Volume 3/Book 8/Chapter 16

From Les Misérables Annotation Project
< Volume 3/Book 8
Revision as of 12:59, 12 May 2017 by Juandelfrio (talk | contribs) (English text)
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to: navigation, search

Les Misérables, Volume 3: Marius, Book Eighth: The Wicked Poor Man, Chapter 16: In which will be found the Words to an English Air which was in Fashion in 1832
(Tome 3: Marius, Livre huitième: Le mauvais pauvre, Chapitre 16: Où l'on retrouvera la chanson sur un air anglais à la mode en 1832)

General notes on this chapter[edit]

French text[edit]

Marius s'assit sur son lit. Il pouvait être cinq heures et demie. Une demi-heure seulement le séparait de ce qui allait arriver. Il entendait battre ses artères comme on entend le battement d'une montre dans l'obscurité. Il songeait à cette double marche qui se faisait en ce moment dans les ténèbres, le crime s'avançant d'un côté, la justice venant de l'autre. Il n'avait pas peur, mais il ne pouvait penser sans un certain tressaillement aux choses qui allaient se passer. Comme à tous ceux que vient assaillir soudainement une aventure surprenante, cette journée entière lui faisait l'effet d'un rêve, et, pour ne point se croire en proie à un cauchemar, il avait besoin de sentir dans ses goussets le froid des deux pistolets d'acier.


Il ne neigeait plus; la lune, de plus en plus claire, se dégageait des brumes, et sa lueur mêlée au reflet blanc de la neige tombée donnait à la chambre un aspect crépusculaire.


Il y avait de la lumière dans le taudis Jondrette. Marius voyait le trou de la cloison briller d'une clarté rouge qui lui paraissait sanglante.


Il était réel que cette clarté ne pouvait guère être produite par une chandelle. Du reste, aucun mouvement chez les Jondrette, personne n'y bougeait, personne n'y parlait, pas un souffle, le silence y était glacial et profond, et sans cette lumière on se fût cru à côté d'un sépulcre.


Marius ôta doucement ses bottes et les poussa sous son lit.


Quelques minutes s'écoulèrent. Marius entendit la porte d'en bas tourner sur ses gonds, un pas lourd et rapide monta l'escalier et parcourut le corridor, le loquet du bouge se souleva avec bruit; c'était Jondrette qui rentrait.


Tout de suite plusieurs voix s'élevèrent. Toute la famille était dans le galetas. Seulement elle se taisait en l'absence du maître comme les louveteaux en l'absence du loup.


—C'est moi, dit-il.


—Bonsoir, pèremuche! glapirent les filles.


—Eh bien? dit la mère.


—Tout va à la papa, répondit Jondrette, mais j'ai un froid de chien aux pieds. Bon, c'est cela, tu t'es habillée. Il faudra que tu puisses inspirer de la confiance.


—Toute prête à sortir.


—Tu n'oublieras rien de ce que je t'ai dit? Tu feras bien tout?


—Sois tranquille.


—C'est que... dit Jondrette. Et il n'acheva pas sa phrase.


Marius l'entendit poser quelque chose de lourd sur la table, probablement le ciseau qu'il avait acheté.


—Ah çà, reprit Jondrette, a-t-on mangé ici?


—Oui, dit la mère, j'ai eu trois grosses pommes de terre et du sel. J'ai profité du feu pour les faire cuire.


—Bon, repartit Jondrette. Demain je vous mène dîner avec moi. Il y aura un canard et des accessoires. Vous dînerez comme des Charles-Dix. Tout va bien!


Puis il ajouta en baissant la voix.


—La souricière est ouverte. Les chats sont là.


Il baissa encore la voix et dit:


—Mets ça dans le feu.


Marius entendit un cliquetis de charbon qu'on heurtait avec une pincette ou un outil en fer, et Jondrette continua:


—As-tu suifé les gonds de la porte pour qu'ils ne fassent pas de bruit?


—Oui, répondit la mère.


—Quelle heure est-il?


—Six heures bientôt. La demie vient de sonner à Saint-Médard.


—Diable! fit Jondrette. Il faut que les petites aillent faire le guet. Venez, vous autres, écoutez ici.


Il y eut un chuchotement.


La voix de Jondrette s'éleva encore:


—La Burgon est-elle partie?


—Oui, dit la mère.


—Es-tu sûre qu'il n'y a personne chez le voisin?


—Il n'est pas rentré de la journée, et tu sais bien que c'est l'heure de son dîner.


—Tu es sûre?


—Sûre.


—C'est égal, reprit Jondrette, il n'y a pas de mal à aller voir chez lui s'il y est. Ma fille, prends la chandelle et vas-y.


