel emplisse ceux que quitte la clarté de la terre.
  
—Voilà un homme diablement pressé! dit le courrier.
+
Chaque fois que la sœur Simplice lui demandait comment elle se trouvait, elle répondait invariablement:
  
L'homme qui se hâtait ainsi, c'est celui que nous venons de voir se débattre dans des convulsions dignes à coup sûr de pitié.
+
—Bien. Je voudrais voir monsieur Madeleine.
  
Où allait-il? Il n'eût pu le dire. Pourquoi se hâtait-il? Il ne savait. Il allait au hasard devant lui. Où? À Arras sans doute; mais il allait peut-être ailleurs aussi. Par moments il le sentait, et il tressaillait.
+
Quelques mois auparavant, à ce moment où Fantine venait de perdre sa dernière pudeur, sa dernière honte et sa dernière joie, elle était l'ombre d'elle-même; maintenant elle en était le spectre. Le mal physique avait complété l'œuvre du mal moral. Cette créature de vingt-cinq ans avait le front ridé, les joues flasques, les narines pincées, les dents déchaussées, le teint plombé, le cou osseux, les clavicules saillantes, les membres chétifs, la peau terreuse, et ses cheveux blonds poussaient mêlés de cheveux gris. Hélas! comme la maladie improvise la vieillesse! À midi, le médecin revint, il fit quelques prescriptions, s'informa si M. le maire avait paru à l'infirmerie, et branla la tête.
  
Il s'enfonçait dans cette nuit comme dans un gouffre. Quelque chose le poussait, quelque chose l'attirait. Ce qui se passait en lui, personne ne pourrait le dire, tous le comprendront. Quel homme n'est entré, au moins une fois en sa vie, dans cette obscure caverne de l'inconnu?
+
M. Madeleine venait d'habitude à trois heures voir la malade. Comme l'exactitude était de la bonté, il était exact.
  
Du reste il n'avait rien résolu, rien décidé, rien arrêté, rien fait. Aucun des actes de sa conscience n'avait été définitif. Il était plus que jamais comme au premier moment. Pourquoi allait-il à Arras?
+
Vers deux heures et demie, Fantine commença à s'agiter. Dans l'espace de vingt minutes, elle demanda plus de dix fois à la religieuse:
  
Il se répétait ce qu'il s'était déjà dit en retenant le cabriolet de Scaufflaire,—que, quel que dût être le résultat, il n'y avait aucun inconvénient à voir de ses yeux, à juger les choses par lui-même;—que cela même était prudent, qu'il fallait savoir ce qui se passerait; qu'on ne pouvait rien décider sans avoir observé et scruté;—que de loin on se faisait des montagnes de tout; qu'au bout du compte, lorsqu'il aurait vu ce Champmathieu, quelque misérable, sa conscience serait probablement fort soulagée de le laisser aller au bagne à sa place;—qu'à la vérité il y aurait là Javert, et ce Brevet, ce Chenildieu, ce Cochepaille, anciens forçats qui l'avaient connu; mais qu'à coup sûr ils ne le reconnaîtraient pas;—bah! quelle idée!—que Javert en était à cent lieues;—que toutes les conjectures et toutes les suppositions étaient fixées sur ce Champmathieu, et que rien n'est entêté comme les suppositions et les conjectures;—qu'il n'y avait donc aucun danger. Que sans doute c'était un moment noir, mais qu'il en sortirait;—qu'après tout il tenait sa destinée, si mauvaise qu'elle voulût être, dans sa main;—qu'il en était le maître. Il se cramponnait à cette pensée.
+
—Ma sœur, quelle heure est-il?
  
Au fond, pour tout dire, il eût mieux aimé ne point aller à Arras.
+
Trois heures sonnèrent. Au troisième coup, Fantine se dressa sur son séant, elle qui d'ordinaire pouvait à peine remuer dans son lit; elle joignit dans une sorte d'étreinte convulsive ses deux mains décharnées et jaunes, et la religieuse entendit sortir de sa poitrine un de ces soupirs profonds qui semblent soulever un accablement. Puis Fantine se tourna et regarda la porte.
  
Cependant il y allait.
+
Personne n'entra; la porte ne s'ouvrit point.
  
Tout en songeant, il fouettait le cheval, lequel trottait de ce bon trot réglé et sûr qui fait deux lieues et demie à l'heure.
+
Elle resta ainsi un quart d'heure, l'œil attaché sur la porte, immobile et comme retenant son haleine. La sœur n'osait lui parler. L'église sonna trois heures un quart. Fantine se laissa retomber sur l'oreiller.
  
À mesure que le cabriolet avançait, il sentait quelque chose en lui qui reculait.
+
Elle ne dit rien et se remit à faire des plis à son drap. La demi-heure passa, puis l'heure. Personne ne vint.
  
Au point du jour il était en rase campagne; la ville de Montreuil-sur-mer était assez loin derrière lui. Il regarda l'horizon blanchir; il regarda, sans les voir, passer devant ses yeux toutes les froides figures d'une aube d'hiver. Le matin a ses spectres comme le soir. Il ne les voyait pas, mais, à son insu, et par une sorte de pénétration presque physique, ces noires silhouettes d'arbres et de collines ajoutaient à l'état violent de son âme je ne sais quoi de morne et de sinistre.
+
Chaque fois que l'horloge sonnait, Fantine se dressait et regardait du côté de la porte, puis elle retombait.
  
Chaque fois qu'il passait devant une de ces maisons isolées qui côtoient parfois les routes, il se disait: il y a pourtant là-dedans des gens qui dorment!
+
On voyait clairement sa pensée, mais elle ne prononçait aucun nom, elle ne se plaignait pas, elle n'accusait pas. Seulement elle toussait d'une façon lugubre. On eût dit que quelque chose d'obscur s'abaissait sur elle. Elle était livide et avait les lèvres bleues. Elle souriait par moments.
  
Le trot du cheval, les grelots du harnais, les roues sur le pavé, faisaient un bruit doux et monotone. Ces choses-là sont charmantes quand on est joyeux et lugubres quand on est triste. Il était grand jour lorsqu'il arriva à Hesdin. Il s'arrêta devant une auberge pour laisser souffler le cheval et lui faire donner l'avoine.
+
Cinq heures sonnèrent. Alors la sœur l'entendit qui disait très bas et doucement:
  
Ce cheval était, comme l'avait dit Scaufflaire, de cette petite race du Boulonnais qui a trop de tête, trop de ventre et pas assez d'encolure, mais qui a le poitrail ouvert, la croupe large, la jambe sèche et fine et le pied solide; race laide, mais robuste et saine. L'excellente bête avait fait cinq lieues en deux heures et n'avait pas une goutte de sueur sur la croupe.
+
—Mais puisque je m'en vais demain, il a tort de ne pas venir aujourd'hui!
  
Il n'était pas descendu du tilbury. Le garçon d'écurie qui apportait l'avoine se baissa tout à coup et examina la roue de gauche.
+
La sœur Simplice elle-même était surprise du retard de M. Madeleine.
  
—Allez-vous loin comme cela? dit cet homme.
+
Cependant Fantine regardait le ciel de son lit. Elle avait l'air de chercher à se rappeler quelque chose. Tout à coup elle se mit à chanter d'une voix faible comme un souffle. La religieuse écouta. Voici ce que Fantine chantait:
  
Il répondit, presque sans sortir de sa rêverie:
+
Nous achèterons de bien belles choses
 +
En nous promenant le long des faubourgs.
 +
Les bleuets sont bleus, les roses sont roses,
 +
Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours.
 +
La vierge Marie auprès de mon poêle
 +
Est venue hier en manteau brodé,
 +
Et m'a dit:—Voici, caché sous mon voile,
 +
Le petit qu'un jour tu m'as demandé.
 +
Courez à la ville, ayez de la toile,
 +
Achetez du fil, achetez un dé.
 +
Nous achèterons de bien belles choses
 +
En nous promenant le long des faubourgs.
 +
Bonne sainte Vierge, auprès de mon poêle
 +
J'ai mis un berceau de rubans orné
 +
Dieu me donnerait sa plus belle étoile,
 +
J'aime mieux l'enfant que tu m'as donné.
 +
—Madame, que faire avec cette toile?
 +
—Faites un trousseau pour mon nouveau-né.
 +
Les bleuets sont bleus, les roses sont roses,
 +
Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours.
 +
—Lavez cette toile.
 +
—Où?—Dans la rivière.
 +
Faites-en, sans rien gâter ni salir,
 +
Une belle jupe avec sa brassière
 +
Que je veux broder et de fleurs emplir.
 +
—L'enfant n'est plus là, madame, qu'en faire?
 +
—Faites-en un drap pour m'ensevelir.
 +
Nous achèterons de bien belles choses
 +
En nous promenant le long des faubourgs.
 +
Les bleuets sont bleus, les roses sont roses,
 +
Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours.
 +
Cette chanson était une vieille romance de berceuse avec laquelle autrefois elle endormait sa petite Cosette, et qui ne s'était pas offerte à son esprit depuis cinq ans qu'elle n'avait plus son enfant. Elle chantait cela d'une voix si triste et sur un air si doux que c'était à faire pleurer, même une religieuse. La sœur, habituée aux choses austères, sentit une larme lui venir.
  
—Pourquoi?
+
L'horloge sonna six heures. Fantine ne parut pas entendre. Elle semblait ne plus faire attention à aucune chose autour d'elle.
  
—Venez-vous de loin? reprit le garçon.
+
La sœur Simplice envoya une fille de service s'informer près de la portière de la fabrique si M. le maire était rentré et s'il ne monterait pas bientôt à l'infirmerie. La fille revint au bout de quelques minutes.
  
—De cinq lieues d'ici.
+
Fantine était toujours immobile et paraissait attentive à des idées qu'elle avait.
  
—Ah!
+
La servante raconta très bas à la sœur Simplice que M. le maire était parti le matin même avant six heures dans un petit tilbury attelé d'un cheval blanc, par le froid qu'il faisait, qu'il était parti seul, pas même de cocher, qu'on ne savait pas le chemin qu'il avait pris, que des personnes disaient l'avoir vu tourner par la route d'Arras, que d'autres assuraient l'avoir rencontré sur la route de Paris. Qu'en s'en allant il avait été comme à l'ordinaire très doux, et qu'il avait seulement dit à la portière qu'on ne l'attendît pas cette nuit.
  
—Pourquoi dites-vous: ah?
+
Pendant que les deux femmes, le dos tourné au lit de la Fantine, chuchotaient, la sœur questionnant, la servante conjecturant, la Fantine, avec cette vivacité fébrile de certaines maladies organiques qui mêle les mouvements libres de la santé à l'effrayante maigreur de la mort, s'était mise à genoux sur son lit, ses deux poings crispés appuyés sur le traversin, et, la tête passée par l'intervalle des rideaux, elle écoutait. Tout à coup elle cria:
  
Le garçon se pencha de nouveau, resta un moment silencieux, l'œil fixé sur la roue, puis se redressa en disant:
+
—Vous parlez là de monsieur Madeleine! pourquoi parlez-vous tout bas? Qu'est-ce qu'il fait? Pourquoi ne vient-il pas?
  
—C'est que voilà une roue qui vient de faire cinq lieues, c'est possible, mais qui à coup sûr ne fera pas maintenant un quart de lieue.
+
Sa voix était si brusque et si rauque que les deux femmes crurent entendre une voix d'homme; elles se retournèrent effrayées.
  
Il sauta à bas du tilbury.
+
—Répondez donc! cria Fantine.
  
—Que dites-vous là, mon ami?
+
La servante balbutia:
  
—Je dis que c'est un miracle que vous ayez fait cinq lieues sans rouler, vous et votre cheval, dans quelque fossé de la grande route. Regardez plutôt.
+
—La portière m'a dit qu'il ne pourrait pas venir aujourd'hui.
  
La roue en effet était gravement endommagée. Le choc de la malle-poste avait fendu deux rayons et labouré le moyeu dont l'écrou ne tenait plus.
+
—Mon enfant, dit la sœur, tenez-vous tranquille, recouchez-vous.
  
