Volume 1/Book 5/Chapter 4

From Les Misérables Annotation Project
< Volume 1/Book 5
Revision as of 14:11, 1 April 2014 by Smirli (talk | contribs) (Textual notes)
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to: navigation, search

Les Misérables, Volume 1: Fantine, Book fifth: The Descent, Chapter 4: M. Madeleine in Mourning
(Tome 1: Fantine, Livre cinqième: La descente, Chapitre 4: M. Madeleine en deuil)

General notes on this chapter[edit]

French text[edit]

Au commencement de 1821, les journaux annoncèrent la mort de M. Myriel, évêque de Digne, «surnommé monseigneur Bienvenu», et trépassé en odeur de sainteté à l'âge de quatre-vingt-deux ans.

L'évêque de Digne, pour ajouter ici un détail que les journaux omirent, était, quand il mourut, depuis plusieurs années aveugle, et content d'être aveugle, sa sœur étant près de lui.

Disons-le en passant, être aveugle et être aimé, c'est en effet, sur cette terre où rien n'est complet, une des formes les plus étrangement exquises du bonheur. Avoir continuellement à ses côtés une femme, une fille, une sœur, un être charmant, qui est là parce que vous avez besoin d'elle et parce qu'elle ne peut se passer de vous, se savoir indispensable à qui nous est nécessaire, pouvoir incessamment mesurer son affection à la quantité de présence qu'elle nous donne, et se dire: puisqu'elle me consacre tout son temps, c'est que j'ai tout son cœur; voir la pensée à défaut de la figure, constater la fidélité d'un être dans l'éclipse du monde, percevoir le frôlement d'une robe comme un bruit d'ailes, l'entendre aller et venir, sortir, rentrer, parler, chanter, et songer qu'on est le centre de ces pas, de cette parole, de ce chant, manifester à chaque minute sa propre attraction, se sentir d'autant plus puissant qu'on est plus infirme, devenir dans l'obscurité, et par l'obscurité, l'astre autour duquel gravite cet ange, peu de félicités égalent celle-là. Le suprême bonheur de la vie, c'est la conviction qu'on est aimé; aimé pour soi-même, disons mieux, aimé malgré soi-même; cette conviction, l'aveugle l'a. Dans cette détresse, être servi, c'est être caressé. Lui manque-t-il quelque chose? Non. Ce n'est point perdre la lumière qu'avoir l'amour. Et quel amour! un amour entièrement fait de vertu. Il n'y a point de cécité où il y a certitude. L'âme à tâtons cherche l'âme, et la trouve. Et cette âme trouvée et prouvée est une femme. Une main vous soutient, c'est la sienne; une bouche effleure votre front, c'est sa bouche; vous entendez une respiration tout près de vous, c'est elle. Tout avoir d'elle, depuis son culte jusqu'à sa pitié, n'être jamais quitté, avoir cette douce faiblesse qui vous secourt, s'appuyer sur ce roseau inébranlable, toucher de ses mains la providence et pouvoir la prendre dans ses bras, Dieu palpable, quel ravissement! Le cœur, cette céleste fleur obscure, entre dans un épanouissement mystérieux. On ne donnerait pas cette ombre pour toute la clarté. L'âme ange est là, sans cesse là; si elle s'éloigne, c'est pour revenir; elle s'efface comme le rêve et reparaît comme la réalité. On sent de la chaleur qui approche, la voilà. On déborde de sérénité, de gaîté et d'extase; on est un rayonnement dans la nuit. Et mille petits soins. Des riens qui sont énormes dans ce vide. Les plus ineffables accents de la voix féminine employés à vous bercer, et suppléant pour vous à l'univers évanoui. On est caressé avec de l'âme. On ne voit rien, mais on se sent adoré. C'est un paradis de ténèbres.

C'est de ce paradis que monseigneur Bienvenu était passé à l'autre.

L'annonce de sa mort fut reproduite par le journal local de Montreuil-sur-mer. M. Madeleine parut le lendemain tout en noir avec un crêpe à son chapeau.

On remarqua dans la ville ce deuil, et l'on jasa. Cela parut une lueur sur l'origine de M. Madeleine. On en conclut qu'il avait quelque alliance avec le vénérable évêque. Il drape pour l'évêque de Digne, dirent les salons; cela rehaussa fort M. Madeleine, et lui donna subitement et d'emblée une certaine considération dans le monde noble de Montreuil-sur-mer. Le microscopique faubourg Saint-Germain de l'endroit songea à faire cesser la quarantaine de M. Madeleine, parent probable d'un évêque. M. Madeleine s'aperçut de l'avancement qu'il obtenait à plus de révérences des vieilles femmes et à plus de sourires des jeunes. Un soir, une doyenne de ce petit grand monde-là, curieuse par droit d'ancienneté, se hasarda à lui demander:

—Monsieur le maire est sans doute cousin du feu évêque de Digne?