Marius se laissa tomber sur ses mains et ses genoux et rampa silencieusement sous son lit.


À peine y était-il blotti qu'il aperçut une lumière à travers les fentes de sa porte.


—P'pa, cria une voix, il est sorti.


Il reconnut la voix de la fille aînée.


—Es-tu entrée? demanda le père.


—Non, répondit la fille, mais puisque sa clef est à sa porte, il est sorti.


Le père cria:


—Entre tout de même.


La porte s'ouvrit, et Marius vit entrer la grande Jondrette, une chandelle à la main. Elle était comme le matin, seulement plus effrayante encore à cette clarté.


Elle marcha droit au lit, Marius eut un inexprimable moment d'anxiété, mais il y avait près du lit un miroir cloué au mur, c'était là qu'elle allait. Elle se haussa sur la pointe des pieds et s'y regarda. On entendait un bruit de ferrailles remuées dans la pièce voisine.


Elle lissa ses cheveux avec la paume de sa main et fit des sourires au miroir tout en chantonnant de sa voix cassée et sépulcrale:


Nos amours ont duré toute une semaine,
Ah! que du bonheur les instants sont courts!
S'adorer huit jours, c'était bien la peine!
Le temps des amours devrait durer toujours!
Devrait durer toujours! devrait durer toujours!


Cependant Marius tremblait. Il lui semblait impossible qu'elle n'entendît pas sa respiration.


Elle se dirigea vers la fenêtre et regarda dehors en parlant haut avec cet air à demi fou qu'elle avait.


—Comme Paris est laid quand il a mis une chemise blanche! dit-elle.


Elle revint au miroir et se fit de nouveau des mines, se contemplant successivement de face et de trois quarts.


—Eh bien! cria le père, qu'est-ce que tu fais donc?


—Je regarde sous le lit et sous les meubles, répondit-elle en continuant d'arranger ses cheveux, il n'y a personne.


—Cruche! hurla le père. Ici tout de suite! et ne perdons pas le temps.


—J'y vas! j'y vas! dit-elle. On n'a le temps de rien dans leur baraque!


Elle fredonna:


Vous me quittez pour aller à la gloire,
Mon triste cœur suivra partout vos pas.


Elle jeta un dernier coup d'œil au miroir et sortit en refermant la porte sur elle.


Un moment après, Marius entendit le bruit des pieds nus des deux jeunes filles dans le corridor et la voix de Jondrette qui leur criait:


—Faites bien attention! l'une du côté de la barrière, l'autre au coin de la rue du Petit-Banquier. Ne perdez pas de vue une minute la porte de la maison, et pour peu que vous voyiez quelque chose, tout de suite ici! quatre à quatre! Vous avez une clef pour rentrer.


La fille aînée grommela:


—Faire faction nu-pieds dans la neige!


—Demain vous aurez des bottines de soie couleur scarabée! dit le père.


Elles descendirent l'escalier, et, quelques secondes après, le choc de la porte d'en bas qui se refermait annonça qu'elles étaient dehors.


Il n'y avait plus dans la maison que Marius et les Jondrette; et probablement aussi les êtres mystérieux entrevus par Marius dans le crépuscule derrière la porte du galetas inhabité.


English text[edit]

Marius seated himself on his bed. It might have been half-past five o'clock. Only half an hour separated him from what was about to happen. He heard the beating of his arteries as one hears the ticking of a watch in the dark. He thought of the double march which was going on at that moment in the dark,—crime advancing on one side, justice coming up on the other. He was not afraid, but he could not think without a shudder of what was about to take place. As is the case with all those who are suddenly assailed by an unforeseen adventure, the entire day produced upon him the effect of a dream, and in order to persuade himself that he was not the prey of a nightmare, he had to feel the cold barrels of the steel pistols in his trousers pockets.


It was no longer snowing; the moon disengaged itself more and more clearly from the mist, and its light, mingled with the white reflection of the snow which had fallen, communicated to the chamber a sort of twilight aspect.


There was a light in the Jondrette den. Marius saw the hole in the wall shining with a reddish glow which seemed bloody to him.


It was true that the light could not be produced by a candle. However, there was not a sound in the Jondrette quarters, not a soul was moving there, not a soul speaking, not a breath; the silence was glacial and profound, and had it not been for that light, he might have thought himself next door to a sepulchre.


Marius softly removed his boots and pushed them under his bed.


Several minutes elapsed. Marius heard the lower door turn on its hinges; a heavy step mounted the staircase, and hastened along the corridor; the latch of the hovel was noisily lifted; it was Jondrette returning.