—Mon ami, dit-il au garçon d'écurie, il y a un charron ici?
+
Fantine, sans changer d'attitude, reprit d'une voix haute et avec un accent tout à la fois impérieux et déchirant:
  
—Sans doute, monsieur.
+
—Il ne pourra venir? Pourquoi cela? Vous savez la raison. Vous la chuchotiez là entre vous. Je veux la savoir.
  
—Rendez-moi le service de l'aller chercher.
+
La servante se hâta de dire à l'oreille de la religieuse:
  
—Il est là, à deux pas. Hé! maître Bourgaillard!
+
—Répondez qu'il est occupé au conseil municipal.
  
Maître Bourgaillard, le charron, était sur le seuil de sa porte. Il vint examiner la roue et fit la grimace d'un chirurgien qui considère une jambe cassée.
+
La sœur Simplice rougit légèrement; c'était un mensonge que la servante lui proposait. D'un autre côté il lui semblait bien que dire la vérité à la malade ce serait sans doute lui porter un coup terrible et que cela était grave dans l'état où était Fantine. Cette rougeur dura peu. La sœur leva sur Fantine son œil calme et triste, et dit:
  
—Pouvez-vous raccommoder cette roue sur-le-champ?
+
—Monsieur le maire est parti.
  
—Oui, monsieur.
+
Fantine se redressa et s'assit sur ses talons. Ses yeux étincelèrent. Une joie inouïe rayonna sur cette physionomie douloureuse.
  
—Quand pourrai-je repartir?
+
—Parti! s'écria-t-elle. Il est allé chercher Cosette!
  
—Demain.
+
Puis elle tendit ses deux mains vers le ciel et tout son visage devint ineffable. Ses lèvres remuaient; elle priait à voix basse.
  
—Demain!
+
Quand sa prière fut finie:
  
—Il y a une grande journée d'ouvrage. Est-ce que monsieur est pressé?
+
—Ma sœur, dit-elle, je veux bien me recoucher, je vais faire tout ce qu'on voudra; tout à l'heure j'ai été méchante, je vous demande pardon d'avoir parlé si haut, c'est très mal de parler haut, je le sais bien, ma bonne sœur, mais voyez-vous, je suis très contente. Le bon Dieu est bon, monsieur Madeleine est bon, figurez-vous qu'il est allé chercher ma petite Cosette à Montfermeil.
  
—Très pressé. Il faut que je reparte dans une heure au plus tard.
+
Elle se recoucha, aida la religieuse à arranger l'oreiller et baisa une petite croix d'argent qu'elle avait au cou et que la sœur Simplice lui avait donnée.
  
—Impossible, monsieur.
+
—Mon enfant, dit la sœur, tâchez de reposer maintenant, et ne parlez plus.
  
—Je payerai tout ce qu'on voudra.
+
Fantine prit dans ses mains moites la main de la sœur, qui souffrait de lui sentir cette sueur.
  
—Impossible.
+
—Il est parti ce matin pour aller à Paris. Au fait il n'a pas même besoin de passer par Paris. Montfermeil, c'est un peu à gauche en venant. Vous rappelez-vous comme il me disait hier quand je lui parlais de Cosette: bientôt, bientôt? C'est une surprise qu'il veut me faire. Vous savez? il m'avait fait signer une lettre pour la reprendre aux Thénardier. Ils n'auront rien à dire, pas vrai? Ils rendront Cosette. Puisqu'ils sont payés. Les autorités ne souffriraient pas qu'on garde un enfant quand on est payé. Ma sœur, ne me faites pas signe qu'il ne faut pas que je parle. Je suis extrêmement heureuse, je vais très bien, je n'ai plus de mal du tout, je vais revoir Cosette, j'ai même très faim. Il y a près de cinq ans que je ne l'ai vue. Vous ne vous figurez pas, vous, comme cela vous tient, les enfants! Et puis elle sera si gentille, vous verrez! Si vous saviez, elle a de si jolis petits doigts roses! D'abord elle aura de très belles mains. À un an, elle avait des mains ridicules. Ainsi!—Elle doit être grande à présent. Cela vous a sept ans. C'est une demoiselle. Je l'appelle Cosette, mais elle s'appelle Euphrasie. Tenez, ce matin, je regardais de la poussière qui était sur la cheminée et j'avais bien l'idée comme cela que je reverrais bientôt Cosette. Mon Dieu! comme on a tort d'être des années sans voir ses enfants! on devrait bien réfléchir que la vie n'est pas éternelle! Oh! comme il est bon d'être parti, monsieur le maire! C'est vrai ça, qu'il fait bien froid? avait-il son manteau au moins? Il sera ici demain, n'est-ce pas? Ce sera demain fête. Demain matin, ma sœur, vous me ferez penser à mettre mon petit bonnet qui a de la dentelle. Montfermeil, c'est un pays. J'ai fait cette route-là, à pied, dans le temps. Il y a eu bien loin pour moi. Mais les diligences vont très vite! Il sera ici demain avec Cosette. Combien y a-t-il d'ici Montfermeil?
  
—Eh bien! dans deux heures.
+
La sœur, qui n'avait aucune idée des distances, répondit:
  
—Impossible pour aujourd'hui. Il faut refaire deux rais et un moyeu. Monsieur ne pourra repartir avant demain.
+
—Oh! je crois bien qu'il pourra être ici demain.
  
—L'affaire que j'ai ne peut attendre à demain. Si, au lieu de raccommoder cette roue, on la remplaçait?
+
—Demain! demain! dit Fantine, je verrai Cosette demain! Voyez-vous, bonne sœur du bon Dieu, je ne suis plus malade. Je suis folle. Je danserais, si on voulait.
  
—Comment cela?
+
Quelqu'un qui l'eût vue un quart d'heure auparavant n'y eût rien compris. Elle était maintenant toute rose, elle parlait d'une voix vive et naturelle, toute sa figure n'était qu'un sourire. Par moments elle riait en se parlant tout bas. Joie de mère, c'est presque joie d'enfant.
  
—Vous êtes charron?
+
—Eh bien, reprit la religieuse, vous voilà heureuse, obéissez-moi, ne parlez plus.
  
—Sans doute, monsieur.
+
Fantine posa sa tête sur l'oreiller et dit à demi-voix:
  
—Est-ce que vous n'auriez pas une roue à me vendre? Je pourrais repartir tout de suite.
+
—Oui, recouche-toi, sois sage puisque tu vas avoir ton enfant. Elle a raison, sœur Simplice. Tous ceux qui sont ici ont raison.
  
—Une roue de rechange?
+
Et puis, sans bouger, sans remuer la tête, elle se mit à regarder partout avec ses yeux tout grands ouverts et un air joyeux, et elle ne dit plus rien.
  
—Oui.
+
La sœur referma ses rideaux, espérant qu'elle s'assoupirait.
  
—Je n'ai pas une roue toute faite pour votre cabriolet. Deux roues font la paire. Deux roues ne vont pas ensemble au hasard.
+
Entre sept et huit heures le médecin vint. N'entendant aucun bruit, il crut que Fantine dormait, entra doucement et s'approcha du lit sur la pointe du pied. Il entrouvrit les rideaux, et à la lueur de la veilleuse il vit les grands yeux calmes de Fantine qui le regardaient.
  
—En ce cas, vendez-moi une paire de roues.
+
Elle lui dit:
  
—Monsieur, toutes les roues ne vont pas à tous les essieux.
+
—Monsieur, n'est-ce pas, on me laissera la coucher à côté de moi dans un petit lit?
  
—Essayez toujours.
+
Le médecin crut qu'elle délirait. Elle ajouta:
  
—C'est inutile, monsieur. Je n'ai à vendre que des roues de charrette. Nous sommes un petit pays ici.
+
—Regardez plutôt, il y a juste de la place.
  
—Auriez-vous un cabriolet à me louer?
+
Le médecin prit à part la sœur Simplice qui lui expliqua la chose, que M. Madeleine était absent pour un jour ou deux, et que, dans le doute, on n'avait pas cru devoir détromper la malade qui croyait monsieur le maire parti pour Montfermeil; qu'il était possible en somme qu'elle eût deviné juste. Le médecin approuva.
  
Le maître charron, du premier coup d'œil, avait reconnu que le tilbury était une voiture de louage. Il haussa les épaules.
+
Il se rapprocha du lit de Fantine, qui reprit:
  
—Vous les arrangez bien, les cabriolets qu'on vous loue! j'en aurais un que je ne vous le louerais pas.
+
—C'est que, voyez-vous, le matin, quand elle s'éveillera, je lui dirai bonjour à ce pauvre chat, et la nuit, moi qui ne dors pas, je l'entendrai dormir. Sa petite respiration si douce, cela me fera du bien.
  
—Eh bien, à me vendre?
+
—Donnez-moi votre main, dit le médecin.
  
—Je n'en ai pas.
+
Elle tendit son bras, et s'écria en riant.
  
—Quoi! pas une carriole? Je ne suis pas difficile, comme vous voyez.
+
—Ah! tiens! au fait, c'est vrai, vous ne savez pas c'est que je suis guérie. Cosette arrive demain.
  
—Nous sommes un petit pays. J'ai bien là sous la remise, ajouta le charron, une vieille calèche qui est à un bourgeois de la ville qui me l'a donnée en garde et qui s'en sert tous les trente-six du mois. Je vous la louerais bien, qu'est-ce que cela me fait? mais il ne faudrait pas que le bourgeois la vît passer; et puis, c'est une calèche, il faudrait deux chevaux.
+
Le médecin fut surpris. Elle était mieux. L'oppression était moindre. Le pouls avait repris de la force. Une sorte de vie survenue tout à coup ranimait ce pauvre être épuisé.
  
—Je prendrai des chevaux de poste.
+
—Monsieur le docteur, reprit-elle, la sœur vous a-t-elle dit que monsieur le maire était allé chercher le chiffon?
  
—Où va monsieur?
+
Le médecin recommanda le silence et qu'on évitât toute émotion pénible. Il prescrivit une infusion de quinquina pur, et, pour le cas où la fièvre reprendrait dans la nuit, une potion calmante. En s'en allant, il dit à la sœur:
  
—À Arras.
+
—Cela va mieux. Si le bonheur voulait qu'en effet monsieur le maire arrivât demain avec l'enfant, qui sait? il y a des crises si étonnantes, on a vu de grandes joies arrêter court des maladies; je sais bien que celle-ci est une maladie organique, et bien avancée, mais c'est un tel mystère que tout cela! Nous la sauverions peut-être.
 
 
—Et monsieur veut arriver aujourd'hui?
 
 
 
—Mais oui.
 
 
 
—En prenant des chevaux de poste?
 
 
 
—Pourquoi pas?
 
 
 
—Est-il égal à monsieur d'arriver cette nuit à quatre heures du matin?
 
 
 
—Non certes.
 
 
 
—C'est que, voyez-vous bien, il y a une chose à dire, en prenant des chevaux de poste....
 
 
 
—Monsieur a son passeport?
 
 
 
—Oui.
 
 
 
—Eh bien, en prenant des chevaux de poste, monsieur n'arrivera pas à Arras avant demain. Nous sommes un chemin de traverse. Les relais sont mal servis, les chevaux sont aux champs. C'est la saison des grandes charrues qui commence, il faut de forts attelages, et l'on prend les chevaux partout, à la poste comme ailleurs. Monsieur attendra au moins trois ou quatre heures à chaque relais. Et puis on va au pas. Il y a beaucoup de côtes à monter.
 
 
 
—Allons, j'irai à cheval. Dételez le cabriolet. On me vendra bien une selle dans le pays.
 
 
 
—Sans doute. Mais ce cheval-ci endure-t-il la selle?
 
 
 
—C'est vrai, vous m'y faites penser. Il ne l'endure pas.
 
 
 
—Alors....
 
 
 
—Mais je trouverai bien dans le village un cheval à louer?
 
 
 
—Un cheval pour aller à Arras d'une traite!
 
 
 
—Oui.
 
 
 
—Il faudrait un cheval comme on n'en a pas dans nos endroits. Il faudrait l'acheter d'abord, car on ne vous connaît pas. Mais ni à vendre ni à louer, ni pour cinq cents francs, ni pour mille, vous ne le trouveriez pas!
 
 
 
—Comment faire?
 
 
 
—Le mieux, là, en honnête homme, c'est que je raccommode la roue et que vous remettiez votre voyage à demain.
 