Il dit:

—Non, madame.

—Mais, reprit la douairière, vous en portez le deuil?

Il répondit:

—C'est que dans ma jeunesse j'ai été laquais dans sa famille.

Une remarque qu'on faisait encore, c'est que, chaque fois qu'il passait dans la ville un jeune savoyard courant le pays et cherchant des cheminées à ramoner, M. le maire le faisait appeler, lui demandait son nom, et lui donnait de l'argent. Les petits savoyards se le disaient, et il en passait beaucoup.

English text[edit]

At the beginning of 1820 the newspapers announced the death of M. Myriel, Bishop of D——, surnamed "Monseigneur Bienvenu," who had died in the odor of sanctity at the age of eighty-two.

The Bishop of D—— to supply here a detail which the papers omitted—had been blind for many years before his death, and content to be blind, as his sister was beside him.

Let us remark by the way, that to be blind and to be loved, is, in fact, one of the most strangely exquisite forms of happiness upon this earth, where nothing is complete. To have continually at one's side a woman, a daughter, a sister, a charming being, who is there because you need her and because she cannot do without you; to know that we are indispensable to a person who is necessary to us; to be able to incessantly measure one's affection by the amount of her presence which she bestows on us, and to say to ourselves, "Since she consecrates the whole of her time to me, it is because I possess the whole of her heart"; to behold her thought in lieu of her face; to be able to verify the fidelity of one being amid the eclipse of the world; to regard the rustle of a gown as the sound of wings; to hear her come and go, retire, speak, return, sing, and to think that one is the centre of these steps, of this speech; to manifest at each instant one's personal attraction; to feel one's self all the more powerful because of one's infirmity; to become in one's obscurity, and through one's obscurity, the star around which this angel gravitates,—few felicities equal this. The supreme happiness of life consists in the conviction that one is loved; loved for one's own sake—let us say rather, loved in spite of one's self; this conviction the blind man possesses. To be served in distress is to be caressed. Does he lack anything? No. One does not lose the sight when one has love. And what love! A love wholly constituted of virtue! There is no blindness where there is certainty. Soul seeks soul, gropingly, and finds it. And this soul, found and tested, is a woman. A hand sustains you; it is hers: a mouth lightly touches your brow; it is her mouth: you hear a breath very near you; it is hers. To have everything of her, from her worship to her pity, never to be left, to have that sweet weakness aiding you, to lean upon that immovable reed, to touch Providence with one's hands, and to be able to take it in one's arms,—God made tangible,—what bliss! The heart, that obscure, celestial flower, undergoes a mysterious blossoming. One would not exchange that shadow for all brightness! The angel soul is there, uninterruptedly there; if she departs, it is but to return again; she vanishes like a dream, and reappears like reality. One feels warmth approaching, and behold! she is there. One overflows with serenity, with gayety, with ecstasy; one is a radiance amid the night. And there are a thousand little cares. Nothings, which are enormous in that void. The most ineffable accents of the feminine voice employed to lull you, and supplying the vanished universe to you. One is caressed with the soul. One sees nothing, but one feels that one is adored. It is a paradise of shadows.

It was from this paradise that Monseigneur Welcome had passed to the other.

The announcement of his death was reprinted by the local journal of M. sur M. On the following day, M. Madeleine appeared clad wholly in black, and with crape on his hat.

This mourning was noticed in the town, and commented on. It seemed to throw a light on M. Madeleine's origin. It was concluded that some relationship existed between him and the venerable Bishop. "He has gone into mourning for the Bishop of D——" said the drawing-rooms; this raised M. Madeleine's credit greatly, and procured for him, instantly and at one blow, a certain consideration in the noble world of M. sur M. The microscopic Faubourg Saint-Germain of the place meditated raising the quarantine against M. Madeleine, the probable relative of a bishop. M. Madeleine perceived the advancement which he had obtained, by the more numerous courtesies of the old women and the more plentiful smiles of the young ones. One evening, a ruler in that petty great world, who was curious by right of seniority, ventured to ask him, "M. le Maire is doubtless a cousin of the late Bishop of D——?"

He said, "No, Madame."

"But," resumed the dowager, "you are wearing mourning for him."

He replied, "It is because I was a servant in his family in my youth."

Another thing which was remarked, was, that every time that he encountered in the town a young Savoyard who was roaming about the country and seeking chimneys to sweep, the mayor had him summoned, inquired his name, and gave him money. The little Savoyards told each other about it: a great many of them passed that way.


Translation notes[edit]

Textual notes[edit]

1821[edit]

Napoleon and Hugo's mother both died in this year .[1]

Citations[edit]

  1. Hugo, Victor. Les Misérables. Annotation by Guy Rosa. Le Livre de Poche. 1998.