Instantly, several voices arose. The whole family was in the garret. Only, it had been silent in the master's absence, like wolf whelps in the absence of the wolf.


"It's I," said he.


"Good evening, daddy," yelped the girls.


"Well?" said the mother.


"All's going first-rate," responded Jondrette, "but my feet are beastly cold. Good! You have dressed up. You have done well! You must inspire confidence."


"All ready to go out."


"Don't forget what I told you. You will do everything sure?"


"Rest easy."


"Because—" said Jondrette. And he left the phrase unfinished.


Marius heard him lay something heavy on the table, probably the chisel which he had purchased.


"By the way," said Jondrette, "have you been eating here?"


"Yes," said the mother. "I got three large potatoes and some salt. I took advantage of the fire to cook them."


"Good," returned Jondrette. "To-morrow I will take you out to dine with me. We will have a duck and fixings. You shall dine like Charles the Tenth; all is going well!"


Then he added:—


"The mouse-trap is open. The cats are there."


He lowered his voice still further, and said:—


"Put this in the fire."


Marius heard a sound of charcoal being knocked with the tongs or some iron utensil, and Jondrette continued:—


"Have you greased the hinges of the door so that they will not squeak?"


"Yes," replied the mother.


"What time is it?"


"Nearly six. The half-hour struck from Saint-Medard a while ago."


"The devil!" ejaculated Jondrette; "the children must go and watch. Come you, do you listen here."


A whispering ensued.


Jondrette's voice became audible again:—


"Has old Bougon left?"


"Yes," said the mother.


"Are you sure that there is no one in our neighbor's room?"


"He has not been in all day, and you know very well that this is his dinner hour."


"You are sure?"


"Sure."


"All the same," said Jondrette, "there's no harm in going to see whether he is there. Here, my girl, take the candle and go there."


Marius fell on his hands and knees and crawled silently under his bed.


Hardly had he concealed himself, when he perceived a light through the crack of his door.


"P'pa," cried a voice, "he is not in here."


He recognized the voice of the eldest daughter.


"Did you go in?" demanded her father.


"No," replied the girl, "but as his key is in the door, he must be out."


The father exclaimed:—


"Go in, nevertheless."


The door opened, and Marius saw the tall Jondrette come in with a candle in her hand. She was as she had been in the morning, only still more repulsive in this light.


She walked straight up to the bed. Marius endured an indescribable moment of anxiety; but near the bed there was a mirror nailed to the wall, and it was thither that she was directing her steps. She raised herself on tiptoe and looked at herself in it. In the neighboring room, the sound of iron articles being moved was audible.


She smoothed her hair with the palm of her hand, and smiled into the mirror, humming with her cracked and sepulchral voice:—


        Nos amours ont duré toute une semaine,
        Mais que du bonheur les instants sont courts!
        S'adorer huit jours, c'était bien la peine!
        Le temps des amours devrait durer toujours!
        Devrait durer toujours! devrait durer toujours! 28


In the meantime, Marius trembled. It seemed impossible to him that she should not hear his breathing.


She stepped to the window and looked out with the half-foolish way she had.


"How ugly Paris is when it has put on a white chemise!" said she.


She returned to the mirror and began again to put on airs before it, scrutinizing herself full-face and three-quarters face in turn.


"Well!" cried her father, "what are you about there?"


"I am looking under the bed and the furniture," she replied, continuing to arrange her hair; "there's no one here."


"Booby!" yelled her father. "Come here this minute! And don't waste any time about it!"


"Coming! Coming!" said she. "One has no time for anything in this hovel!"


She hummed:—


        Vous me quittez pour aller à la gloire;
        Mon triste cœur suivra partout. 29


She cast a parting glance in the mirror and went out, shutting the door behind her.


A moment more, and Marius heard the sound of the two young girls' bare feet in the corridor, and Jondrette's voice shouting to them:—


"Pay strict heed! One on the side of the barrier, the other at the corner of the Rue du Petit-Banquier. Don't lose sight for a moment of the door of this house, and the moment you see anything, rush here on the instant! as hard as you can go! You have a key to get in."


The eldest girl grumbled:—


"The idea of standing watch in the snow barefoot!"


"To-morrow you shall have some dainty little green silk boots!" said the father.


They ran down stairs, and a few seconds later the shock of the outer door as it banged to announced that they were outside.


There now remained in the house only Marius, the Jondrettes and probably, also, the mysterious persons of whom Marius had caught a glimpse in the twilight, behind the door of the unused attic.

Translation notes[edit]

Textual notes[edit]

Citations[edit]