 
 
—Demain il sera trop tard.
 
 
 
—Dame!
 
 
 
—N'y a-t-il pas la malle-poste qui va à Arras? Quand passe-t-elle?
 
 
 
—La nuit prochaine. Les deux malles font le service la nuit, celle qui monte comme celle qui descend.
 
 
 
—Comment! il vous faut une journée pour raccommoder cette roue?
 
 
 
—Une journée, et une bonne!
 
 
 
—En mettant deux ouvriers?
 
 
 
—En en mettant dix!
 
 
 
—Si on liait les rayons avec des cordes?
 
 
 
—Les rayons, oui; le moyeu, non. Et puis la jante aussi est en mauvais état.
 
 
 
—Y a-t-il un loueur de voitures dans la ville?
 
 
 
—Non.
 
 
 
—Y a-t-il un autre charron?
 
 
 
Le garçon d'écurie et le maître charron répondirent en même temps en hochant la tête.
 
 
 
—Non.
 
 
 
Il sentit une immense joie.
 
 
 
Il était évident que la providence s'en mêlait. C'était elle qui avait brisé la roue du tilbury et qui l'arrêtait en route. Il ne s'était pas rendu à cette espèce de première sommation; il venait de faire tous les efforts possibles pour continuer son voyage; il avait loyalement et scrupuleusement épuisé tous les moyens; il n'avait reculé ni devant la saison, ni devant la fatigue, ni devant la dépense; il n'avait rien à se reprocher. S'il n'allait pas plus loin, cela ne le regardait plus. Ce n'était plus sa faute, c'était, non le fait de sa conscience, mais le fait de la providence.
 
 
 
Il respira. Il respira librement et à pleine poitrine pour la première fois depuis la visite de Javert. Il lui semblait que le poignet de fer qui lui serrait le cœur depuis vingt heures venait de le lâcher.
 
 
 
Il lui paraissait que maintenant Dieu était pour lui, et se déclarait.
 
 
 
Il se dit qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait, et qu'à présent il n'avait qu'à revenir sur ses pas, tranquillement.
 
 
 
Si sa conversation avec le charron eût eu lieu dans une chambre de l'auberge, elle n'eût point eu de témoins, personne ne l'eût entendue, les choses en fussent restées là, et il est probable que nous n'aurions eu à raconter aucun des événements qu'on va lire; mais cette conversation s'était faite dans la rue. Tout colloque dans la rue produit inévitablement un cercle. Il y a toujours des gens qui ne demandent qu'à être spectateurs. Pendant qu'il questionnait le charron, quelques allants et venants s'étaient arrêtés autour d'eux. Après avoir écouté pendant quelques minutes, un jeune garçon, auquel personne n'avait pris garde, s'était détaché du groupe en courant.
 
 
 
Au moment où le voyageur, après la délibération intérieure que nous venons d'indiquer, prenait la résolution de rebrousser chemin, cet enfant revenait. Il était accompagné d'une vieille femme.
 
 
 
—Monsieur, dit la femme, mon garçon me dit que vous avez envie de louer un cabriolet. Cette simple parole, prononcée par une vieille femme que conduisait un enfant, lui fit ruisseler la sueur dans les reins. Il crut voir la main qui l'avait lâché reparaître dans l'ombre derrière lui, toute prête à le reprendre.
 
 
 
Il répondit:
 
 
 
—Oui, bonne femme, je cherche un cabriolet à louer.
 
 
 
Et il se hâta d'ajouter:
 
 
 
—Mais il n'y en a pas dans le pays.
 
 
 
—Si fait, dit la vieille.
 
 
 
—Où ça donc? reprit le charron.
 
 
 
—Chez moi, répliqua la vieille.
 
 
 
Il tressaillit. La main fatale l'avait ressaisi.
 
 
 
La vieille avait en effet sous un hangar une façon de carriole en osier. Le charron et le garçon d'auberge, désolés que le voyageur leur échappât, intervinrent.
 
 
 
—C'était une affreuse guimbarde,—cela était posé à cru sur l'essieu,—il est vrai que les banquettes étaient suspendues à l'intérieur avec des lanières de cuir,—il pleuvait dedans,—les roues étaient rouillées et rongées d'humidité,—cela n'irait pas beaucoup plus loin que le tilbury,—une vraie patache!—Ce monsieur aurait bien tort de s'y embarquer,—etc., etc.
 
 
 
Tout cela était vrai, mais cette guimbarde, cette patache, cette chose, quelle qu'elle fût, roulait sur ses deux roues et pouvait aller à Arras.
 
 
 
Il paya ce qu'on voulut, laissa le tilbury à réparer chez le charron pour l'y retrouver à son retour, fit atteler le cheval blanc à la carriole, y monta, et reprit la route qu'il suivait depuis le matin.
 
 
 
Au moment où la carriole s'ébranla, il s'avoua qu'il avait eu l'instant d'auparavant une certaine joie de songer qu'il n'irait point où il allait. Il examina cette joie avec une sorte de colère et la trouva absurde. Pourquoi de la joie à revenir en arrière? Après tout, il faisait ce voyage librement. Personne ne l'y forçait. Et, certainement, rien n'arriverait que ce qu'il voudrait bien.
 
 
 
Comme il sortait de Hesdin, il entendit une voix qui lui criait: arrêtez! arrêtez! Il arrêta la carriole d'un mouvement vif dans lequel il y avait encore je ne sais quoi de fébrile et de convulsif qui ressemblait à de l'espérance.
 
 
 
C'était le petit garçon de la vieille.
 
 
 
—Monsieur, dit-il, c'est moi qui vous ai procuré la carriole.
 
 
 
—Eh bien!
 
 
 
—Vous ne m'avez rien donné.
 
 
 
Lui qui donnait à tous et si facilement, il trouva cette prétention exorbitante et presque odieuse.
 
 
 
—Ah! c'est toi, drôle? dit-il, tu n'auras rien!
 
 
 
Il fouetta le cheval et repartit au grand trot.
 
 
 
Il avait perdu beaucoup de temps à Hesdin, il eût voulu le rattraper. Le petit cheval était courageux et tirait comme deux; mais on était au mois de février, il avait plu, les routes étaient mauvaises. Et puis, ce n'était plus le tilbury. La carriole était dure et très lourde. Avec cela force montées.
 
 
 
Il mit près de quatre heures pour aller de Hesdin à Saint-Pol. Quatre heures pour cinq lieues.
 
 
 
À Saint-Pol il détela à la première auberge venue, et fit mener le cheval à l'écurie. Comme il l'avait promis à Scaufflaire, il se tint près du râtelier pendant que le cheval mangeait. Il songeait à des choses tristes et confuses.
 
 
 
La femme de l'aubergiste entre dans l'écurie.
 
 
 
—Est-ce que monsieur ne veut pas déjeuner?
 
 
 
—Tiens, c'est vrai, dit-il, j'ai même bon appétit. Il suivit cette femme qui avait une figure fraîche et réjouie. Elle le conduisit dans une salle basse où il y avait des tables ayant pour nappes des toiles cirées.
 
 
 
—Dépêchez-vous, reprit-il, il faut que je reparte. Je suis pressé.
 
 
 
Une grosse servante flamande mit son couvert en toute hâte. Il regardait cette fille avec un sentiment de bien-être.
 
 
 
—C'est là ce que j'avais, pensa-t-il. Je n'avais pas déjeuné.
 
 
 
On le servit. Il se jeta sur le pain, mordit une bouchée, puis le reposa lentement sur la table et n'y toucha plus.
 
 
 
Un routier mangeait à une autre table. Il dit à cet homme:
 
 
 
—Pourquoi leur pain est-il donc si amer?
 
 
 
Le routier était allemand et n'entendit pas.
 
 
 
Il retourna dans l'écurie près du cheval.
 
 
 
Une heure après, il avait quitté Saint-Pol et se dirigeait vers Tinques qui n'est qu'à cinq lieues d'Arras.
 
 
 
Que faisait-il pendant ce trajet? À quoi pensait-il? Comme le matin, il regardait passer les arbres, les toits de chaume, les champs cultivés, et les évanouissements du paysage qui se disloque à chaque coude du chemin. C'est là une contemplation qui suffit quelquefois à l'âme et qui la dispense presque de penser. Voir mille objets pour la première et pour la dernière fois, quoi de plus mélancolique et de plus profond! Voyager, c'est naître et mourir à chaque instant. Peut-être, dans la région la plus vague de son esprit, faisait-il des rapprochements entre ces horizons changeants et l'existence humaine. Toutes les choses de la vie sont perpétuellement en fuite devant nous. Les obscurcissements et les clartés s'entremêlent: après un éblouissement, une éclipse; on regarde, on se hâte, on tend les mains pour saisir ce qui passe; chaque événement est un tournant de la route; et tout à coup on est vieux. On sent comme une secousse, tout est noir, on distingue une porte obscure, ce sombre cheval de la vie qui vous traînait s'arrête, et l'on voit quelqu'un de voilé et d'inconnu qui le dételle dans les ténèbres.
 
 
 
Le crépuscule tombait au moment où des enfants qui sortaient de l'école regardèrent ce voyageur entrer dans Tinques. Il est vrai qu'on était encore aux jours courts de l'année. Il ne s'arrêta pas à Tinques. Comme il débouchait du village, un cantonnier qui empierrait la route dressa la tête et dit:
 
 
 
—Voilà un cheval bien fatigué.
 
 
 
La pauvre bête en effet n'allait plus qu'au pas.
 
 
 
—Est-ce que vous allez à Arras? ajouta le cantonnier.
 
 
 
—Oui.
 
 
 
—Si vous allez de ce train, vous n'y arriverez pas de bonne heure.
 
 
 
Il arrêta le cheval et demanda au cantonnier:
 
 
 
—Combien y a-t-il encore d'ici à Arras?
 
 
 
—Près de sept grandes lieues.
 
 
 
—Comment cela? le livre de poste ne marque que cinq lieues et un quart.
 
 
 
—Ah! reprit le cantonnier, vous ne savez donc pas que la route est en réparation? Vous allez la trouver coupée à un quart d'heure d'ici. Pas moyen d'aller plus loin.
 
 
 
—Vraiment.
 
 
 
—Vous prendrez à gauche, le chemin qui va à Carency, vous passerez la rivière; et, quand vous serez à Camblin, vous tournerez à droite; c'est la route de Mont-Saint-Éloy qui va à Arras.
 
 
 
—Mais voilà la nuit, je me perdrai.
 
 
 
—Vous n'êtes pas du pays?
 
 
 
—Non.
 
 
 
—Avec ça, c'est tout chemins de traverse. Tenez, Monsieur, reprit le cantonnier, voulez-vous que je vous donne un conseil? Votre cheval est las, rentrez dans Tinques. Il y a une bonne auberge. Couchez-y. Vous irez demain à Arras.
 
 
 
—Il faut que j'y sois ce soir.
 
 
 
—C'est différent. Alors allez tout de même à cette auberge et prenez-y un cheval de renfort. Le garçon du cheval vous guidera dans la traverse.
 
 
 
Il suivit le conseil du cantonnier, rebroussa chemin, et une demi-heure après il repassait au même endroit, mais au grand trot, avec un bon cheval de renfort. Un garçon d'écurie qui s'intitulait postillon était assis sur le brancard de la carriole.
 
 
 
Cependant il sentait qu'il perdait du temps.
 
 
 
Il faisait tout à fait nuit.
 
 
 
Ils s'engagèrent dans la traverse. La route devint affreuse. La carriole tombait d'une ornière dans l'autre. Il dit au postillon:
 
 
 
—Toujours au trot, et double pourboire.
 
 
 
Dans un cahot le palonnier cassa.
 
 
 
—Monsieur, dit le postillon, voilà le palonnier cassé, je ne sais plus comment atteler mon cheval, cette route-ci est bien mauvaise la nuit; si vous vouliez revenir coucher à Tinques, nous pourrions être demain matin de bonne heure à Arras.
 
 
 
Il répondit:
 
 
 
—As-tu un bout de corde et un couteau?
 
 
 
—Oui, monsieur.
 
 
 
Il coupa une branche d'arbre et en fit un palonnier.
 
 
 
Ce fut encore une perte de vingt minutes; mais ils repartirent au galop.
 
 
 
La plaine était ténébreuse. Des brouillards bas, courts et noirs rampaient sur les collines et s'en arrachaient comme des fumées. Il y avait des lueurs blanchâtres dans les nuages. Un grand vent qui venait de la mer faisait dans tous les coins de l'horizon le bruit de quelqu'un qui remue des meubles. Tout ce qu'on entrevoyait avait des attitudes de terreur. Que de choses frissonnent sous ces vastes souffles de la nuit!
 
 
 
Le froid le pénétrait. Il n'avait pas mangé depuis la veille. Il se rappelait vaguement son autre course nocturne dans la grande plaine aux environs de Digne. Il y avait huit ans; et cela lui semblait hier.
 
 
 
Une heure sonna à quelque clocher lointain. Il demanda au garçon:
 
 
 
—Quelle est cette heure?
 
 
 
—Sept heures, monsieur. Nous serons à Arras à huit. Nous n'avons plus que trois lieues. En ce moment il fit pour la première fois cette réflexion—en trouvant étrange qu'elle ne lui fût pas venue plus tôt—que c'était peut-être inutile, toute la peine qu'il prenait; qu'il ne savait seulement pas l'heure du procès; qu'il aurait dû au moins s'en informer; qu'il était extravagant d'aller ainsi devant soi sans savoir si cela servirait à quelque chose.—Puis il ébaucha quelques calculs dans son esprit:—qu'ordinairement les séances des cours d'assises commençaient à neuf heures du matin;—que cela ne devait pas être long, cette affaire-là;—que le vol de pommes, ce serait très court;—qu'il n'y aurait plus ensuite qu'une question d'identité;—quatre ou cinq dépositions, peu de chose à dire pour les avocats;—qu'il allait arriver lorsque tout serait fini!
 
 
 
Le postillon fouettait les chevaux. Ils avaient passé la rivière et laissé derrière eux Mont-Saint-Éloy.
 
 
 
La nuit devenait de plus en plus profonde.
 
  
 
==English text==
 
==English text==
  
The posting service from Arras to M. sur M. was still operated at this period by small mail-wagons of the time of the Empire. These mail-wagons were two-wheeled cabriolets, upholstered inside with fawn-colored leather, hung on springs, and having but two seats, one for the postboy, the other for the traveller. The wheels were armed with those long, offensive axles which keep other vehicles at a distance, and which may still be seen on the road in Germany. The despatch box, an immense oblong coffer, was placed behind the vehicle and formed a part of it. This coffer was painted black, and the cabriolet yellow.
+
But at that moment Fantine was joyous.
 
 
These vehicles, which have no counterparts nowadays, had something distorted and hunchbacked about them; and when one saw them passing in the distance, and climbing up some road to the horizon, they resembled the insects which are called, I think, termites, and which, though with but little corselet, drag a great train behind them. But they travelled at a very rapid rate. The post-wagon which set out from Arras at one o'clock every night, after the mail from Paris had passed, arrived at M. sur M. a little before five o'clock in the morning.
 
 
 
That night the wagon which was descending to M. sur M. by the Hesdin road, collided at the corner of a street, just as it was entering the town, with a little tilbury harnessed to a white horse, which was going in the opposite direction, and in which there was but one person, a man enveloped in a mantle. The wheel of the tilbury received quite a violent shock. The postman shouted to the man to stop, but the traveller paid no heed and pursued his road at full gallop.
 
 
 
"That man is in a devilish hurry!" said the postman.
 
 
 
The man thus hastening on was the one whom we have just seen struggling in convulsions which are certainly deserving of pity.
 
 
 
Whither was he going? He could not have told. Why was he hastening? He did not know. He was driving at random, straight ahead. Whither? To Arras, no doubt; but he might have been going elsewhere as well. At times he was conscious of it, and he shuddered. He plunged into the night as into a gulf. Something urged him forward; something drew him on. No one could have told what was taking place within him; every one will understand it. What man is there who has not entered, at least once in his life, into that obscure cavern of the unknown?
 
 
 
However, he had resolved on nothing, decided nothing, formed no plan, done nothing. None of the actions of his conscience had been decisive. He was, more than ever, as he had been at the first moment.
 
 
 
Why was he going to Arras?
 
 
 
He repeated what he had already said to himself when he had hired Scaufflaire's cabriolet: that, whatever the result was to be, there was no reason why he should not see with his own eyes, and judge of matters for himself; that this was even prudent; that he must know what took place; that no decision could be arrived at without having observed and scrutinized; that one made mountains out of everything from a distance; that, at any rate, when he should have seen that Champmathieu, some wretch, his conscience would probably be greatly relieved to allow him to go to the galleys in his stead; that Javert would indeed be there; and that Brevet, that Chenildieu, that Cochepaille, old convicts who had known him; but they certainly would not recognize him;—bah! what an idea! that Javert was a hundred leagues from suspecting the truth; that all conjectures and all suppositions were fixed on Champmathieu, and that there is nothing so headstrong as suppositions and conjectures; that accordingly there was no danger.
 
 
 
That it was, no doubt, a dark moment, but that he should emerge from it; that, after all, he held his destiny, however bad it might be, in his own hand; that he was master of it. He clung to this thought.
 
 
 
At bottom, to tell the whole truth, he would have preferred not to go to Arras.
 
 
 
Nevertheless, he was going thither.
 
 
 
As he meditated, he whipped up his horse, which was proceeding at that fine, regular, and even trot which accomplishes two leagues and a half an hour.
 
 
 
In proportion as the cabriolet advanced, he felt something within him draw back.
 
 
 
At daybreak he was in the open country; the town of M. sur M. lay far behind him. He watched the horizon grow white; he stared at all the chilly figures of a winter's dawn as they passed before his eyes, but without seeing them. The morning has its spectres as well as the evening. He did not see them; but without his being aware of it, and by means of a sort of penetration which was almost physical, these black silhouettes of trees and of hills added some gloomy and sinister quality to the violent state of his soul.
 
 
 
Each time that he passed one of those isolated dwellings which sometimes border on the highway, he said to himself, "And yet there are people there within who are sleeping!"
 
 
 
The trot of the horse, the bells on the harness, the wheels on the road, produced a gentle, monotonous noise. These things are charming when one is joyous, and lugubrious when one is sad.
 
 
 
It was broad daylight when he arrived at Hesdin. He halted in front of the inn, to allow the horse a breathing spell, and to have him given some oats.
 
 
 
The horse belonged, as Scaufflaire had said, to that small race of the Boulonnais, which has too much head, too much belly, and not enough neck and shoulders, but which has a broad chest, a large crupper, thin, fine legs, and solid hoofs—a homely, but a robust and healthy race. The excellent beast had travelled five leagues in two hours, and had not a drop of sweat on his loins.
 
 
 
He did not get out of the tilbury. The stableman who brought the oats suddenly bent down and examined the left wheel.
 
 
 
"Are you going far in this condition?" said the man.
 
 
 
He replied, with an air of not having roused himself from his revery:—
 
 
 
"Why?"
 
 
 
"Have you come from a great distance?" went on the man.
 
 
 
"Five leagues."
 
 
 
"Ah!"
 
 
 
"Why do you say, 'Ah?'"
 
 
 
The man bent down once more, was silent for a moment, with his eyes fixed on the wheel; then he rose erect and said:—
 
 
 
"Because, though this wheel has travelled five leagues, it certainly will not travel another quarter of a league."
 
 
 
He sprang out of the tilbury.
 
 
 
"What is that you say, my friend?"
 
 
 
"I say that it is a miracle that you should have travelled five leagues without you and your horse rolling into some ditch on the highway. Just see here!"
 
 
 
The wheel really had suffered serious damage. The shock administered by the mail-wagon had split two spokes and strained the hub, so that the nut no longer held firm.
 
 
 
"My friend," he said to the stableman, "is there a wheelwright here?"
 
 
 
"Certainly, sir."
 
 
 
"Do me the service to go and fetch him."
 
 
 
"He is only a step from here. Hey! Master Bourgaillard!"
 
 
 
Master Bourgaillard, the wheelwright, was standing on his own threshold. He came, examined the wheel and made a grimace like a surgeon when the latter thinks a limb is broken.
 
 
 
"Can you repair this wheel immediately?"
 
 
 
"Yes, sir."
 
 
 
"When can I set out again?"
 
 
 
"To-morrow."
 
 
 
"To-morrow!"
 
 
 
"There is a long day's work on it. Are you in a hurry, sir?"
 
 
 
"In a very great hurry. I must set out again in an hour at the latest."
 
 
 
"Impossible, sir."
 
 
 
"I will pay whatever you ask."
 
 
 
"Impossible."
 
 
 
"Well, in two hours, then."
 
 
 
"Impossible to-day. Two new spokes and a hub must be made. Monsieur will not be able to start before to-morrow morning."
 
 
 
"The matter cannot wait until to-morrow. What if you were to replace this wheel instead of repairing it?"
 
 
 
"How so?"
 
 
 
"You are a wheelwright?"
 
 
 
"Certainly, sir."
 
 
 
"Have you not a wheel that you can sell me? Then I could start again at once."
 
 
 
"A spare wheel?"
 
 
 
"Yes."
 
 
 
"I have no wheel on hand that would fit your cabriolet. Two wheels make a pair. Two wheels cannot be put together hap-hazard."
 
 
 
"In that case, sell me a pair of wheels."
 
 
 
"Not all wheels fit all axles, sir."
 
 
 
"Try, nevertheless."
 
 
 
"It is useless, sir. I have nothing to sell but cart-wheels. We are but a poor country here."
 
 
 
"Have you a cabriolet that you can let me have?"
 
 
 
The wheelwright had seen at the first glance that the tilbury was a hired vehicle. He shrugged his shoulders.
 
 
 
"You treat the cabriolets that people let you so well! If I had one, I would not let it to you!"
 
 
 
"Well, sell it to me, then."
 
 
 
"I have none."
 
 
 
"What! not even a spring-cart? I am not hard to please, as you see."
 
 
 
"We live in a poor country. There is, in truth," added the wheelwright, "an old calash under the shed yonder, which belongs to a bourgeois of the town, who gave it to me to take care of, and who only uses it on the thirty-sixth of the month—never, that is to say. I might let that to you, for what matters it to me? But the bourgeois must not see it pass—and then, it is a calash; it would require two horses."
 
 
 
"I will take two post-horses."
 
 
 
"Where is Monsieur going?"
 
 
 
"To Arras."
 
 
 
"And Monsieur wishes to reach there to-day?"
 
 
 
"Yes, of course."
 
 
 
"By taking two post-horses?"
 
 
 
"Why not?"
 
 
 
"Does it make any difference whether Monsieur arrives at four o'clock to-morrow morning?"
 
 
 
"Certainly not."
 
 
 
"There is one thing to be said about that, you see, by taking post-horses—Monsieur has his passport?"
 
 
 
"Yes."
 
 
 
"Well, by taking post-horses, Monsieur cannot reach Arras before to-morrow. We are on a cross-road. The relays are badly served, the horses are in the fields. The season for ploughing is just beginning; heavy teams are required, and horses are seized upon everywhere, from the post as well as elsewhere. Monsieur will have to wait three or four hours at the least at every relay. And, then, they drive at a walk. There are many hills to ascend."
 
 
 
"Come then, I will go on horseback. Unharness the cabriolet. Some one can surely sell me a saddle in the neighborhood."
 
 
 
"Without doubt. But will this horse bear the saddle?"
 
 
 
"That is true; you remind me of that; he will not bear it."
 
 
 
"Then—"
 
 
 
"But I can surely hire a horse in the village?"
 
 
 
"A horse to travel to Arras at one stretch?"
 
 
 
"Yes."
 
 
 
"That would require such a horse as does not exist in these parts. You would have to buy it to begin with, because no one knows you. But you will not find one for sale nor to let, for five hundred francs, or for a thousand."
 
 
 
"What am I to do?"
 
 
 
"The best thing is to let me repair the wheel like an honest man, and set out on your journey to-morrow."
 
 
 
"To-morrow will be too late."
 
 
 
"The deuce!"
 
 
 
"Is there not a mail-wagon which runs to Arras? When will it pass?"
 
 
 
"To-night. Both the posts pass at night; the one going as well as the one coming."
 
 
 
"What! It will take you a day to mend this wheel?"
 
 
 
"A day, and a good long one."
 
 
 
"If you set two men to work?"
 
 
 
"If I set ten men to work."
 
 
 
"What if the spokes were to be tied together with ropes?"
 
 
 
"That could be done with the spokes, not with the hub; and the felly is in a bad state, too."
 
 
 
"Is there any one in this village who lets out teams?"
 
 
 
"No."
 
 
 
"Is there another wheelwright?"
 
 
 
The stableman and the wheelwright replied in concert, with a toss of the head.
 
 
 
"No."
 
 
 
He felt an immense joy.
 
 
 
It was evident that Providence was intervening. That it was it who had broken the wheel of the tilbury and who was stopping him on the road. He had not yielded to this sort of first summons; he had just made every possible effort to continue the journey; he had loyally and scrupulously exhausted all means; he had been deterred neither by the season, nor fatigue, nor by the expense; he had nothing with which to reproach himself. If he went no further, that was no fault of his. It did not concern him further. It was no longer his fault. It was not the act of his own conscience, but the act of Providence.
 
 
 
He breathed again. He breathed freely and to the full extent of his lungs for the first time since Javert's visit. It seemed to him that the hand of iron which had held his heart in its grasp for the last twenty hours had just released him.
 
 
 
It seemed to him that God was for him now, and was manifesting Himself.
 
 
 
He said himself that he had done all he could, and that now he had nothing to do but retrace his steps quietly.
 
 
 
If his conversation with the wheelwright had taken place in a chamber of the inn, it would have had no witnesses, no one would have heard him, things would have rested there, and it is probable that we should not have had to relate any of the occurrences which the reader is about to peruse; but this conversation had taken place in the street. Any colloquy in the street inevitably attracts a crowd. There are always people who ask nothing better than to become spectators. While he was questioning the wheelwright, some people who were passing back and forth halted around them. After listening for a few minutes, a young lad, to whom no one had paid any heed, detached himself from the group and ran off.
 
 
 
At the moment when the traveller, after the inward deliberation which we have just described, resolved to retrace his steps, this child returned. He was accompanied by an old woman.
 
 
 
"Monsieur," said the woman, "my boy tells me that you wish to hire a cabriolet."
 
 
 
These simple words uttered by an old woman led by a child made the perspiration trickle down his limbs. He thought that he beheld the hand which had relaxed its grasp reappear in the darkness behind him, ready to seize him once more.
 
 
 
He answered:—
 
 
 
"Yes, my good woman; I am in search of a cabriolet which I can hire."
 
 
 
And he hastened to add:—
 
 
 
"But there is none in the place."
 
 
 
"Certainly there is," said the old woman.
 
 
 
"Where?" interpolated the wheelwright.
 
 
 
"At my house," replied the old woman.
 
 
 
He shuddered. The fatal hand had grasped him again.
 
 
 
The old woman really had in her shed a sort of basket spring-cart. The wheelwright and the stable-man, in despair at the prospect of the traveller escaping their clutches, interfered.
 
 
 
"It was a frightful old trap; it rests flat on the axle; it is an actual fact that the seats were suspended inside it by leather thongs; the rain came into it; the wheels were rusted and eaten with moisture; it would not go much further than the tilbury; a regular ramshackle old stage-wagon; the gentleman would make a great mistake if he trusted himself to it," etc., etc.
 
 
 
All this was true; but this trap, this ramshackle old vehicle, this thing, whatever it was, ran on its two wheels and could go to Arras.
 
 
 
He paid what was asked, left the tilbury with the wheelwright to be repaired, intending to reclaim it on his return, had the white horse put to the cart, climbed into it, and resumed the road which he had been travelling since morning.
 
  
At the moment when the cart moved off, he admitted that he had felt, a moment previously, a certain joy in the thought that he should not go whither he was now proceeding. He examined this joy with a sort of wrath, and found it absurd. Why should he feel joy at turning back? After all, he was taking this trip of his own free will. No one was forcing him to it.
+
She had passed a very bad night; her cough was frightful; her fever had doubled in intensity; she had had dreams: in the morning, when the doctor paid his visit, she was delirious; he assumed an alarmed look, and ordered that he should be informed as soon as M. Madeleine arrived.
  
And assuredly nothing would happen except what he should choose.
+
All the morning she was melancholy, said but little, and laid plaits in her sheets, murmuring the while, in a low voice, calculations which seemed to be calculations of distances. Her eyes were hollow and staring. They seemed almost extinguished at intervals, then lighted up again and shone like stars. It seems as though, at the approach of a certain dark hour, the light of heaven fills those who are quitting the light of earth.
  
As he left Hesdin, he heard a voice shouting to him: "Stop! Stop!" He halted the cart with a vigorous movement which contained a feverish and convulsive element resembling hope.
+
Each time that Sister Simplice asked her how she felt, she replied invariably, “Well. I should like to see M. Madeleine.
  
It was the old woman's little boy.
+
Some months before this, at the moment when Fantine had just lost her last modesty, her last shame, and her last joy, she was the shadow of herself; now she was the spectre of herself. Physical suffering had completed the work of moral suffering. This creature of five and twenty had a wrinkled brow, flabby cheeks, pinched nostrils, teeth from which the gums had receded, a leaden complexion, a bony neck, prominent shoulder-blades, frail limbs, a clayey skin, and her golden hair was growing out sprinkled with gray. Alas! how illness improvises old-age!
  
"Monsieur," said the latter, "it was I who got the cart for you."
+
At midday the physician returned, gave some directions, inquired whether the mayor had made his appearance at the infirmary, and shook his head.
  
"Well?"
+
M. Madeleine usually came to see the invalid at three o’clock. As exactness is kindness, he was exact.
  
"You have not given me anything."
+
About half-past two, Fantine began to be restless. In the course of twenty minutes, she asked the nun more than ten times, “What time is it, sister?”
  
He who gave to all so readily thought this demand exorbitant and almost odious.
+
Three o’clock struck. At the third stroke, Fantine sat up in bed; she who could, in general, hardly turn over, joined her yellow, fleshless hands in a sort of convulsive clasp, and the nun heard her utter one of those profound sighs which seem to throw off dejection. Then Fantine turned and looked at the door.
  
"Ah! it's you, you scamp?" said he; "you shall have nothing."
+
No one entered; the door did not open.
  
He whipped up his horse and set off at full speed.
+
She remained thus for a quarter of an hour, her eyes riveted on the door, motionless and apparently holding her breath. The sister dared not speak to her. The clock struck a quarter past three. Fantine fell back on her pillow.
  
He had lost a great deal of time at Hesdin. He wanted to make it good. The little horse was courageous, and pulled for two; but it was the month of February, there had been rain; the roads were bad. And then, it was no longer the tilbury. The cart was very heavy, and in addition, there were many ascents.
+
She said nothing, but began to plait the sheets once more.
  
He took nearly four hours to go from Hesdin to Saint-Pol; four hours for five leagues.
+
Half an hour passed, then an hour, no one came; every time the clock struck, Fantine started up and looked towards the door, then fell back again.
  
At Saint-Pol he had the horse unharnessed at the first inn he came to and led to the stable; as he had promised Scaufflaire, he stood beside the manger while the horse was eating; he thought of sad and confusing things.
+
Her thought was clearly perceptible, but she uttered no name, she made no complaint, she blamed no one. But she coughed in a melancholy way. One would have said that something dark was descending upon her. She was livid and her lips were blue. She smiled now and then.
  
The inn-keeper's wife came to the stable.
+
Five o’clock struck. Then the sister heard her say, very low and gently, “He is wrong not to come to-day, since I am going away to-morrow.
  
"Does not Monsieur wish to breakfast?"
+
Sister Simplice herself was surprised at M. Madeleine’s delay.
  
"Come, that is true; I even have a good appetite."
+
In the meantime, Fantine was staring at the tester of her bed. She seemed to be endeavoring to recall something. All at once she began to sing in a voice as feeble as a breath. The nun listened. This is what Fantine was singing:—
  
He followed the woman, who had a rosy, cheerful face; she led him to the public room where there were tables covered with waxed cloth.
+
“Lovely things we will buy
 +
As we stroll the faubourgs through.
 +
Roses are pink, corn-flowers are blue,
 +
I love my love, corn-flowers are blue.
 +
“Yestere’en the Virgin Mary came near my stove, in a broidered mantle clad, and said to me, ‘Here, hide ‘neath my veil the child whom you one day begged from me. Haste to the city, buy linen, buy a needle, buy thread.
  
"Make haste!" said he; "I must start again; I am in a hurry."
+
“Lovely things we will buy
 +
As we stroll the faubourgs through.
 +
“Dear Holy Virgin, beside my stove I have set a cradle with ribbons decked. God may give me his loveliest star; I prefer the child thou hast granted me. ‘Madame, what shall I do with this linen fine?’—‘Make of it clothes for thy new-born babe.
  
A big Flemish servant-maid placed his knife and fork in all haste; he looked at the girl with a sensation of comfort.
+
“Roses are pink and corn-flowers are blue,
 +
I love my love, and corn-flowers are blue.
 +
“‘Wash this linen.’—‘Where?’—‘In the stream. Make of it, soiling not, spoiling not, a petticoat fair with its bodice fine, which I will embroider and fill with flowers.’—‘Madame, the child is no longer here; what is to be done?’—‘Then make of it a winding-sheet in which to bury me.
  
"That is what ailed me," he thought; "I had not breakfasted."
+
“Lovely things we will buy
 +
As we stroll the faubourgs through,
 +
Roses are pink, corn-flowers are blue,
 +
I love my love, corn-flowers are blue.”
 +
 +
This song was an old cradle romance with which she had, in former days, lulled her little Cosette to sleep, and which had never recurred to her mind in all the five years during which she had been parted from her child. She sang it in so sad a voice, and to so sweet an air, that it was enough to make any one, even a nun, weep. The sister, accustomed as she was to austerities, felt a tear spring to her eyes.
  
His breakfast was served; he seized the bread, took a mouthful, and then slowly replaced it on the table, and did not touch it again.
+
The clock struck six. Fantine did not seem to hear it. She no longer seemed to pay attention to anything about her.
  
A carter was eating at another table; he said to this man:—
+
Sister Simplice sent a serving-maid to inquire of the portress of the factory, whether the mayor had returned, and if he would not come to the infirmary soon. The girl returned in a few minutes.
  
"Why is their bread so bitter here?"
+
Fantine was still motionless and seemed absorbed in her own thoughts.
  
The carter was a German and did not understand him.
+
The servant informed Sister Simplice in a very low tone, that the mayor had set out that morning before six o’clock, in a little tilbury harnessed to a white horse, cold as the weather was; that he had gone alone, without even a driver; that no one knew what road he had taken; that people said he had been seen to turn into the road to Arras; that others asserted that they had met him on the road to Paris. That when he went away he had been very gentle, as usual, and that he had merely told the portress not to expect him that night.
  
He returned to the stable and remained near the horse.
+
While the two women were whispering together, with their backs turned to Fantine’s bed, the sister interrogating, the servant conjecturing, Fantine, with the feverish vivacity of certain organic maladies, which unite the free movements of health with the frightful emaciation of death, had raised herself to her knees in bed, with her shrivelled hands resting on the bolster, and her head thrust through the opening of the curtains, and was listening. All at once she cried:—
  
An hour later he had quitted Saint-Pol and was directing his course towards Tinques, which is only five leagues from Arras.
+
“You are speaking of M. Madeleine! Why are you talking so low? What is he doing? Why does he not come?”
  
What did he do during this journey? Of what was he thinking? As in the morning, he watched the trees, the thatched roofs, the tilled fields pass by, and the way in which the landscape, broken at every turn of the road, vanished; this is a sort of contemplation which sometimes suffices to the soul, and almost relieves it from thought. What is more melancholy and more profound than to see a thousand objects for the first and the last time? To travel is to be born and to die at every instant; perhaps, in the vaguest region of his mind, he did make comparisons between the shifting horizon and our human existence: all the things of life are perpetually fleeing before us; the dark and bright intervals are intermingled; after a dazzling moment, an eclipse; we look, we hasten, we stretch out our hands to grasp what is passing; each event is a turn in the road, and, all at once, we are old; we feel a shock; all is black; we distinguish an obscure door; the gloomy horse of life, which has been drawing us halts, and we see a veiled and unknown person unharnessing amid the shadows.
+
Her voice was so abrupt and hoarse that the two women thought they heard the voice of a man; they wheeled round in affright.
  
Twilight was falling when the children who were coming out of school beheld this traveller enter Tinques; it is true that the days were still short; he did not halt at Tinques; as he emerged from the village, a laborer, who was mending the road with stones, raised his head and said to him:—
+
“Answer me!” cried Fantine.
  
"That horse is very much fatigued."
+
The servant stammered:—
  
The poor beast was, in fact, going at a walk.
+
“The portress told me that he could not come to-day.
  
"Are you going to Arras?" added the road-mender.
+
“Be calm, my child,” said the sister; “lie down again.
  
"Yes."
+
Fantine, without changing her attitude, continued in a loud voice, and with an accent that was both imperious and heart-rending:—
  
"If you go on at that rate you will not arrive very early."
+
“He cannot come? Why not? You know the reason. You are whispering it to each other there. I want to know it.”
  
He stopped his horse, and asked the laborer:—
+
The servant-maid hastened to say in the nun’s ear, “Say that he is busy with the city council.”
  
"How far is it from here to Arras?"
+
Sister Simplice blushed faintly, for it was a lie that the maid had proposed to her.
  
"Nearly seven good leagues."
+
On the other hand, it seemed to her that the mere communication of the truth to the invalid would, without doubt, deal her a terrible blow, and that this was a serious matter in Fantine’s present state. Her flush did not last long; the sister raised her calm, sad eyes to Fantine, and said, “Monsieur le Maire has gone away.”
  
"How is that? the posting guide only says five leagues and a quarter."
+
Fantine raised herself and crouched on her heels in the bed: her eyes sparkled; indescribable joy beamed from that melancholy face.
  
"Ah!" returned the road-mender, "so you don't know that the road is under repair? You will find it barred a quarter of an hour further on; there is no way to proceed further."
+
“Gone!” she cried; “he has gone to get Cosette.
  
"Really?"
+
Then she raised her arms to heaven, and her white face became ineffable; her lips moved; she was praying in a low voice.
  
"You will take the road on the left, leading to Carency; you will cross the river; when you reach Camblin, you will turn to the right; that is the road to Mont-Saint-Eloy which leads to Arras."
+
When her prayer was finished, “Sister,” she said, “I am willing to lie down again; I will do anything you wish; I was naughty just now; I beg your pardon for having spoken so loud; it is very wrong to talk loudly; I know that well, my good sister, but, you see, I am very happy: the good God is good; M. Madeleine is good; just think! he has gone to Montfermeil to get my little Cosette.
  
"But it is night, and I shall lose my way."
+
She lay down again, with the nun’s assistance, helped the nun to arrange her pillow, and kissed the little silver cross which she wore on her neck, and which Sister Simplice had given her.
  
"You do not belong in these parts?"
+
“My child,” said the sister, “try to rest now, and do not talk any more.”
  
"No."
+
Fantine took the sister’s hand in her moist hands, and the latter was pained to feel that perspiration.
  
"And, besides, it is all cross-roads; stop! sir," resumed the road-mender; "shall I give you a piece of advice? your horse is tired; return to Tinques; there is a good inn there; sleep there; you can reach Arras to-morrow."
+
“He set out this morning for Paris; in fact, he need not even go through Paris; Montfermeil is a little to the left as you come thence. Do you remember how he said to me yesterday, when I spoke to him of Cosette, Soon, soon? He wants to give me a surprise, you know! he made me sign a letter so that she could be taken from the Thénardiers; they cannot say anything, can they? they will give back Cosette, for they have been paid; the authorities will not allow them to keep the child since they have received their pay. Do not make signs to me that I must not talk, sister! I am extremely happy; I am doing well; I am not ill at all any more; I am going to see Cosette again; I am even quite hungry; it is nearly five years since I saw her last; you cannot imagine how much attached one gets to children, and then, she will be so pretty; you will see! If you only knew what pretty little rosy fingers she had! In the first place, she will have very beautiful hands; she had ridiculous hands when she was only a year old; like this! she must be a big girl now; she is seven years old; she is quite a young lady; I call her Cosette, but her name is really Euphrasie. Stop! this morning I was looking at the dust on the chimney-piece, and I had a sort of idea come across me, like that, that I should see Cosette again soon. Mon Dieu! how wrong it is not to see one’s children for years! One ought to reflect that life is not eternal. Oh, how good M. le Maire is to go! it is very cold! it is true; he had on his cloak, at least? he will be here to-morrow, will he not? to-morrow will be a festival day; to-morrow morning, sister, you must remind me to put on my little cap that has lace on it. What a place that Montfermeil is! I took that journey on foot once; it was very long for me, but the diligences go very quickly! he will be here to-morrow with Cosette: how far is it from here to Montfermeil?”
  
"I must be there this evening."
+
The sister, who had no idea of distances, replied, “Oh, I think that he will be here to-morrow.
  
"That is different; but go to the inn all the same, and get an extra horse; the stable-boy will guide you through the cross-roads."
+
“To-morrow! to-morrow!” said Fantine, “I shall see Cosette to-morrow! you see, good sister of the good God, that I am no longer ill; I am mad; I could dance if any one wished it.
  
He followed the road-mender's advice, retraced his steps, and, half an hour later, he passed the same spot again, but this time at full speed, with a good horse to aid; a stable-boy, who called himself a postilion, was seated on the shaft of the cariole.
+
A person who had seen her a quarter of an hour previously would not have understood the change; she was all rosy now; she spoke in a lively and natural voice; her whole face was one smile; now and then she talked, she laughed softly; the joy of a mother is almost infantile.
  
Still, he felt that he had lost time.
+
“Well,” resumed the nun, “now that you are happy, mind me, and do not talk any more.
  
Night had fully come.
+
Fantine laid her head on her pillow and said in a low voice: “Yes, lie down again; be good, for you are going to have your child; Sister Simplice is right; every one here is right.
  
They turned into the cross-road; the way became frightfully bad; the cart lurched from one rut to the other; he said to the postilion:—
+
And then, without stirring, without even moving her head, she began to stare all about her with wide-open eyes and a joyous air, and she said nothing more.
  
"Keep at a trot, and you shall have a double fee."
+
The sister drew the curtains together again, hoping that she would fall into a doze. Between seven and eight o’clock the doctor came; not hearing any sound, he thought Fantine was asleep, entered softly, and approached the bed on tiptoe; he opened the curtains a little, and, by the light of the taper, he saw Fantine’s big eyes gazing at him.
  
In one of the jolts, the whiffle-tree broke.
+
She said to him, “She will be allowed to sleep beside me in a little bed, will she not, sir?”
  
"There's the whiffle-tree broken, sir," said the postilion; "I don't know how to harness my horse now; this road is very bad at night; if you wish to return and sleep at Tinques, we could be in Arras early to-morrow morning."
+
The doctor thought that she was delirious. She added:—
  
He replied, "Have you a bit of rope and a knife?"
+
“See! there is just room.”
  
"Yes, sir."
+
The doctor took Sister Simplice aside, and she explained matters to him; that M. Madeleine was absent for a day or two, and that in their doubt they had not thought it well to undeceive the invalid, who believed that the mayor had gone to Montfermeil; that it was possible, after all, that her guess was correct: the doctor approved.
  
He cut a branch from a tree and made a whiffle-tree of it.
+
He returned to Fantine’s bed, and she went on:—
  
This caused another loss of twenty minutes; but they set out again at a gallop.
+
“You see, when she wakes up in the morning, I shall be able to say good morning to her, poor kitten, and when I cannot sleep at night, I can hear her asleep; her little gentle breathing will do me good.
  
The plain was gloomy; low-hanging, black, crisp fogs crept over the hills and wrenched themselves away like smoke: there were whitish gleams in the clouds; a strong breeze which blew in from the sea produced a sound in all quarters of the horizon, as of some one moving furniture; everything that could be seen assumed attitudes of terror. How many things shiver beneath these vast breaths of the night!
+
“Give me your hand,” said the doctor.
  
He was stiff with cold; he had eaten nothing since the night before; he vaguely recalled his other nocturnal trip in the vast plain in the neighborhood of D——, eight years previously, and it seemed but yesterday.
+
She stretched out her arm, and exclaimed with a laugh:—
  
The hour struck from a distant tower; he asked the boy:—
+
“Ah, hold! in truth, you did not know it; I am cured; Cosette will arrive to-morrow.”
  
"What time is it?"
+
The doctor was surprised; she was better; the pressure on her chest had decreased; her pulse had regained its strength; a sort of life had suddenly supervened and reanimated this poor, worn-out creature.
  
"Seven o'clock, sir; we shall reach Arras at eight; we have but three leagues still to go."
+
“Doctor,” she went on, “did the sister tell you that M. le Maire has gone to get that mite of a child?”
  
At that moment, he for the first time indulged in this reflection, thinking it odd the while that it had not occurred to him sooner: that all this trouble which he was taking was, perhaps, useless; that he did not know so much as the hour of the trial; that he should, at least, have informed himself of that; that he was foolish to go thus straight ahead without knowing whether he would be of any service or not; then he sketched out some calculations in his mind: that, ordinarily, the sittings of the Court of Assizes began at nine o'clock in the morning; that it could not be a long affair; that the theft of the apples would be very brief; that there would then remain only a question of identity, four or five depositions, and very little for the lawyers to say; that he should arrive after all was over.
+
The doctor recommended silence, and that all painful emotions should be avoided; he prescribed an infusion of pure chinchona, and, in case the fever should increase again during the night, a calming potion. As he took his departure, he said to the sister:—
  
The postilion whipped up the horses; they had crossed the river and left Mont-Saint-Eloy behind them.
+
“She is doing better; if good luck willed that the mayor should actually arrive to-morrow with the child, who knows? there are crises so astounding; great joy has been known to arrest maladies; I know well that this is an organic disease, and in an advanced state, but all those things are such mysteries: we may be able to save her.
  
The night grew more profound.
 
  
 
==Translation notes==
 
==Translation notes==

Latest revision as of 02:15, 30 November 2019

Les Misérables, Volume 1: Fantine, Book seventh: The Champmathieu Affair, Chapter 6: Sister Simplice put to the proof
(Tome 1: Fantine, Livre septième: L'affaire Champmathieu, Chapitre 6: La sœur Simplice mise à l'épreuve)

General notes on this chapter[edit]

French text[edit]

Cependant, en ce moment-là même, Fantine était dans la joie.

Elle avait passé une très mauvaise nuit. Toux affreuse, redoublement de fièvre; elle avait eu des songes. Le matin, à la visite du médecin, elle délirait. Il avait eu l'air alarmé et avait recommandé qu'on le prévînt dès que M. Madeleine viendrait.

Toute la matinée elle fut morne, parla peu, et fit des plis à ses draps en murmurant à voix basse des calculs qui avaient l'air d'être des calculs de distances. Ses yeux étaient caves et fixes. Ils paraissaient presque éteints, et puis, par moments, ils se rallumaient et resplendissaient comme des étoiles. Il semble qu'aux approches d'une certaine heure sombre, la clarté du ciel emplisse ceux que quitte la clarté de la terre.

Chaque fois que la sœur Simplice lui demandait comment elle se trouvait, elle répondait invariablement:

—Bien. Je voudrais voir monsieur Madeleine.

Quelques mois auparavant, à ce moment où Fantine venait de perdre sa dernière pudeur, sa dernière honte et sa dernière joie, elle était l'ombre d'elle-même; maintenant elle en était le spectre. Le mal physique avait complété l'œuvre du mal moral. Cette créature de vingt-cinq ans avait le front ridé, les joues flasques, les narines pincées, les dents déchaussées, le teint plombé, le cou osseux, les clavicules saillantes, les membres chétifs, la peau terreuse, et ses cheveux blonds poussaient mêlés de cheveux gris. Hélas! comme la maladie improvise la vieillesse! À midi, le médecin revint, il fit quelques prescriptions, s'informa si M. le maire avait paru à l'infirmerie, et branla la tête.

M. Madeleine venait d'habitude à trois heures voir la malade. Comme l'exactitude était de la bonté, il était exact.

Vers deux heures et demie, Fantine commença à s'agiter. Dans l'espace de vingt minutes, elle demanda plus de dix fois à la religieuse:

—Ma sœur, quelle heure est-il?

Trois heures sonnèrent. Au troisième coup, Fantine se dressa sur son séant, elle qui d'ordinaire pouvait à peine remuer dans son lit; elle joignit dans une sorte d'étreinte convulsive ses deux mains décharnées et jaunes, et la religieuse entendit sortir de sa poitrine un de ces soupirs profonds qui semblent soulever un accablement. Puis Fantine se tourna et regarda la porte.

Personne n'entra; la porte ne s'ouvrit point.

Elle resta ainsi un quart d'heure, l'œil attaché sur la porte, immobile et comme retenant son haleine. La sœur n'osait lui parler. L'église sonna trois heures un quart. Fantine se laissa retomber sur l'oreiller.

Elle ne dit rien et se remit à faire des plis à son drap. La demi-heure passa, puis l'heure. Personne ne vint.

Chaque fois que l'horloge sonnait, Fantine se dressait et regardait du côté de la porte, puis elle retombait.

On voyait clairement sa pensée, mais elle ne prononçait aucun nom, elle ne se plaignait pas, elle n'accusait pas. Seulement elle toussait d'une façon lugubre. On eût dit que quelque chose d'obscur s'abaissait sur elle. Elle était livide et avait les lèvres bleues. Elle souriait par moments.

Cinq heures sonnèrent. Alors la sœur l'entendit qui disait très bas et doucement:

—Mais puisque je m'en vais demain, il a tort de ne pas venir aujourd'hui!

La sœur Simplice elle-même était surprise du retard de M. Madeleine.

Cependant Fantine regardait le ciel de son lit. Elle avait l'air de chercher à se rappeler quelque chose. Tout à coup elle se mit à chanter d'une voix faible comme un souffle. La religieuse écouta. Voici ce que Fantine chantait:

Nous achèterons de bien belles choses En nous promenant le long des faubourgs. Les bleuets sont bleus, les roses sont roses, Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours. La vierge Marie auprès de mon poêle Est venue hier en manteau brodé, Et m'a dit:—Voici, caché sous mon voile, Le petit qu'un jour tu m'as demandé. Courez à la ville, ayez de la toile, Achetez du fil, achetez un dé. Nous achèterons de bien belles choses En nous promenant le long des faubourgs. Bonne sainte Vierge, auprès de mon poêle J'ai mis un berceau de rubans orné Dieu me donnerait sa plus belle étoile, J'aime mieux l'enfant que tu m'as donné. —Madame, que faire avec cette toile? —Faites un trousseau pour mon nouveau-né. Les bleuets sont bleus, les roses sont roses, Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours. —Lavez cette toile. —Où?—Dans la rivière. Faites-en, sans rien gâter ni salir, Une belle jupe avec sa brassière Que je veux broder et de fleurs emplir. —L'enfant n'est plus là, madame, qu'en faire? —Faites-en un drap pour m'ensevelir. Nous achèterons de bien belles choses En nous promenant le long des faubourgs. Les bleuets sont bleus, les roses sont roses, Les bleuets sont bleus, j'aime mes amours. Cette chanson était une vieille romance de berceuse avec laquelle autrefois elle endormait sa petite Cosette, et qui ne s'était pas offerte à son esprit depuis cinq ans qu'elle n'avait plus son enfant. Elle chantait cela d'une voix si triste et sur un air si doux que c'était à faire pleurer, même une religieuse. La sœur, habituée aux choses austères, sentit une larme lui venir.

L'horloge sonna six heures. Fantine ne parut pas entendre. Elle semblait ne plus faire attention à aucune chose autour d'elle.

La sœur Simplice envoya une fille de service s'informer près de la portière de la fabrique si M. le maire était rentré et s'il ne monterait pas bientôt à l'infirmerie. La fille revint au bout de quelques minutes.

Fantine était toujours immobile et paraissait attentive à des idées qu'elle avait.

La servante raconta très bas à la sœur Simplice que M. le maire était parti le matin même avant six heures dans un petit tilbury attelé d'un cheval blanc, par le froid qu'il faisait, qu'il était parti seul, pas même de cocher, qu'on ne savait pas le chemin qu'il avait pris, que des personnes disaient l'avoir vu tourner par la route d'Arras, que d'autres assuraient l'avoir rencontré sur la route de Paris. Qu'en s'en allant il avait été comme à l'ordinaire très doux, et qu'il avait seulement dit à la portière qu'on ne l'attendît pas cette nuit.

Pendant que les deux femmes, le dos tourné au lit de la Fantine, chuchotaient, la sœur questionnant, la servante conjecturant, la Fantine, avec cette vivacité fébrile de certaines maladies organiques qui mêle les mouvements libres de la santé à l'effrayante maigreur de la mort, s'était mise à genoux sur son lit, ses deux poings crispés appuyés sur le traversin, et, la tête passée par l'intervalle des rideaux, elle écoutait. Tout à coup elle cria:

—Vous parlez là de monsieur Madeleine! pourquoi parlez-vous tout bas? Qu'est-ce qu'il fait? Pourquoi ne vient-il pas?

Sa voix était si brusque et si rauque que les deux femmes crurent entendre une voix d'homme; elles se retournèrent effrayées.

—Répondez donc! cria Fantine.

La servante balbutia:

—La portière m'a dit qu'il ne pourrait pas venir aujourd'hui.

—Mon enfant, dit la sœur, tenez-vous tranquille, recouchez-vous.

Fantine, sans changer d'attitude, reprit d'une voix haute et avec un accent tout à la fois impérieux et déchirant:

—Il ne pourra venir? Pourquoi cela? Vous savez la raison. Vous la chuchotiez là entre vous. Je veux la savoir.

La servante se hâta de dire à l'oreille de la religieuse:

—Répondez qu'il est occupé au conseil municipal.

La sœur Simplice rougit légèrement; c'était un mensonge que la servante lui proposait. D'un autre côté il lui semblait bien que dire la vérité à la malade ce serait sans doute lui porter un coup terrible et que cela était grave dans l'état où était Fantine. Cette rougeur dura peu. La sœur leva sur Fantine son œil calme et triste, et dit:

—Monsieur le maire est parti.

Fantine se redressa et s'assit sur ses talons. Ses yeux étincelèrent. Une joie inouïe rayonna sur cette physionomie douloureuse.

—Parti! s'écria-t-elle. Il est allé chercher Cosette!

Puis elle tendit ses deux mains vers le ciel et tout son visage devint ineffable. Ses lèvres remuaient; elle priait à voix basse.

Quand sa prière fut finie:

—Ma sœur, dit-elle, je veux bien me recoucher, je vais faire tout ce qu'on voudra; tout à l'heure j'ai été méchante, je vous demande pardon d'avoir parlé si haut, c'est très mal de parler haut, je le sais bien, ma bonne sœur, mais voyez-vous, je suis très contente. Le bon Dieu est bon, monsieur Madeleine est bon, figurez-vous qu'il est allé chercher ma petite Cosette à Montfermeil.

Elle se recoucha, aida la religieuse à arranger l'oreiller et baisa une petite croix d'argent qu'elle avait au cou et que la sœur Simplice lui avait donnée.

—Mon enfant, dit la sœur, tâchez de reposer maintenant, et ne parlez plus.

Fantine prit dans ses mains moites la main de la sœur, qui souffrait de lui sentir cette sueur.

—Il est parti ce matin pour aller à Paris. Au fait il n'a pas même besoin de passer par Paris. Montfermeil, c'est un peu à gauche en venant. Vous rappelez-vous comme il me disait hier quand je lui parlais de Cosette: bientôt, bientôt? C'est une surprise qu'il veut me faire. Vous savez? il m'avait fait signer une lettre pour la reprendre aux Thénardier. Ils n'auront rien à dire, pas vrai? Ils rendront Cosette. Puisqu'ils sont payés. Les autorités ne souffriraient pas qu'on garde un enfant quand on est payé. Ma sœur, ne me faites pas signe qu'il ne faut pas que je parle. Je suis extrêmement heureuse, je vais très bien, je n'ai plus de mal du tout, je vais revoir Cosette, j'ai même très faim. Il y a près de cinq ans que je ne l'ai vue. Vous ne vous figurez pas, vous, comme cela vous tient, les enfants! Et puis elle sera si gentille, vous verrez! Si vous saviez, elle a de si jolis petits doigts roses! D'abord elle aura de très belles mains. À un an, elle avait des mains ridicules. Ainsi!—Elle doit être grande à présent. Cela vous a sept ans. C'est une demoiselle. Je l'appelle Cosette, mais elle s'appelle Euphrasie. Tenez, ce matin, je regardais de la poussière qui était sur la cheminée et j'avais bien l'idée comme cela que je reverrais bientôt Cosette. Mon Dieu! comme on a tort d'être des années sans voir ses enfants! on devrait bien réfléchir que la vie n'est pas éternelle! Oh! comme il est bon d'être parti, monsieur le maire! C'est vrai ça, qu'il fait bien froid? avait-il son manteau au moins? Il sera ici demain, n'est-ce pas? Ce sera demain fête. Demain matin, ma sœur, vous me ferez penser à mettre mon petit bonnet qui a de la dentelle. Montfermeil, c'est un pays. J'ai fait cette route-là, à pied, dans le temps. Il y a eu bien loin pour moi. Mais les diligences vont très vite! Il sera ici demain avec Cosette. Combien y a-t-il d'ici Montfermeil?

La sœur, qui n'avait aucune idée des distances, répondit:

—Oh! je crois bien qu'il pourra être ici demain.

—Demain! demain! dit Fantine, je verrai Cosette demain! Voyez-vous, bonne sœur du bon Dieu, je ne suis plus malade. Je suis folle. Je danserais, si on voulait.

Quelqu'un qui l'eût vue un quart d'heure auparavant n'y eût rien compris. Elle était maintenant toute rose, elle parlait d'une voix vive et naturelle, toute sa figure n'était qu'un sourire. Par moments elle riait en se parlant tout bas. Joie de mère, c'est presque joie d'enfant.

—Eh bien, reprit la religieuse, vous voilà heureuse, obéissez-moi, ne parlez plus.

Fantine posa sa tête sur l'oreiller et dit à demi-voix:

—Oui, recouche-toi, sois sage puisque tu vas avoir ton enfant. Elle a raison, sœur Simplice. Tous ceux qui sont ici ont raison.

Et puis, sans bouger, sans remuer la tête, elle se mit à regarder partout avec ses yeux tout grands ouverts et un air joyeux, et elle ne dit plus rien.

La sœur referma ses rideaux, espérant qu'elle s'assoupirait.

Entre sept et huit heures le médecin vint. N'entendant aucun bruit, il crut que Fantine dormait, entra doucement et s'approcha du lit sur la pointe du pied. Il entrouvrit les rideaux, et à la lueur de la veilleuse il vit les grands yeux calmes de Fantine qui le regardaient.

Elle lui dit:

—Monsieur, n'est-ce pas, on me laissera la coucher à côté de moi dans un petit lit?

Le médecin crut qu'elle délirait. Elle ajouta:

—Regardez plutôt, il y a juste de la place.

Le médecin prit à part la sœur Simplice qui lui expliqua la chose, que M. Madeleine était absent pour un jour ou deux, et que, dans le doute, on n'avait pas cru devoir détromper la malade qui croyait monsieur le maire parti pour Montfermeil; qu'il était possible en somme qu'elle eût deviné juste. Le médecin approuva.

Il se rapprocha du lit de Fantine, qui reprit:

—C'est que, voyez-vous, le matin, quand elle s'éveillera, je lui dirai bonjour à ce pauvre chat, et la nuit, moi qui ne dors pas, je l'entendrai dormir. Sa petite respiration si douce, cela me fera du bien.

—Donnez-moi votre main, dit le médecin.

Elle tendit son bras, et s'écria en riant.

—Ah! tiens! au fait, c'est vrai, vous ne savez pas c'est que je suis guérie. Cosette arrive demain.

Le médecin fut surpris. Elle était mieux. L'oppression était moindre. Le pouls avait repris de la force. Une sorte de vie survenue tout à coup ranimait ce pauvre être épuisé.

—Monsieur le docteur, reprit-elle, la sœur vous a-t-elle dit que monsieur le maire était allé chercher le chiffon?

Le médecin recommanda le silence et qu'on évitât toute émotion pénible. Il prescrivit une infusion de quinquina pur, et, pour le cas où la fièvre reprendrait dans la nuit, une potion calmante. En s'en allant, il dit à la sœur:

—Cela va mieux. Si le bonheur voulait qu'en effet monsieur le maire arrivât demain avec l'enfant, qui sait? il y a des crises si étonnantes, on a vu de grandes joies arrêter court des maladies; je sais bien que celle-ci est une maladie organique, et bien avancée, mais c'est un tel mystère que tout cela! Nous la sauverions peut-être.

English text[edit]

But at that moment Fantine was joyous.

She had passed a very bad night; her cough was frightful; her fever had doubled in intensity; she had had dreams: in the morning, when the doctor paid his visit, she was delirious; he assumed an alarmed look, and ordered that he should be informed as soon as M. Madeleine arrived.

All the morning she was melancholy, said but little, and laid plaits in her sheets, murmuring the while, in a low voice, calculations which seemed to be calculations of distances. Her eyes were hollow and staring. They seemed almost extinguished at intervals, then lighted up again and shone like stars. It seems as though, at the approach of a certain dark hour, the light of heaven fills those who are quitting the light of earth.

Each time that Sister Simplice asked her how she felt, she replied invariably, “Well. I should like to see M. Madeleine.”

Some months before this, at the moment when Fantine had just lost her last modesty, her last shame, and her last joy, she was the shadow of herself; now she was the spectre of herself. Physical suffering had completed the work of moral suffering. This creature of five and twenty had a wrinkled brow, flabby cheeks, pinched nostrils, teeth from which the gums had receded, a leaden complexion, a bony neck, prominent shoulder-blades, frail limbs, a clayey skin, and her golden hair was growing out sprinkled with gray. Alas! how illness improvises old-age!

At midday the physician returned, gave some directions, inquired whether the mayor had made his appearance at the infirmary, and shook his head.

M. Madeleine usually came to see the invalid at three o’clock. As exactness is kindness, he was exact.

About half-past two, Fantine began to be restless. In the course of twenty minutes, she asked the nun more than ten times, “What time is it, sister?”

Three o’clock struck. At the third stroke, Fantine sat up in bed; she who could, in general, hardly turn over, joined her yellow, fleshless hands in a sort of convulsive clasp, and the nun heard her utter one of those profound sighs which seem to throw off dejection. Then Fantine turned and looked at the door.

No one entered; the door did not open.

She remained thus for a quarter of an hour, her eyes riveted on the door, motionless and apparently holding her breath. The sister dared not speak to her. The clock struck a quarter past three. Fantine fell back on her pillow.

She said nothing, but began to plait the sheets once more.

Half an hour passed, then an hour, no one came; every time the clock struck, Fantine started up and looked towards the door, then fell back again.

Her thought was clearly perceptible, but she uttered no name, she made no complaint, she blamed no one. But she coughed in a melancholy way. One would have said that something dark was descending upon her. She was livid and her lips were blue. She smiled now and then.

Five o’clock struck. Then the sister heard her say, very low and gently, “He is wrong not to come to-day, since I am going away to-morrow.”

Sister Simplice herself was surprised at M. Madeleine’s delay.

In the meantime, Fantine was staring at the tester of her bed. She seemed to be endeavoring to recall something. All at once she began to sing in a voice as feeble as a breath. The nun listened. This is what Fantine was singing:—

“Lovely things we will buy As we stroll the faubourgs through. Roses are pink, corn-flowers are blue, I love my love, corn-flowers are blue. “Yestere’en the Virgin Mary came near my stove, in a broidered mantle clad, and said to me, ‘Here, hide ‘neath my veil the child whom you one day begged from me. Haste to the city, buy linen, buy a needle, buy thread.’

“Lovely things we will buy As we stroll the faubourgs through. “Dear Holy Virgin, beside my stove I have set a cradle with ribbons decked. God may give me his loveliest star; I prefer the child thou hast granted me. ‘Madame, what shall I do with this linen fine?’—‘Make of it clothes for thy new-born babe.’

“Roses are pink and corn-flowers are blue, I love my love, and corn-flowers are blue. “‘Wash this linen.’—‘Where?’—‘In the stream. Make of it, soiling not, spoiling not, a petticoat fair with its bodice fine, which I will embroider and fill with flowers.’—‘Madame, the child is no longer here; what is to be done?’—‘Then make of it a winding-sheet in which to bury me.’

“Lovely things we will buy As we stroll the faubourgs through, Roses are pink, corn-flowers are blue, I love my love, corn-flowers are blue.”

This song was an old cradle romance with which she had, in former days, lulled her little Cosette to sleep, and which had never recurred to her mind in all the five years during which she had been parted from her child. She sang it in so sad a voice, and to so sweet an air, that it was enough to make any one, even a nun, weep. The sister, accustomed as she was to austerities, felt a tear spring to her eyes.

The clock struck six. Fantine did not seem to hear it. She no longer seemed to pay attention to anything about her.

Sister Simplice sent a serving-maid to inquire of the portress of the factory, whether the mayor had returned, and if he would not come to the infirmary soon. The girl returned in a few minutes.

Fantine was still motionless and seemed absorbed in her own thoughts.

The servant informed Sister Simplice in a very low tone, that the mayor had set out that morning before six o’clock, in a little tilbury harnessed to a white horse, cold as the weather was; that he had gone alone, without even a driver; that no one knew what road he had taken; that people said he had been seen to turn into the road to Arras; that others asserted that they had met him on the road to Paris. That when he went away he had been very gentle, as usual, and that he had merely told the portress not to expect him that night.

While the two women were whispering together, with their backs turned to Fantine’s bed, the sister interrogating, the servant conjecturing, Fantine, with the feverish vivacity of certain organic maladies, which unite the free movements of health with the frightful emaciation of death, had raised herself to her knees in bed, with her shrivelled hands resting on the bolster, and her head thrust through the opening of the curtains, and was listening. All at once she cried:—

“You are speaking of M. Madeleine! Why are you talking so low? What is he doing? Why does he not come?”

Her voice was so abrupt and hoarse that the two women thought they heard the voice of a man; they wheeled round in affright.

“Answer me!” cried Fantine.

The servant stammered:—

“The portress told me that he could not come to-day.”

“Be calm, my child,” said the sister; “lie down again.”

Fantine, without changing her attitude, continued in a loud voice, and with an accent that was both imperious and heart-rending:—

“He cannot come? Why not? You know the reason. You are whispering it to each other there. I want to know it.”

The servant-maid hastened to say in the nun’s ear, “Say that he is busy with the city council.”

Sister Simplice blushed faintly, for it was a lie that the maid had proposed to her.

On the other hand, it seemed to her that the mere communication of the truth to the invalid would, without doubt, deal her a terrible blow, and that this was a serious matter in Fantine’s present state. Her flush did not last long; the sister raised her calm, sad eyes to Fantine, and said, “Monsieur le Maire has gone away.”

Fantine raised herself and crouched on her heels in the bed: her eyes sparkled; indescribable joy beamed from that melancholy face.

“Gone!” she cried; “he has gone to get Cosette.”

Then she raised her arms to heaven, and her white face became ineffable; her lips moved; she was praying in a low voice.

When her prayer was finished, “Sister,” she said, “I am willing to lie down again; I will do anything you wish; I was naughty just now; I beg your pardon for having spoken so loud; it is very wrong to talk loudly; I know that well, my good sister, but, you see, I am very happy: the good God is good; M. Madeleine is good; just think! he has gone to Montfermeil to get my little Cosette.”

She lay down again, with the nun’s assistance, helped the nun to arrange her pillow, and kissed the little silver cross which she wore on her neck, and which Sister Simplice had given her.

“My child,” said the sister, “try to rest now, and do not talk any more.”

Fantine took the sister’s hand in her moist hands, and the latter was pained to feel that perspiration.

“He set out this morning for Paris; in fact, he need not even go through Paris; Montfermeil is a little to the left as you come thence. Do you remember how he said to me yesterday, when I spoke to him of Cosette, Soon, soon? He wants to give me a surprise, you know! he made me sign a letter so that she could be taken from the Thénardiers; they cannot say anything, can they? they will give back Cosette, for they have been paid; the authorities will not allow them to keep the child since they have received their pay. Do not make signs to me that I must not talk, sister! I am extremely happy; I am doing well; I am not ill at all any more; I am going to see Cosette again; I am even quite hungry; it is nearly five years since I saw her last; you cannot imagine how much attached one gets to children, and then, she will be so pretty; you will see! If you only knew what pretty little rosy fingers she had! In the first place, she will have very beautiful hands; she had ridiculous hands when she was only a year old; like this! she must be a big girl now; she is seven years old; she is quite a young lady; I call her Cosette, but her name is really Euphrasie. Stop! this morning I was looking at the dust on the chimney-piece, and I had a sort of idea come across me, like that, that I should see Cosette again soon. Mon Dieu! how wrong it is not to see one’s children for years! One ought to reflect that life is not eternal. Oh, how good M. le Maire is to go! it is very cold! it is true; he had on his cloak, at least? he will be here to-morrow, will he not? to-morrow will be a festival day; to-morrow morning, sister, you must remind me to put on my little cap that has lace on it. What a place that Montfermeil is! I took that journey on foot once; it was very long for me, but the diligences go very quickly! he will be here to-morrow with Cosette: how far is it from here to Montfermeil?”

The sister, who had no idea of distances, replied, “Oh, I think that he will be here to-morrow.”

“To-morrow! to-morrow!” said Fantine, “I shall see Cosette to-morrow! you see, good sister of the good God, that I am no longer ill; I am mad; I could dance if any one wished it.”

A person who had seen her a quarter of an hour previously would not have understood the change; she was all rosy now; she spoke in a lively and natural voice; her whole face was one smile; now and then she talked, she laughed softly; the joy of a mother is almost infantile.

“Well,” resumed the nun, “now that you are happy, mind me, and do not talk any more.”

Fantine laid her head on her pillow and said in a low voice: “Yes, lie down again; be good, for you are going to have your child; Sister Simplice is right; every one here is right.”

And then, without stirring, without even moving her head, she began to stare all about her with wide-open eyes and a joyous air, and she said nothing more.

The sister drew the curtains together again, hoping that she would fall into a doze. Between seven and eight o’clock the doctor came; not hearing any sound, he thought Fantine was asleep, entered softly, and approached the bed on tiptoe; he opened the curtains a little, and, by the light of the taper, he saw Fantine’s big eyes gazing at him.

She said to him, “She will be allowed to sleep beside me in a little bed, will she not, sir?”

The doctor thought that she was delirious. She added:—

“See! there is just room.”

The doctor took Sister Simplice aside, and she explained matters to him; that M. Madeleine was absent for a day or two, and that in their doubt they had not thought it well to undeceive the invalid, who believed that the mayor had gone to Montfermeil; that it was possible, after all, that her guess was correct: the doctor approved.

He returned to Fantine’s bed, and she went on:—

“You see, when she wakes up in the morning, I shall be able to say good morning to her, poor kitten, and when I cannot sleep at night, I can hear her asleep; her little gentle breathing will do me good.”

“Give me your hand,” said the doctor.

She stretched out her arm, and exclaimed with a laugh:—

“Ah, hold! in truth, you did not know it; I am cured; Cosette will arrive to-morrow.”

The doctor was surprised; she was better; the pressure on her chest had decreased; her pulse had regained its strength; a sort of life had suddenly supervened and reanimated this poor, worn-out creature.

“Doctor,” she went on, “did the sister tell you that M. le Maire has gone to get that mite of a child?”

The doctor recommended silence, and that all painful emotions should be avoided; he prescribed an infusion of pure chinchona, and, in case the fever should increase again during the night, a calming potion. As he took his departure, he said to the sister:—

“She is doing better; if good luck willed that the mayor should actually arrive to-morrow with the child, who knows? there are crises so astounding; great joy has been known to arrest maladies; I know well that this is an organic disease, and in an advanced state, but all those things are such mysteries: we may be able to save her.”


Translation notes[edit]

Textual notes[edit]

Citations[edit]